25 janvier 2024
Redécouvrir notre boussole morale
De par son titre, Le labyrinthe des égarés, le nouvel essai d’Amin Maalouf n’est pas sans rappeler son roman de 2012, Les désorientés, tous deux parus chez Grasset.
Sa conviction « c’est que ni les Occidentaux, ni leurs nombreux adversaires ne sont aujourd’hui capables de conduire L’humanité hors du labyrinthe où elle s’est fourvoyée. (…)
Si aucune nation, aucune communauté humaine, aucune aire de civilisation ne possède toutes les vertus, ni ne détient toutes les réponses ; si aucune n’a la capacité ni le droit d’exercer sa domination sur les autres et qu’aucune, non plus, ne veut être soumise, rabaissée ni marginalisée ; ne devrions-nous pas repenser en profondeur la manière dont notre monde est gouverné, afin de préparer, pour les générations futures, un avenir plus serein, qui ne soit pas fait de guerres froides ou chaudes, ni de luttes interminables pour la suprématie ? »
L’ancien journaliste devenu écrivain et académicien n’a rien perdu de sa puissance d’analyste et se double ici d’un moraliste quand il écrit ; « On fait fausse route si l’on croit que l’humanité doit obligatoirement avoir à sa tête une puissance hégémonique, et qu’il faut seulement espérer que ce sera la moins mauvaise, celle qui nous bafouera le moins, celle dont le joug sera le moins pesant. Aucune ne mérite d’occuper une position aussi écrasante – ni la Chine, ni l’Amérique, ni la Russie, ni l’Inde, ni l’Angleterre, Ni l’Allemagne ni la France, ni même l’Europe unie. Toutes, sans exception, deviendraient arrogantes, prédatrices, tyranniques, haïssables, si elle se retrouvaient omnipotentes, fussent-elles porteuses des plus nobles principes. »
Dans la conclusion, Amin Maalouf revient sur d’autres raisons pour lesquelles ni la Russie, ni l’Europe unie, ni leurs dirigeants ne doivent se retrouver à la tête de l’humanité, en nous exposant leurs manquements respectifs après la chute du mur de Berlin :
« Avec le recul, il est certain que ce virage décisif a été mal négocié, tant par les adversaires de la Russie que par ses propres dirigeants. À commencer par Gorbatchev, qui avait les meilleures intentions du monde, mais qui a manqué d’habileté, et manqué de prudence. Au lieu d’exiger, en contrepartie du démantèlement du pacte de Varsovie, une aide massive qui aurait permis à son pays de se reconvertir, de se moderniser et de se démocratiser, il a tout cédé tout de suite, se contentant de recevoir, en échange, des paroles d’encouragement et quelques vagues promesses.
S’agissant des dirigeants occidentaux, ils ont manqué de générosité, et manqué de vision à long terme. Ils auraient dû prévoir qu’une Russie blessée et diminuée serait, pour l’Europe, une bombe à retardement. Il fallait, à tout prix, l’aider à se démocratiser, à se développer, à se reconvertir ; l’aider à retrouver, au sortir de la guerre froide, un tout autre rôle dans le monde, une autre manière de s’épanouir, afin qu’elle puisse donner naissance à une autre génération de dirigeants, qui ne soient ni corrompus, ni prédateurs, ni assoiffés de vengeance. Hélas, rien de cela n’a été fait… »
Tout en relevant les manquements des uns et des autres, il nous dit « Il n’est pas trop tard. Nous avons parfaitement les moyens de sortir de ce « labyrinthe ». » Il y met toutefois un bémol : « Encore faut-il commencer par admettre que nous nous sommes égarés. »
Une fois ce premier pas fait, il nous faudra toutefois un fil d’Ariane, ou plutôt une boussole morale. En 2020, à l’occasion du Festival International du Livre d’Edimbourg Amin Maalouf a participé à un débat à distance avec le Grand Rabbin émérite du Royaume-Uni et du Commonwealth Jonathan Sachs, animé par l’ancien évêque de la capitale écossaise autour du sujet « Redécouvrir notre boussole morale »
« Les valeurs morales sont supposées être une protection, spécialement pour les personnes faibles dans nos sociétés (…) Il est très important pour chaque société et au niveau global d’avoir une seule déclaration incluant à la fois les devoirs et
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