15 décembre 2023
Faut-il manger de l'agneau du bout du monde ?
C’est toujours la COP 28 en ce moment et tout le monde a compris, je crois, qu’il nous fallait absolument réduire nos émissions de CO2 à l’échelle mondiale. Les pays d’Europe sont parmi les premiers à l’avoir fait, mais dans des proportions bien insuffisantes, et puis cela a surtout consisté à délocaliser la production de nos biens manufacturés et même souvent de notre alimentation, avec la production de gaz à effet de serre correspondante.
Ce n’est évidemment pas une solution, et puis cela a contribué à appauvrir objectivement nos économies, en même temps que cela a pu favoriser des modèles de production dévastateurs. C’est notamment ce que dénoncent en ce moment les jeunes agriculteurs qui, comme vous l’avez peut-être remarqué, retournent les panneaux d’entrée de ville pour expliquer que l’on marche sur la tête, suivant leur expression. Il nous faut donc créer de meilleurs mécanismes d’ajustement à nos frontières si les produits importés ne satisfont pas aux mêmes normes que chez nous. Et, de manière générale, il faudrait en Europe une véritable ambition pour aligner nos politiques environnementales, économiques, fiscales, sociales dans les Etats membres pour arriver à un véritable Green Deal.
Là-dessus, fin novembre, l’Union Européenne et la Nouvelle-Zélande ont finalisé un accord de libre-échange qui va conduire à augmenter nos importations, notamment de viande ovine. De bons esprits nous expliquent que ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose pour la planète dans la mesure où, là-bas, les conditions d’élevage sont optimales : grands pâturages, peu de bâtiments, peu de besoins d’apports nutritionnels complémentaires… Cela s’entend.
Mais, en achetant de l'agneau à l'éleveur du coin sur le marché de ma ville, je favorise l'économie locale, la préservation du lien social, l'entretien du bocage normand. Pas besoin de calculette CO2 pour se rendre compte que c’est un mode de consommation quand même plus raisonnable, si l’on veut bien considérer que tout est lié, si l’on veut à la fois cesser d’exploiter la planète comme si ses ressources étaient inépuisables et permettre à chacun de vivre de son travail.
Ceci étant, malheureusement, victime de la concurrence internationale ou de la difficulté à accéder aux terres, ou les deux, mon producteur local a dû arrêter son activité. Quand on parle d’appauvrissement : moi-même, ne souhaitant pas consommer de l’agneau venu du bout du monde, je n’ai plus l’occasion d’en manger et, surtout, le producteur et sa famille ont perdu leur gagne-pain.
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