Magazine littéraire en lien avec l'association de promotion de la lecture "Lire à Saint-Étienne".
Patrick Cabanel, ancien élève de Normale Sup, agrégé d’histoire, est directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études, titulaire de la chaire histoire et sociologie des protestantismes.
Dora. Dora Rivière qui - dans le mouvement Combat - entre très tôt en résistance et cache des juifs sur le plateau du Chambon de Tence - c’est son nom à l’époque – est en 2011 reconnue Juste parmi les Nations. Dora, sœur d’Henri Rivière figure stéphanoise et patron des Fourgons stéphanois, une entreprise de transports qui dans les années 40 et alors que le moteur avait déjà envahi les rues, les routes et les chemins, continuait fièrement à sillonner la ville en charrettes à cheval. Un rude barbu cet Henri Rivière, lui aussi résistant et qui cachait – je le découvre en lisant ce livre – « des armes dans la Chambre verte au-dessus des quais de déchargement de l’entreprise». C’était en face du Lycée Fauriel, là qu’avec un de ses fils et quelques copains nous passions en toute innocence le meilleur de nos jeudis.
L’histoire de Dora c’est beaucoup de voyages en Pologne, Tchécoslovaquie et Hongrie, mais c’est aussi - et avant tout - Ravensbrück. Ravensbrück, un camp où 135 000 femmes et enfants furent déportés et 90 000 assassinés. Arrêtée le 6 octobre 1943, incarcérée à Bellevue puis transférée à Montluc, Dora est partie à Ravensbrück le 30 janvier 1944. Avec Nelly Gorce et Violette Maurice toutes deux Stéphanoises mais aussi avec Geneviève de Gaulle. Et c’est là-bas, à 80 Km au nord de Berlin et parce qu’elle était médecin, qu’elle dut affronter la plus incroyable des situations. A un kilomètre de Ravensbrück. Là où le commandant du camp avait inventé « le Ravier du Jugendlander ». « Une cuve de décantation avant la chambre à gaz.» Un mouroir présenté comme lieu de repos et d’espoir pour les détenues les plus fragiles mais qui, en réalité, était la dernière étape avant le crématoire et la mort.
Et c’est là qu’elle sera envoyée, avec deux infirmières elles aussi détenues. Pour faire croire à l’impossible.
Michel Redon – Les Industries métallurgiques et mécaniques dans la Loire – Tome 2 – Actes Graphiques – 30 €
Stéphanois d’adoption, économiste de formation, Michel Redon a occupé des fonctions de direction à la Banque de France, réalisé des missions au Fonds Monétaire international et à la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Il a aussi été consultant pour une entreprise française implantée en Ukraine.
La Loire qui du sud au nord s’étend des bords du Rhône aux première collines du Charolais et du Brionnais, d’est en ouest des monts du Lyonnais aux monts du Forez, est un département riche d’une histoire industrielle exceptionnelle marquée – peut-on dire au fer rouge ? - par le métal, le ruban et le charbon, les martinets, les bistanclaques et les coups de grisou. Aux Editions « Actes Graphiques » dans une collection où le format et la qualité de l’image – souvent photos couleurs en pleine page – donnent aux ouvrages un pouvoir de suggestion exceptionnel, Michel Redon nous fait vivre cette belle aventure. Avec « L’Industrie textile dans la Loire » en 2017 puis « Armes et cycles dans la Loire » en 2019 et maintenant « Les Industries métallurgique et mécanique dans la Loire, l’univers fascinant du métal », dont le tome 2 « Mécanique de précision, outillages machines » vient de sortir des presses.
Avec autorité et compétence Michel Redon nous entraîne dans les ateliers et les ingénieries de 250 entreprises. Entreprises, grosses ou petites, qui s’honorent de produire des pièces mécaniques de précision, de l’outillage à la renommée internationale et des machines en tous genres à l’avant garde du numérique. 250 entreprises héritières d’un passé industriel unique et dont une trentaine emploient plus de 100 salariés. Certaines fières de leur indépendance, d’autres retirant la même fierté de leur affiliation à des groupes - français ou étrangers - dont la notoriété fait gaillardement le tour du monde.
Innovation à tout va et conquête des marchés internationaux sont les deux mamelles de leur réussite. Une réussite qui les voit briller dans des industries aussi porteuses que l’aviation et l’automobile, le matériel ferroviaire et l’industrie navale et dans des domaines où l’exigence est encore plus prégnante comme le nucléaire et la conquête spatiale.
Une chronique de Jacques Plaine, président de Lire à Saint-Etienne
Philippe Lemaire
" Charleston blues " (De Borée)
Pour Théo, fils d'un modeste bourrelier, l'image de la liberté est associée à celle de Joss, jeune femme capricieuse et espiègle, héritière du groupe sucrier Roux-Duval.
À ses côtés, Théo vivra les plus belles années de sa vie, emporté dans le tourbillon des Années folles où des héros hagards et blêmes s'étourdissent dans une fête perpétuelle sur les premiers rythmes de jazz. Des fêtes où la vie se consume la nuit dans des débordements d'ivresse et l'affolement des corps.
La chronique de Jacques Plaine
PHILIPPE LEMAIRE Charleston Blues De Borée Grand reporter à France 3, auteur de chansons et réalisateur de films documentaires, Philippe Lemaire écrit avec « Charleston Blues » son vingt et unième roman. C’est une histoire qui avait mal commencé. Une première fois le jour de la fête au village. Il avait dix ans et fou amoureux s’était élancé à l’assaut du mât de cocagne, avait grimpé comme un singe et tout là-haut avait décroché un paquet « enveloppé dans un papier d’un rouge éclatant ». Puis redescendu s’était précipité pour le lui offrir. « Qu’est-ce que tu veux que je fasse de ça ? » lui avait-elle craché. Pétrifié il avait conservé le petit cadeau sur son cœur. Aujourd’hui, dix ans plus tard c’est elle qui débarque. Au volant d’une Bugatti blanche et lui crie sans même descendre de voiture : Monte ! Et l’embarque illico devinez où ? À Deauville. Et pour quoi faire ? Pour servir « de leurre ». Oui un leurre destiné à aiguiser la jalousie d’un autre. Lui c’est Pierre, le fils du bourrelier. Un ch’ti gars qui avec ses oreilles en chou-fleur ira de naufrage en naufrage. Elle c’est Joss, l’héritière du plus grand groupe sucrier de là-haut. La plus foldingue des évaporées. La plus imprévisible des dissipées de la jarretelle. Cette histoire c’est celle d’une pêche au vif. D’une pêcheuse qui manie la canne par un bout alors que le poisson frétille tout là-bas à l’autre bout. Mais entre pêcheur et vif peut-il y avoir une vraie histoire d’amour ? C’est dans le Paris des années folles que Joss et Pierre vivront la suite de ce délire. Danseront le fox-trot au Dôme et à la Rotonde et le charleston au Bœuf sur le toit. S’extasieront sur les Hispano-Suiza et les De Dion-Bouton et sillonneront Montmartre et Montparnasse en Bugatti. Joss ouvrira une galerie avec accrochés aux cimaises les dessins de Foujita et les solarisations de Man Ray et accueillera Pablo Picasso et Blaise Cendras à l’inauguration. Pierre sera employé de librairie chez Adrienne Monnier et Sylvia Beach. Il y croisera Gide, Cocteau et Radiguet et parlera Espagne, fiesta, courses de taureaux et corridas avec Hemingway à la Closerie des Lilas. Et l’amour dans tout ça ? « L’amour est une planche de fakir hérissée de vrais clous » commentera Pierre. Pierre qui en connaissait un rayon en instruments de torture.
