24 juin 2023
Gilles Farcet, Le karma de la rencontre au crépuscule de la Beat generation (1)
Il y a des rencontres qui nous transforment si profondément qu'elles réorientent toute la suite de notre vie et en fait un destin inattendu.
Gilles Farcet ne dira pas le contraire. Sa rencontre en septembre 1987 à Québec avec Allen Ginsberg et dont il tira deux ouvrages très marquants, le premier un récit biographique intitulé judicieusement "Allen Ginsberg, Poète et Bodhisattva Beat"(Ed. Le Relié, 2004), et un roman initiatique en miroir car une rencontre essentielle en entraîne une autre "La joie qui avance chancelante le long de la rue"(Ed. Maelström).
Le destin de ces deux ouvrages de rencontres fondamentales étaient d'en engendrer une troisième sous la forme d'un roman graphique habité où l'auteur Etienne Appert entre en résonance avec l'histoire de Gilles Farcet rencontrant Ginsberg et les derniers représntants de la Beat Generation, par la qualité de ses dessins qui ne sont rien d'autres que les supports d'une quête spirituelle, les écrins d'une nécessité intérieure qui ont guidét cette époside d'une vie riche en rencontres primordiales. Appert s'est approprié à un haut degré l'expérience de Farcet, plus qu'une appropriation, c'est une transfiguration graphique au coeur de l'essentiel d'une expérience si singulière. Rencontrer quelqu'un, faire une vraie rencontre humaine d'âme à âme n'est pas déjà quelque chose de courant en soi, mais engendrer cette compréhension seconde, cette compréhension augmentée qu'est inspirer un livre d'une telle qualité est une chose encore plus rare et précieuse. Un théâtre de la cruauté pour faire face à la vie en apprenant à se connaître vraiment, c'est-à-dire par ses ombres et par ses gouffres au miroir de la confrontation à l'autre, qui est un révélateur. Ce qu'est un maître de vie.
Au crépuscule de la Beat Generation le montre sans cesse affairé, entouré de sa cohorte d’artistes, de secrétaires et d’amis, capable de porter un regard vif et vierge sur toutes choses et en toutes circonstances.
Étienne Appert ne tait rien des aspects plus erratiques et tumultueux des figures emblématiques du mouvement Beat. Hank occupe une place prépondérante. Ses propos, rapportés à différents moments du récit, fascinent Gilles Farcet et tendent à pénétrer au tréfonds de son psychisme. Le journaliste se questionne sur l’identité de cet homme, sur ce qu’il a produit et sur les raisons pour lesquelles il exerce une telle emprise sur lui.
Le « clochard céleste » incarne en quelque sorte l’essence même de la Beat Generation, avec sa verve poétique, ses fulgurances et son acuité pour percer la réalité d’un monde qui cherche à se dérober.
Au crépuscule de la Beat Generation est une œuvre immersive, un véritable pèlerinage au sein d’un mouvement littéraire et artistique qui a marqué l’histoire et dont l’héritage est encore palpable aujourd’hui. Étienne Appert, bien documenté par Gilles Farcet, dépeint avec justesse les liens entre les auteurs Beat, le mouvement hippie et des penseurs qui les précèdent tels que Henry David Thoreau ou Ralph Waldo Emerson, dressant ainsi un panorama de la contre-culture américaine. Il évoque les drogues, les combats sociaux, le non-conformisme, la quête de liberté, y compris sexuelle, puissamment liés au mouvement Beat. Et finalement, le voyage initiatique auquel entendait se livrer Gilles Farcet donne lieu à une relecture, subjective, passionnée et passionnante, d’un contre-courant culturel dont la vigueur n’a eu d’égale que la richesse.
Droits image: Etienne Appert et Gilles Farcet