26 mars 2024
Les intermédiaires sont-ils un fléau ?
Vous connaissez Ordralphabétix, le vendeur de poissons des aventures d’Astérix qui, bien qu’habitant en bord de mer, vend du poisson à l’odeur pestilentielle à ses concitoyens. Et Ordralphabétix d’argumenter que son poisson, monsieur, lui, il va le chercher à Lutèce.
Quelle trouvaille lumineuse de Goscinny pour expliquer la façon dont fonctionne nos économies modernes. Ordralphabétix se fournit auprès de commerçants lutéciens, donc d’intermédiaires entre le producteur et lui, le revendeur en bout de chaîne. Il considère que son poisson lui coûte moins cher que s’il le pêche lui-même. C’est évidemment absurde et, à la fin, c’est le consommateur qui est perdant. Eh bien, ne sommes-nous pas aujourd’hui en pleine absurdie ? Cette semaine, je me suis rendu chez un producteur du Cotentin qui me disait que les salaisons qu’il vendait au grand distributeur local était revendu trois fois plus
cher aux clients finaux. « C’est du vol ! » me disait-il. C’est désormais une antienne connue : l’essentiel du prix de ce que nous achetons revient aux intermédiaires. Les intermédiaires, voilà l’ennemi. Ce n’est pas à dire qu’il faut supprimer les intermédiaires ; ce qu’il faut supprimer, ce sont tous ces comportements parasites, soumis à la financiarisation de
l’économie et in fine nuisibles aux consommateurs. Voyez l’électricité : l’introduction d’intermédiaires a rendu notre énergie, autrefois la moins chère d’Europe, beaucoup plus chère. Nos commerçants, parmi lesquels le petit producteur dont je parlais, alertent sur une augmentation de 300% en deux ou trois ans. De même, l’inflation galopante que nous
subissons est due aux marges indignes pratiquées par les intermédiaires. À ce point du constat, on en vient à s’interroger sur le bien-fondé économique des intermédiaires.
Quelqu’un rapportait récemment un fait tiré de notre Histoire. Autrefois, disait-il, les marchands, autrement dit : les intermédiaires, étaient tenus éloignés du marché, par ordre du roi. Les gens commerçaient directement du producteur au consommateur. Ce n’est qu’une fois les transactions terminées que les soldats laissaient les marchands entrer. Cet exemple montre que l’économie doit être régulée, qu’il n’y a pas de fatalité ou de « main invisible » en économie mais que celle-ci a besoin d’être conduite par une volonté politique orientée vers le bien commun. Mon petit producteur du Cotentin s’est séparé de son distributeur intermédiaire et l’été suivant, il avait doublé son chiffre d’affaires tout en pouvant pratiquer à nouveau des prix dignes auprès de sa clientèle. De même, on attendrait du gouvernement une volonté politique pour introduire enfin un peu de sagesse dans nos circuits de distribution.
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