Hélène Legrais
" La ballade d'Amélie " (Calmann-Lévy)
Chanteuse lyrique, Amélie a renoncé à une carrière internationale pour élever seule sa fille. Tout en enseignant le chant au conservatoire de Perpignan, elle ne s'est plus produite que dans les concerts et les festivals de sa région au point de devenir une véritable diva locale. Sollicitée de toute part, ne sachant pas dire non, elle se consacre sans compter à son métier…
Jusqu'au jour où, victime d'un burn-out, elle perd sa voix.
Qu'advient-il de nous quand nous perdons ce qui nous définit ?
À sa grande surprise, Amélie découvre qu'elle n'est pas qu'une voix. Elle réapprend à vivre sans le stress, la pression, la fatigue.
Elle aime cette nouvelle femme qui naît, mais redoute de décevoir tous ceux qui attendent avec impatience son grand retour.
La chronique de Jacques Plaine
HÉLÈNE LEGRAIS La Ballade d’Amélie Calmann Lévy Née à Perpignan, chroniqueuse sur France Bleue, Hélène Legrais a travaillé à France Inter et à Europe 1, avant de retourner dans sa Catalogne natale pour se consacrer à l’écriture. En 2012 elle a reçu le Prix « Méditerranée Roussillon ». Si un beau matin vous vous réveillez avec la gueule de bois, vous savez pourquoi. Mais si vous vous réveillez avec une extinction de voix, c’est une autre affaire. Amélie, elle, dans son lit à baldaquin et au pied du Canigou s’est réveillée sans voix du tout. Même pas le plus petit filet. Un petit filet qui aurait filé sans filet et sans prévenir au fin fond de son arrière gorge. Non ! « C’était bien la première fois de sa vie que sa voix ne « sortait » pas». Perdre sa voix - seul au milieu de l’Atlantique - quand on est marin de la Route du Rhum, passe encore, mais quand on est chanteuse lyrique adulée de toute la Catalogne et bien au-delà, l’affaire prend une tout autre importance. Une affaire à vous mettre le moral en berne, à zéro voire à moins quinze. Une affaire qui avait fait dire au phoniatre d’Amélie qu’il n’y avait rien à faire, que tout était dans sa tête, rien que dans sa tête : « votre cerveau a essayé de vous alerter…mais comme vous avez ignoré tous les signaux d’alarme, il a décidé de vous obliger à vous arrêter ». L’homme qui murmurait à l’oreille des cordes vocales avait même ajouté que c’était du surmenage, de l’épuisement professionnel, du stress, en un mot qu’elle était victime d’un « burn-out ». Et face à ce mot qui décoiffe et qui dérange on fait quoi ? On arrête de tirer sur la corde – vocale bien entendu - et on attend la suite. « Dans quelques semaines, je vous le promets, vous allez retrouver votre magnifique voix ». C’est alors que s’enchaîneront quatre évènements à vous faire tourner la carte, la Michelin, la vitale et celle du tendre bien entendu. Un, elle se cassera le coude « Aïe ! Aïe ! Aïe ! ». Deux, elle trouvera la carte d’identité d’une belle brune, tout le monde ne peut pas être blonde. Trois, elle embarquera dans un TUB Citroën des années 30 et quatre, Titine – devinez qui est Titine - se fera un joint. Le tout donnant le « la » d’une sacrée ballade. Avec un ou deux « l » à vous de voir mon capitaine. 04 77 25 09 64 – 04 77 21 35 7
Frédéric Viguier
" La vérité n'aura pas lieu " (Plon)
" Gisèle Chabaud était la première lectrice qui me sollicitait dans le but d'écrire son histoire. Celle du suicide de son fils, un père de famille soupçonné d'abus sexuels sur mineure. Elle avait lu l'un de mes romans et voulait réhabiliter l'honneur de son fils. Intrigué par la personnalité de cette femme, curieux de pénétrer l'intimité de cette famille, j'acceptai.
Puis le doute… Cherchait-elle à orienter mon jugement ? Plus j'avançais dans cette histoire, lisant les procès-verbaux et le journal de sa femme, plus Sylvain Chabaud me paraissait secret, énigmatique."
Mais était-ce bien là l'enjeu de ce drame ?
La chronique de Jacques Plaine
FRÉDÉRIC VIGUIER La vérité n’aura pas lieu Plon Metteur en scène de théâtre et auteur Frédéric Viguier a été prix Exbrayat 2017 avec « Aveu de faiblesse » puis prix Exbrayat des Lycéens avec le même livre. Après qu’on a retrouvé son fils - la gorge tranchée - au pied de sa voiture, Gisèle Chabaud écrit à Frédéric Viguier : « Je sais que ma haine ne sera jamais rassasiée, alors pour ne pas devenir complètement folle, j’ai décidé de faire appel à vous… ». À vous Frédéric Viguier l’auteur d’Aveu de faiblesse. Aveu de faiblesse un roman dans lequel un garçon de dixsept ans présenté comme la crème des braves types se révèle le pire des salopards. Sylvain, lui, le fils de Gisèle Chabaud, est un adulte de quarante-cinq ans qui s’est suicidé suite à une dénonciation calomnieuse. Que veut Gisèle Chabaud ? Ni plus ni moins que Frédéric Viguier dans un roman comme il sait les écrire fasse de son fils un héros. Un héros « coupable seulement de trop de faiblesse ». Et comme Frédéric Viguier hésite à sauter le pas elle lui propose de sortir le carnet de chèques. Et s’engage sous contrat à lui verser « dix fois ce que lui ont rapporté la vente de ses deux romans ». Il y a des propositions qui ne se refusent pas. Ou tout au moins qu’on ne balance pas à la poubelle sans en avoir soulevé le couvercle. Et tout en déniant être « un porte plume » ou ce qu’on appelait il n’y a pas si longtemps « un nègre » Frédéric Viguier demande à voir. Malgré les réticences de Gisèle Chabaud il va rencontrer des personnes proches du dossier, étudier les documents de gendarmerie, lire le texte que dans un premier temps Gisèle Chabaud avait elle-même envisagé de publier et découvrir ainsi que la vie de Sylvain était un roman. Un vrai roman. Un roman noir ? A l’eau de rose ? Un roman en tous cas avec plus d’ombres que de lumières, plus de non-dits que de belles paroles, avec une vie professionnelle qui met l’artiste cinq jours sur sept très loin des siens. Un roman parsemé des petits mensonges sans importance mais mensonges quand même. Un ensemble de petits riens qui dans un petit village ne peut que mettre en marche la grosse rumeur. Et on peut faire un très bon livre de la grosse rumeur. Surtout quand celui qui l’a déclenchée est retrouvé la gorge tranchée au pied de sa voiture.
