Depuis sa distinction de Prix Nobel de littérature il y a près d’un mois, Annie Ernaux suscite un grand engouement chez les lecteurs. Son roman Le Jeune homme (Gallimard) sorti le 28 octobre est le 4ème roman le plus vendu du moment, d’après une étude Edistat, et frise les 120 000 exemplaires vendus. Un record en moins de deux semaines. Prolifique, Annie Ernaux ne s’arrête pas là. Elle a réalisé le documentaire Les Années Super 8 avec son fils David. Disponible dans un premier temps sur Arte.tv, il sortira de nouveau au cinéma courant décembre.
Dans ce documentaire, Annie Ernaux utilise des vidéos personnelles tournées dans les années 70. Une fois encore, la célèbre auteure s’illustre dans ce qu’elle sait faire de mieux : raconter sa vie, pour mieux raconter l’époque. C’est « l’autobiographie impersonnelle », pour reprendre ses mots. « C’est une forme paradoxale. Ce n’est ni une autobiographie stricto sensu, ni une autofiction, analysait la professeure de lettres Sylvie Touchebœuf, dans l’émission Dialogue diffusée sur RCF en 2014.
Très vite, la Normande issue d’une famille très modeste, devenue professeure de lettres, abandonne la fiction pour la force du réel. « Les récits qu’elle entreprend font revivre une expérience du monde : elle va dire l’expérience de la honte, de l’humiliation, du mariage, de la passion, de la maternité et jusqu’à la maladie et la mort des parents », énumère Sylvie Touchebœuf. Autant d’émotions et d’événements de « sa mémoire individuelle », qu’elle parvient à rendre universel en les explorant avec les outils des sciences humaines.
« Elle propose d’être l’ethnologue d’elle-même et de toute une époque », commente Sylvie Touchebœuf,. Comme dans le livre « Les Années », où Annie Ernaux a souhaité saisir l’évolution du monde qui a basculé de façon extraordinaire en 50 ans. Non pas de manière linéaire, mais en abordant successivement de grandes thématiques comme l’école, le progrès ou l’émancipation féminine – un sujet cher au cœur de l’écrivaine féministe. Ce livre, sorti en 2008, entre d’ailleurs en résonne avec certains ouvrages précédents. « Je crois qu’elle a envie de dissoudre le sujet « je » dans des identités collectives », constate la professeure de lettres.
Si Annie Ernaux appuie ses romans sur son histoire personnelle – racontant notamment le transfuge de classe ou l’avortement clandestin qu’elle a vécu – c’est dans un but politique, affirme Sylvie Touchebœuf. « Elle veut mettre toutes les ressources de l’art dans le désir de dire et de transformer le monde. Annie Ernaux est assez proche de cette littérature de combat. » Changer le monde, voilà donc l’objectif de cette auteure prolifique qui n’hésite pas à dévoiler ses secrets dans ses ouvrages.
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