Sébastien Berlendis
" Lungomare " (Actes sud)
Plein été.
Le lungomare, la promenade du bord de mer, s'étire sous le soleil familier de la baie de Gênes, où les souvenirs de la jeunesse radieuse des parents du narrateur épousent les méandres de la via Aurélia, ses anciens palais, ses corniches et ses stations balnéaires.
Une virée italienne entre songe et fantasme, acoustique des années 1970 et photographie solarisée, désinvolture et mélancolie.
La chronique de Jacques Plaine
SÉBASTIEN BERLENDIS Lungomare Actes Sud Né à Avignon, mais vivant entre Saône et Rhône, Sébastien Berlendis est professeur de philosophie à Lyon. Venu à l’écriture par l’image, il a souvent exposé son travail photographique en France et à l’étranger. Lungomare est son septième ouvrage. Pour la septième fois, son Rolleiflex en bandoulière et ses carnets d’écriture à portée de main, celui qui ressemble comme un frère à Sébastien Berlendis est de retour. D’été en été, de plage en plage, de lac en lac, il promène ses souvenirs. Que ce soit au Val d’Aoste ou au bord des lacs bleu violet de l’Italie du Nord, dans les brumes des lacs berlinois ou sous le souffle chaud des montagnes des Maures, que ce soit au fin bout des Apennins, là où « l’incendie dévore et embrase les collines » et où des nuages de fumée s’échappent des volcans. Mais aujourd’hui c’est dans le golfe de la côte Ligure - à Lungomare – qu’il nous a donné rendez-vous. Il sera là, toujours avec quelque jolie fille pour « cadencer les heures ». Comme il y a bien longtemps avec Suzanne, Marie, Louise et Isabelle, avec Élisabeth et quelques autres un peu plus tard, ou avec Simona au lac de Côme. Aujourd’hui il a choisi Annabella. Annabella chevelure noire et « blancheur de Kabylie ». Annabella qui murmure « il mio amante » pour le présenter. Annabella et la mer, toujours la mer, la plage, les transats, le parasol rouge. La mer, l’eau, le bain, le crawl, les plongeons « deux pas d’élan, course rapide, rondade flip arrière » et salut les copains. Et un jour de grosse mer, Gabriela « la jeune maman au corps tatoué », Gagriela avec laquelle il jouera à prendre les vagues à leur sommet et à disparaître sous les remous blancs. Gabriela pour qui, sur le chemin du retour, il sera « mon copain de vagues ». Mais à Lungomare - en palimpseste – il retrouvera ses parents. Ses parents qui à vingt ans ont fait le même voyage que lui. « À vingt ans, corps fins pas encore bronzés par le soleil d’été, mes parents promènent leur amour de jeunes adultes sur les routes de la côte ligure ». Ses parents dont les photos ne le quittent jamais et qui à San Remo - pour écouter les jeunes stars de la chanson italienne - préféraient le Casino aux promenades du bord de mer. Ses parents qui curieusement avaient choisi la Costa Brava pour leur voyage de noces.
La chronique de Jacques Plaine
JEAN-LOUIS NOGARO Le teorem des grands hommes Éditions Arcan 17 Professeur des écoles à Saint-Étienne et auteur d’une dizaine de romans policiers, Jean-Louis Nogaro est aussi le patron des éditions du Caïman. « Effet Papillon » ou « coup du Tyrannosaure » ? Peu importe mais on peut affirmer que si du côté de Saint-Malo le camping-car d’Yvon Ben Ouassil n’avait pas pété un joint de culasse et que le dit Yvon parti chercher de l’aide n’avait pas trouvé à son retour un cadavre dans son camion, biens des choses auraient changé dans l’hexagone. Tout d’abord un nouveau parti - le PSLC « Parti Social Libéral et Chrétien » - aurait rebattu les cartes de la géopolitique française, envoyé balader tout ce qui est au pouvoir aujourd’hui et installé dans le vide ainsi créé une équipe à sa botte. Ensuite, autre révolution mais cette fois dans le monde de l’archéologie, une autre équipe aurait réussi à faire croire à la découverte d’un nouveau dinosaure – un diapside non répertorié par les papes de la paléontologie mondiale - et aurait imaginé dans la foulée lancer des parcs de loisirs à faire mourir de rage - ou d’envie - les mickeys des Disneylands des cinq continents. Yvon Ben Ouassil, un citoyen plus habitué avec son chien aux hôtels de police qu’aux hôtels cinq étoiles. Un copain de Ludovic Mermoz rédacteur en chef et unique plume du « Vilain Canard » petite feuille de choux de Saint-Genest-Malifaux. Un brave type ce Mermoz, héritier d’une tante elle aussi inconnue (on le savait depuis « La morte des tourbières » un polar publié au Caïman). Un brave homme donc qui n’hésitera pas, quand Ben Ouassil sera embastillé à Saint-Malo, à prendre un train à Saint-Étienne pour aller récupérer le chien de son pote à la SPA du pays de Surcouf. Car c’est bien Ben Ouassil, son chien et son camping-car qui sont les héros de cette histoire à réveiller un mort ou à le laisser crever au fin fond d’un combi Volkswagen. Un combi qu’un un gendarme et une gendarmette – fort sympathiques par ailleurs - ont inspecté de fond en comble pour y découvrir, devinez quoi, un macchabée habillé en plongeur sous-marin. Un plongeur avec palmes et tuba. Pas académique cette histoire de palmes ? Allez savoir inspecteur.
Étienne Bonamy (Prix Nucéra 2024)
" Les forcés de la route " (En Exergue Éditions)
Porté au milieu de l'été 1942 par l'Occupant allemand et les collabos français, le Circuit de France se voulait une copie du Tour de France cycliste, mis en sommeil dès 1940.
Du 28 septembre au 4 octobre 1942, les organisateurs embarquent une élite de 72 coureurs français, belges et italiens dans cette galère : 1 650 kilomètres en six étapes, un circuit conçu à la hâte et couru de Paris à Paris en une semaine, à travers une France fendue par la ligne de démarcation.
Imaginé comme un tour de force tandis que le pays vit sous le joug allemand, il tourne à la farce ; tout y est presque improvisé et l'on manque de tout. Étape après étape, le roman redonne vie aux coureurs et suiveurs, devenus malgré eux les hérauts d'un épisode méconnu du sport français, aussitôt oublié.
Mais le franchissement de la ligne de démarcation ne sera pas sans conséquences…
La chronique de Jacques Plaine
ÉTIENNE BONAMY Les Forcés de la Route Éditions en exergue Étienne Bonamy qui fut rédacteur en chef de L’Équipe a reçu ce mercredi 6 mars le prix « Les Soleils de Nucéra » sur le podium de Paris-Nice. En 1938, après la victoire de Sylvère Maes le Tour de France s’arrêtera de tourner et la France de marcher droit. Mais en 42 – soit parce qu’il est accro du vélo, soit parce qu’il a envie de faire comme si la zone libre était déjà occupée - l’Occupant décidera dans sa caboche – sa petite caboche de boche – de remettre le couvert. Il y aura donc un nouveau Tour. Un Tour qui ne sera pas LE « Tour de France » puisque le sigle est la propriété de l’Auto et que son organisation sera confiée à « La France socialiste » journal concurrent. Non cet ersatz de Tour sera contraint de s’inventer un nouveau nom : « Le Circuit de France ». Un Circuit d’une semaine. Paris-Paris en six étapes. Une micro Grande Boucle avec soixante-neuf coureurs au départ, vingt-sept à l’arrivée, des gazogènes en voitures suiveuses et une carte d’alimentation dans les musettes. Un micro Tour de 1 600 kilomètres avec ses problèmes à tous les virages. D’abord à cause du temps. Un temps – dès le premier jour - à ne pas mettre un chien dehors et encore moins un coureur cycliste. Un temps à habiller les coursiers de ponchos taillés dans des toiles cirées de tables de cuisine. Ensuite en raison de l’incompétence crasse de l’organisation : des changements d’itinéraire en veux-tu en voilà et des arrivées à la nuit tombée qui permettront aux coureurs de découvrir la ligne blanche après l’avoir passée et au vainqueur d’enfiler un maillot blanc cerclé de noir… si par miracle les organisateurs ont la chance de le retrouver dans leur valise. Mais aussi, et peut-être surtout, un Tour qui longera, traversera et jouera à cache-cache avec la ligne de démarcation. Une occasion rêvée pour les résistants du coin de faire passer entre les lignes d’autres partisans, des faux papiers et du matériel, et pour quelques kaisers du marché noir, du beurre, des œufs et des sauciflards. Et puis le Circuit de France arrivera à Paris. Le 4 octobre. Le 8 novembre les Alliés débarqueront en Afrique du Nord et le 11 l’armée allemande envahira la zone libre. Mais il faudra attendre 1947 et le 20 juillet pour voir au Parc des Princes Jean Robic enfiler un vrai maillot jaune.
Paul Mazenod
" Quand les soldats américains nous jetaient des fleurs " (Les éditions IFRHOS)
Quand Pierre, frère ainé de Jacques Neyrand, est victime d'un AVC, Jacques pour l'aider à retrouver la mémoire échange avec lui une correspondance où il raconte ce que fut leur enfance heureuse en Haute-Loire pendant la seconde guerre mondiale.
Elle révèle l'entente parfaite des deux frères durant leur jeunesse qui disparaîtra à l'age adulte et la volonté de Jacques de retrouver leur complicité d'antan.
La chronique de Jacques Plaine
Quand les soldats américains nous jetaient des fleurs Éditions IFRHOS Professeur à l’EM LYON, Paul Mazenod, créateur de l’Institut Français de Réalisations Hospitalières, est stéphanois et auteur d’ouvrages de gestion dont « La bonne taille d’un établissement hospitalier » préfacé par Jacques Barrot. «Allô, allô ton frère a été hospitalisé d’urgence ce matin et n’a toujours pas repris connaissance ». « J’arrive, j’arrive. Dans cinq heures je serai là ». Et c’est ainsi qu’à Saint-Étienne, Jacques - averti par sa belle-sœur de l’AVC de son frère - saute dans sa voiture et se retrouve cinq heures plus tard à la Pitié-Salpêtrière. Un hôpital parisien où Pierre - pas tout à fait mort mais pas loin - a perdu une mémoire que tous ici ont hâte de faire revivre. Inséparables dans leur enfance, leur jeunesse et leur adolescence, Jacques et Pierre furent par la suite séparés par la vie. La faute à Geneviève, la femme de Pierre. Une idée à Jacques sauf que lui et elle c’est chien et chat et « je t’aime moi non plus ». Aujourd’hui, à soixante-dix ans, alors qu’il envisage de tirer un trait sur sa carrière d’assureur, il se sent pourtant le seul en mesure de remettre un peu d’ordre dans la tête du frangin. Comment ? En lui écrivant des lettres qui réveilleraient ses souvenirs endormis. Huit lettres dans lesquelles il s’efforcera de faire revivre leurs belles heures du passé. Celles en particulier où « les soldats américains nous jetaient des fleurs ». Des lettres certes destinées à sortir Pierre de son néant, mais des lettres aussi qui vont replonger le lecteur dans son propre passé. À Saint-Étienne bien sûr, mais aussi là haut du côté des sucs et du Plateau. Des parfums oubliés que chacun aura plaisir à respirer de nouveau, des images effacées mais que chacun aimera remettre en lumière et poser sur le dessus de sa boîte à souvenirs. L’occasion de prendre « la Galoche » pour monter à Yssingeaux, de pêcher le goujon à « la grattée » dans les courants de la Loire, de rouler par les chemins sur un vélo à « pneus pleins », de fumer au Helder sa première « cibiche », de « piquer une tête » au Pont de l’Enceinte ou de « faire un plat » à la nouvelle piscine de Grouchy enfin, et pourquoi pas, de courir les dédicaces à la première Fête du Livre de Saint-Étienne.
Pascal Pacaly
" Les gueules noires " (Les Éditions des Joyeux Pendus)
Les Gueules noires, ce sont ces mineurs - hommes et femmes aussi -, stéphanois mais aussi de l'Ondaine, de Firminy à Roche-La-Molière en passant par La Ricamarie. lls ont maintenant entre 80 et 100 ans et se souviennent. Ils parlent de la dureté de la mine mais évoquent aussi une époque qu'ils regrettent tous.
L'occasion de redécouvrir des lieux, des noms, des événements. Un préfet assassiné. La place Carnot qui s'éventre sous le Furan. Les galeries sous la ville.
La grande grève de l948. La vie de Michel Rondet… et le Musée de la Mine à Couriot.
La chronique de Jacques Plaine
PASCAL PACALY Les Gueules Noires Les Éditions des Joyeux Pendus Pascal Pacaly issu d’une famille ouvrière du ChambonFeugerolles est aussi un inconditionnel supporter des Verts, passionné de rock et fervent lecteur de littérature américaine. Saint-Étienne, ville des Verts et des Gueules noires, du foot et de la mine, ville des crassiers qui culminent à 670 mètres et des galeries qui plongent 200 mètres sous le niveau de la mer. Ville noire qui a perdu la « la Bataille du charbon » en 1963 mais où le chevalement de Couriot et Sainte Barbe – en plâtre ou en résine - sont toujours là pour nous faire garder en mémoire ce haut lieu de la France au travail. Une histoire qui sent la sueur et le grisou. Une histoire qui nous prend par la main et après nous avoir fait traverser « la salle des pendus » puis « le couloir de la dernière cigarette » nous envoie au centre de la terre. Une histoire pour laquelle Pascal Pacaly a trouvé quelques vieux de la vieille - quelques mineurs de l’âge des meilleurs whiskies - afin qu’ils nous racontent les Grandes Heures de leur aventure. Celle des « Rambertes » et du premier chemin de fer tiré par des chevaux. Celle du Café des Mineurs « ouvert de 4 h 30 du matin à minuit » et incontournable lieu de vie et de rencontre de ceux qui allaient bronzer sous terre et celle où des gamins de 12 ans poussaient des wagonnets. C’était le temps où le grisou envoyait vite fait bien fait les mineurs au paradis, celui où l’Ondaine inondait le Puits Charles, le temps de Michel Rondet et de ses 450 kg de statue, celui de Séverine et du « Cri du peuple », du préfet de l’Espée et de la Commune, des clapeuses devenues « fleurs de charbon ». Enfin c’était le temps de la grande grève de 48, des trams à la renverse et des 30 000 amis d’Antoine Barbier rassemblés pour ses funérailles place du Breuil à Firminy. Qu’ils soient gueules noires, ingénieurs ou gouverneurs les invités de Pascal Pacaly racontent chacun Sa mine, son quotidien sur ou sous terre « au temps des cerises » : les colonies de vacances avec eau chaude pour les filles et la rivière pour les garçons, les promenades dans les vapeurs de soufre du crassier pour les malades de la coqueluche, mais aussi la vie de chien des chevaux de fond dont certains passeront la retraite à tirer des corbillards. Mais ça c’est mon arrière grand-père marteleur à la Bargette qui le disait.
FRANÇOISE BOURDON
La Maison de Violette aux Presses de la cité
Françoise Bourdon professeur de droit et d’économie, a décidé après dix-sept ans d’enseignement de se consacrer exclusivement à sa passion pour l’écriture. La Maison de Violette est son trente-cinquième roman.
1967. Une année pas comme les autres pour deux grandes dames. Deux vieilles dames d’un autre temps. Charlotte au Cap-Ferret, Dona Sofia à Madrid. Dans sa belle maison du Cap, Charlotte s’efforce de redonner du tonus à Paul son petit-fils. Un ostréiculteur du bassin d’Arcachon qui a perdu sa femme et sa fille dans un accident et qui vient de rencontrer Iris, une architecte dans le vent obsédée par une envie prégnante de descendance. Charlotte qui s’emploie aussi à soutenir Violette sa petite- fille, une infirmière mariée à Diego - grand photographe de guerre et rescapé de Mauthausen - plus souvent à l’autre bout du monde que dans les bras de son épouse.
À Madrid Dona Sofia, longtemps voisine d’Anna, la libraire du quartier qui à la Libération avait fui la France en raison de sa proximité coupable avec un officier de la Wehrmacht, vient d’accueillir une jeune personne dont l’incroyable histoire ne semble pas sans rapports avec les amours interdites de la libraire, tante d’Iris l’architecte dans le vent. Donia Sofia toujours là pour applaudir quand il se trame quelque chose contre le Caudillo. Car en 1967, de l’autre côté des Pyrénées, c’est encore et toujours le Caudillo. Francisco Franco, le fascisme, la dictature, Guernica. Un passé que Diego a fui en 1938, mais c’est pourtant à Madrid qu’il vient de se rendre à la demande d’un vieux copain qui pense avoir découvert un beau salopard : l’ordure qui en 44 les a envoyés à Mauthausen. Et puis un jour, un jour comme on n’en fait pas tous les jours, tout le monde se retrouvera à la maison du Cap. Comment ? Pourquoi ? Dans quel état ? Ça c’est une autre histoire. Tout le monde, plus Ilka et Estelle. Mais qui sont Ilka et Estelle ? Pour Ilka, vous l’apprendrez sans difficulté par Iris ou Dona Sofia. Pour Estelle par contre, il faudra voir avec Diego. S’il veut bien et s’il n’est pas à l’autre bout du monde.
Existe-t-il une ou des recettes, des trucs pour devenir écrivain, sortir de sa peur de la page blanche et accoucher d'un livre ?
Tous les auteurs, hommes et femmes vous diront que non.
Irène Frain ausculte, quant à elle sa propre expérience et celle de quelques autres, connus ou anonymes, qui ont, un jour osé franchir le pas.
Et cela donne un livre délicieux à lire :Ecrire est un roman, paru au Seuil.
La chronique de Jacques Plaine
IRÈNE FRAIN Écrire est un roman Éditions du Seuil Irène Frain, prix Interallié 2020 pour « Un crime sans importance », auteur de 40 romans et biographies, est un personnage de la littérature française depuis le succès foudroyant du « Nabab » en 1982. Un roman dont le tirage a dépassé le million d’exemplaires. Les ateliers d’écritures sont nés aux États-Unis - il y a une centaine d’années - mais c’est bien ici, chez nous, qu’Irène Frain en a découvert toutes les saveurs. Qu’elle y a rencontré des admirateurs - ou des envieux allez savoir – regroupés en équipes et dont l’objectif est « de tenter d’obtenir l’arsenal de recettes qu’un auteur est censé avoir réuni pour entraîner le lecteur dans un monde parallèle et l’y emprisonner ». Mais comme elle aime la nage en eau profonde, Irène Frain ne s’est pas contentée de répondre aux questions de surface genre « à quelle heure écrivez-vous ? » ou « écrivez-vous à la main ou sur votre ordi ? » Non elle s’est imposée de remonter une à une les marches de sa propre histoire, pour se retrouver à douze ans. Lorsque elle a commencé à écrire. Et cet acte d’écriture elle l’imagine comme un séjour dans une maison. Une vraie maison. Mais « une autre maison que celle où elle habite ». Une grande bâtisse qu’elle a baptisée « la Maison-Écriture ». « Une résidence secondaire fantasmatique où je me télétransporte quand je veux ». Et pour nous faire visiter cette maison elle nous prend la main et nous entraîne à sa découverte. Une maison « qui nous habite autant que nous l’habitons », une maison où nous croyons entendre la voix des écrivains qui la fréquentaient autrefois « il arrive même que nous nous sentions frôlés par l’ombre de leurs personnages ». Une maison avec sa « chambre des peurs », Peur d’écrire, peur de se relire, peur de lire le lendemain ce qu’on a écrit la veille. Une maison avec tout au bout le « vestibule de l’écriture » qu’elle se fera un plaisir de nous faire découvrir. Une maison aussi avec la chambre du roman. Un étage même. Avec ascenseur s’il vous plaît. Mais il faut être deux pour faire un roman « celui qui fait croire et celui qui croit ». Ça tombe bien justement puisque pour l’heure Irène Frain est là pour la visite.
Olivier Bosc
" Le rouleau des cent vingt journées de Sodome " (Bibliothèque Nationale de France)
Cet ouvrage propose de découvrir la création et la fortune d'une pièce maîtresse de la bibliothèque de l'Arsenal, un des départements de la Bibliothèque nationale de France : le rouleau du manuscrit des Cent Vingt Journées de Sodome, texte rédigé par le marquis de Sade lors de sa captivité à la Bastille en 1785.
À travers la contribution d'éminents spécialistes, ce livre revient sur l'œuvre en son temps, son étonnante fortune critique et la trajectoire complexe de ce manuscrit hors normes, véritable « roman dans le roman ».
La chronique de Jacques Plaine
OLIVIER BOSC Le Rouleau des 120 journées de Sodome BNF Conservateur général des bibliothèques, historien et sociologue, Olivier Bosc, directeur de la bibliothèque de l’Arsenal est stéphanois. Un livre qui dérange, « Les 120 journées de Sodome » est le socle de l’œuvre de Sade. « L’Évangile du mal » écrit Jean Paulhan. « Un désordre et un excès portés au pire » surenchérit Georges Bataille. En vrai un inventaire de toutes les perversions que peut offrir la sexualité. Pas un amas de divagations envoyées au hasard mais un texte écrit par un seigneur de la plume et inspiré par l’esprit des Lumières. L’œuvre majeure d’un rebelle. Conçue au Donjon de Vincennes et à la Bastille par un prisonnier « en perpétuel état de démence libertine ». Un embastillé – c’est le mot – qui aura passé la moitié de sa vie d’adulte derrière les barreaux, détenu sous tous les régimes, que ce soit la Monarchie, la République, le Consulat et l’Empire. Un citoyen arrêté pour « débauche outré » en 1763 puis pour « débauche et libertinage outré » un peu plus tard. Un citoyen « exécuté en effigie » en 1772 car condamné à la peine capitale « pour crimes d’empoisonnement et de sodomie » enfin un miraculé qui échappera providentiellement à la guillotine un 8 Thermidor. Mais c’est l’aventure du « Rouleau des 120 journées » que nous déroule aujourd’hui Olivier Bosc. L’histoire des « 120 journées » écrite tout d’abord sur des feuilles de brouillons et que le divin marquis voulait mettre à l’abri de ses geôliers. Un manuscrit autographié en trentesept jours sur des bandes de papier découpées et collées bout à bout. Total 11,85 mètres de long, 11,4 cm de large, écriture microscopique, recto verso. Le tout destiné à être caché dans des lieux les plus improbables possibles. Des lieux tellement improbables que le rouleau disparaîtra, sera volé, retrouvé, vivra une trajectoire extraordinaire, un itinéraire de fiction, des tribulations de polar, des avatars d’Interpol pour se retrouver aujourd’hui à la bibliothèque de l’Arsenal avec sur le front, la tranche ou en bout de volumen la qualification de : « trésor national ». Une arrivée qui se fera sous escorte armée - toutes sirènes hurlantes - comme s’il s’agissait du déplacement d’un grand voyou ou du trésor de Toutankhamon. Ou les deux à la fois.
GÉRARD GLATT
''La compagnie des mouches''
aux éditions Christine Bonneton
Gérard Glatt a vécu une première carrière dans
l’administration des Finances, une seconde dans le
Conseil et le Marketing, aujourd’hui il réserve
exclusivement sa plume au roman et à la poésie.
Qui un jour – lors de ses études, au régiment ou ailleurs -
n’a pas dû partager son studio, sa carrée, ou son deux-
pièces-cuisine, avec un copain ? Ou une copine, mais ça ce
n’est pas le sujet du jour.
Jean-René – on saura à la fin du livre qu’il s’appelle Vallois
– a choisi avec Vivien ce type de cohabitation. Par hasard.
Ou plus exactement parce que tous deux se sont trouvés à
chercher un appart le même jour, à la même heure, dans la
même agence. Et aussi, il faut le dire et ce n’est pas
innocent, parce que « la gueule de l’un plaisait à l’autre et
inversement, sans arrière-pensée pour autant». « Sans
arrière pensée pour autant » Jean-René l’a écrit, et peut-
être même souligné dans un petit carnet qui ne le quitte
jamais.
Rien à dire ou à redire, si ce n’est que Vivien - employé des Postes, mais ça n’a rien à voir -
déambule dans l’appartement toujours à poil et depuis le premier jour. Toujours à poil même
devant les témoins de Jéhovah quand ils apportent la bonne parole. À poil, oui à poil, sauf
quand il fait la cuisine. À cause de l’huile chaude qui en giclant « risquerait de lui brûler le
bide et le reste ».
Pour les courses c’est lui Jean-René qui s’en charge. Au Prisunic. Toujours au Prisunic et
toujours à la même caisse. Celle de Carène. Et quatre fois par semaine, au moins. « J’y vais
pour elle, rien que pour elle » et il paye avec des billets, jamais avec sa carte « je regarde
ses poignets, et ses mains, ses mains toutes fines qui me caresseraient si bien ». Trois
personnages qui vivent le présent en pensant au passé. À leurs passés, de foutus passés
qui ont la fâcheuse tendance à s’immiscer dans le présent.
Et puis un jour Vivien part en vacances. Aux Canaries. Avec Émeric. Et c’est au retour des
Canaries qu’il sera retrouvé mort. La tête fendue en deux par un bougeoir. En étain. Style
Charles X.
Alors - alors alors - entre en scène le commissaire Bricard. Le commissaire Jules Bricard.
«Un nouveau héros, mon Jules à moi, pas celui de Simenon » a écrit Gérard Glatt. Sur la
page de garde du livre que je viens de recevoir.
04 77 25 09 64 – 04 77 21 35 70
Email : lire-a-saint-etienne@wanadoo.fr
FRANÇOIS-GUILLAUME LORRAIN : Le temps des trahisons. La Chronique de Jacques Plaine (L'Essor)
Journaliste, historien, romancier François-Guillaume Lorrain est grand reporter au Point. En 2022 il a reçu le prix Historia et le prix des romancières pour Scarlett.
« Le temps des trahisons » c’est l’histoire courte, terrible, intense et insensée d’un petit marquis « uniquement préoccupé de sa médiocre personne » disait méchamment Marie de Hautefort, elle-même dame d’atours d’Anne d’Autriche et maîtresse platonique de Louis XIII. Henri Cinq-Mars, un jeune homme d’à peine vingt ans recruté par Richelieu soucieux de placer ses pions au plus près de Sa Majesté. Promu « Grand-maître de la Garde-robe », le jeune chien mord rapidement sa laisse, devient « Premier Écuyer » puis manœuvre en artiste pour s’arroger le titre de Grand Écuyer de France : « Monsieur le Grand » pour les initiés. Proche du Roi - très proche même - il trace sa route au grand galop, met quelques femmes dans son lit et propose le mariage à la plus belle. « Un favori n’épouse pas » tranchera le Cardinal pressé de mettre fin à l’épisode.
En ce temps-là de l’autre côté des Pyrénées – mais aussi en Artois, en Flandre et au Luxembourg - on n’aimait pas trop la France. En ce temps-là non plus le Roi n’aimait plus trop la Reine ce qui ne l’empêcha pas après vingt-cinq ans de mariage - il faut dire qu’ils s’étaient mariés très jeunes - de lui faire, coup sur coup, deux garçons. En ce temps-là enfin Louis XIII et Richelieu jouaient comme jamais à « je t’aime moi non plus » et le duc d’Orléans, se voyant privé de trône, se sentit alors pousser des ailes de roi du complot. Une histoire qui verra Cinq-Mars perdre la tête, à Lyon, place des Terreaux. Une tête qui roulera même, les yeux ouverts, dans la sciure.
À cette heure-là Louis XIII et Richelieu face à face mais toujours complices - tous deux un pied dans la tombe (autant par le fait des médecins que de la maladie : 34 saignées, 1 200 lavements et 250 purges pour le Roi et presque autant pour Son Éminence) - se sentiront prêts à donner les clefs - je n’ose dire du camion - à un autre prélat, né dans une autre botte, le Cardinal Mazarin.
Yves Bichet
" Le premier combat " (Le Pommier)
Ce premier combat ? C'est celui de quelques habitants de la vallée de l'Ennuye, et notamment de Liseron, adolescente déjà cabossée par la vie, de sa mère Zuita, directrice du centre équestre et compagne de Corentin l'instituteur, d'Émir, tout juste débarqué de Guinée, ou encore de l'infirmière Myriam qui se présente à la députation.
Tous sont écologistes sans le savoir, résistent au monde désincarné qu'on leur propose, font de la politique sans le vouloir, écoutent la jeunesse militante et, au bout du compte, deviennent pour le pays entier des sortes d'icônes alors que le climat se dérègle et que, non loin, se fissurent les conduites de la vieille centrale nucléaire de La Baume.
Bref, l'histoire d'hommes et de femmes libres qui bataillent contre l'autorité, de lycéens qui se mobilisent, de paysans aux prises avec le climat et, au milieu des pièges, l'amour qui cherche sa voie, celui de Liseron pour Émir.
Un premier combat qui peut renverser la table, jusqu'à mener aux portes du pouvoir ? Dans cette fiction qui confine au roman d'anticipation, Yves Bichet nous livre une belle leçon d'utopie, avec ses espoirs et ses risques, ses joies et ses zones d'ombre…
La chronique de Jacques Plaine
YVES BICHET Le Premier Combat Le Pommier Yves Bichet est un écrivain français, poète, romancier et dramaturge. Dans une autre vie il fut ouvrier agricole puis maçon-couvreur. À l’heure où notre planète semble prise de bouffées de chaleur inquiétantes - ce que certains appellent « réchauffement climatique » - la commune de Foncouverte – que vous ne trouvez pas sur une carte mais que l’on peut situer pas loin d’ici en Ardèche - vit à l’ombre de la centrale nucléaire de la Baume. Une centrale « dont les vieux réacteurs n’en finissent plus de se fissurer » et dont une cheminée est à l’arrêt, signe évident de catastrophe imminente. Une drôle de commune que Foncouverte. Une commune dont le curé vit maritalement avec une grenouille de bénitier reconvertie en militante du planning familial. Une commune où l’instituteur fait de même avec la directrice du centre équestre, elle-même divorcée et dont la fille se sent une âme de Juliette, d’Yseult ou de Virginie, bien que s’étant méchamment cassé le dos en tombant d’une balançoire. Une commune enfin où chaque élu devient maire à tour de rôle et où Myriam - petite infirmière sans grade et sans galons– est aux manettes pour encore quelques mois. Mais une commune en ébullition depuis l’arrivée d’un « Sans domicile fixe ». Un « Sans papiers » enrubanné d’un chèche bleu et venu à pied de Guinée après avoir traversé le Mali, le Niger et remonté la Botte. Un beau garçon - noir de peau et technicien informatique - adulé ici pour avoir remis en marche les circuits téléphoniques de la commune et redonné vie à tous les ordinateurs en souffrance mais qui, sur ordre du préfet, est recherché pour un retour manu militari à Conakry. Un migrant noir qui a tourné la tête à quelques villageoises et qui a le don de disparaître quand la maréchaussée l’approche de trop prêt. Émir Germain, c’est son nom, qui s’est installé chez Myriam, s’occupe de son jardin et la suit un jour par semaine dans ses tournées. Myriam dévorée par l’envie de faire toujours plus. Myriam pour qui le poste de première magistrate de la ville n’était qu’une étape, qui a pris la tête de la communauté de communes, est devenue députée et a aujourd’hui les yeux tournés vers la présidentielle. Oui la présidentielle avec un programme à réveiller un mort. Ou à refroidir la planète. Ou les deux à la fois.
NICOLE VERNEY-CARRON
Le réseau Coralie
City Éditions
Nicole Verney-Carron maîtresse de conférences à l’Université de Bourgogne est stéphanoise, elle a reçu
en 2021 le « Coup de cœur du prix Claude Fauriel » pour « Le Secret d’Adélaïde ».
16 juin 1944. 21 heures 30. Un bruit de moteur, un claquement de portières, des coups violents contre la
porte : « Armée allemande, ouvrez ! » la vie de Coralie vient de basculer.
Coralie Leroy – pardon « le Docteur » Coralie Leroy - 47 ans, mariée à Victor et mère de Suzanne vient d’être
arrêtée par deux soldats de la Wehrmacht. Sans ménagements et sans explications la voilà embarquée avec
sa chienne. Où ? Sans doute au Puy-en-Velay – ses gardiens ne sont pas bavards - et dans la puanteur d’une
cave fétide. Elle y restera jusqu’au 2 juillet en redoutant que chaque matin soit le dernier. Ensuite ce sera un wagon à
bestiaux - « hommes 40-chevaux 8 » - mais un wagon qui emportera quatre-vingt-dix femmes quelque part au nord de
Berlin à Ravensbrück.
Le 16 juin 44 c’est douze jours après la libération de Rome par les troupes américaines, dix après le débarquement de Normandie, cinq avant la grande offensive de l’Armée Rouge qui libérera la Biélorussie. Les Boches sentant que rien ne va plus ajoutent de la terreur à la
terreur. Du sang au sang. Oradour-sur-Glane c’est maintenant.
Dans sa cellule, attendant le poteau d’exécution ou la baignoire, Coralie fait l’inventaire des grandes heures qui ont marqué sa vie. Dans le noir elle se revoit quand à Saint-Étienne l’avenue de la Libération était l’avenue Président Faure puis l’avenue Maréchal Pétain et
quand le Chambon-sur-Lignon n’était encore que le Chambon de Tence.
Une histoire née alors que l’Archiduc François Ferdinand était assassiné à Sarajevo. Une histoire que Coralie déroule jusqu’à la capitulation des troupes allemandes à Estivareilles, la libération de Saint-Étienne et - le 3 septembre - l’entrée de l’armée du général de Lattre de
Tassigny au Chambon sur Lignon. Un roman qui n’en est pas toujours un et qui nous fait marcher dans les pas de quelques belles figures de la résistance stéphanoise : Dora Rivière, Violette Maurice, Marguerite Soulas, Gustave Gimon, le commandant Marey, Jean Nocher,
Michel Durafour, et aussi de quelques autres du « Plateau » : Germaine Tillon, Paul Ricoeur, la famille Trocmé.
DIDIER NOURRISSON
L’Amérique en bouteille aux éditions Vendémiaire
Didier Nourrisson, agrégé d’histoire, professeur émérite d’histoire contemporaine, spécialiste des comportements alimentaires et des addictions, a reçu le 31 mai 2023 le Prix Spirit - pour son ouvrage « Du lait et des hommes ».
La chronique de JACQUES PLAINE
« Jamais le soleil ne se couche sur la planète Coca ».
Une « planète » qui fait le tour de la nôtre avec des chiffres qui donnent le vertige : 834 millions de litres consommés chaque jour, 3 500 bouteilles par seconde et cela dans plus de 200 pays, soit presque la moitié des boissons rafraîchissantes sans alcool. Mille cinq cents embouteilleurs distribuent du Coca-Cola de New York à Shanghai, de la Norvège à l’Afrique du Sud et depuis plus d’un siècle un torrent de publicité inonde les murs du monde, ses transports collectifs, ses journaux, ses cinémas, ses radios, ses télévisions. Une publicité qui fait du gigantisme son quotidien, qui vise la démesure, l’extravagance et le fantastique avec l’ambition d’inventer l’impossible. L’entreprise n’a-t-elle pas envisagé de racheter les droits de Popeye, pour remplacer ses épinards par un soda à la noix de Kola ?
Et pourtant ! Et pourtant quand en 1886 et à Colombus un pharmacien inventeur d’un sirop pour la toux, d’une teinture à cheveux et de pilules pour le foie eut l’idée d’ajouter à sa panoplie médicamenteuse un nouveau soda rafraîchissant rien ne laissait supposer qu’il venait de toucher le Graal avec une potion magique qui allait combler d’aise et de bonheur les gosiers de tous les assoiffés du monde.
Une aventure pleine de rebondissements. Une saga qui prendra son envol à l’heure de la prohibition, qui fera son show lors des grands événements mondiaux que sont les jeux olympiques ou les championnats du monde de foot. Une boisson devenue « monte en ligne » pour les G.l de Normandie, de Corée ou du Vietnam comme le fut la gnôle pour les « piou piou » de Verdun ou du Chemin des Dames. Un breuvage « délicieux, rafraîchissant, stimulant, revigorant » qui fera des envieux et des jaloux, sera contrefait, imité, copié, plagié et contre lequel Pepsi a été, est et sera toujours le meilleur, le plus fidèle et le plus redoutable des ennemis.
Christophe Maillot
" L'humour chez JFK " (Les 3 colonnes)
Bien qu'il soit mort depuis soixante ans maintenant, l'énigme Kennedy demeure, tant la discordance entre l'image lumineuse montrée au grand public et celle d'une réalité beaucoup plus sombre fascine encore aujourd'hui.
John F. Kennedy continue d'attirer de ce fait des réactions juxtaposées à la fois d'amour et de haine, d'incarner un idéal à poursuivre ou une forfaiture à condamner, un exemple sur lequel s'appuyer ou dont il conviendrait de se détourner.
De façon plus générale, au-delà de ses indéniables talents, pourquoi et comment un homme dont on connaît aujourd'hui très largement les insuffisances, a-t-il pu si durablement imprimer une image appelant nostalgie et regret ?
C'est sans aucun doute sur sa personnalité profonde qu'il convient de se pencher ici pour identifier les ressources qu'il est allé puiser au fond de lui-même et qui l'ont autorisé, tout au long de sa vie, à se surpasser avec le succès que l'on sait.
La chronique de Jacques Plaine
CHRISTOPHE MAILLOT L’Humour chez JFK une arme politique Les 3 colonnes Diplômé en Droit public et en Études politiques, Christophe Maillot est Directeur Général des Services du Département. « Si un moustique avait piqué Jack, c’est le moustique qui serait mort ! » écrivait Lem Billing - ami de toujours de John Fitzgerald Kennedy – montrant par là que celui qui avait si souvent le sourire du bonheur souffrait « d’à peu près toutes les affections possibles », marchait « parfois hors caméra avec des béquilles » et avait reçu plusieurs fois l’Extrême-onction. « L’Humour chez JFK » un livre qui raconte l’histoire - programmée dès la mort de son grand frère auquel était dévolue cette ambition - d’un garçon chétif, petit fils du maire de Boston et fils de l’ambassadeur des États-Unis à Londres, promis par les siens au destin de locataire de la Maison Blanche. Un détraqué du sexe qui mettra plus de filles dans son lit que Georges Simenon lui-même en avait possédées, boira le thé avec la princesse Elizabeth, avant de rester pour l’Histoire celui qui aura retourné à leur envoyeur les missiles de Cuba. Un garçon charmeur et charmant qui dira un jour : « il y a trois choses de vraies : Dieu, la sottise humaine et le rire. Puisque les deux premières dépassent notre entendement, nous devons nous arranger au mieux avec la troisième » puis deviendra un président qui fera du rire, de l’humour et des bons mots une arme politique redoutable. Une arme qui illuminera ses 1000 jours de présidence. Une arme qu’il partagera à distance avec Abraham Lincoln et que Christophe Maillot nous dévoile aujourd’hui en nous en distillant tout son mordant, son à propos et son efficacité. Mais en tout homme – ou presque - il y a une face dont le plus grand mérite est de rester dans l’ombre. La face sur laquelle J. F. Kennedy n’eut du gendre idéal que le sourire enjôleur, la face où sa soif de pouvoir a trop rarement laissé le « Milieu » sur les bords. Une face à faire vaciller son statut d’icône et qui décidera Joe Biden à préférer celle de son frère (au féminin et avec un « e » au bout) pour décorer le bureau ovale.
" Les paysans et leurs animaux, hier, aujourd'hui, demain". Le 4ème Festival d'histoire de Montbrison, organisé par La Diana, a proposé de nombreuses manifestations à Montbrison et dans les communes de Loire-Forez-agglomération et a touché un large public ! Rencontre à Montbrison avec Didier Nourrisson, universitaire et organisateur scientifique du Festival. Il est accompagné d' Eric Baratay, professeur à Lyon 3 et spécialiste de l'histoire des animaux et de Jean-Marc Moriceau, professeur à l'université de Caen et fondateur de l'Association d'histoire des sociétés rurales. Les Français aiment l'histoire et les historiens leur permettent de comprendre le passé et le présent !
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