Hier soir, la macroniste Yaël Braun-Pivet a été réélue présidente de l'Assemblée nationale, malgré les revers électoraux récents de son camp aux européennes et aux législatives. Loïc Blondiaux, professeur à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et politologue, explique que la majorité présidentielle doit désormais composer avec d'autres forces politiques, marquant la fin du "fait majoritaire" de la Ve République. Cette situation impose une culture du compromis, souvent absente en France, où les institutions et la culture politique favorisent la centralisation du pouvoir.
L'Assemblée nationale a élu Yaël Braun-Pivet pour la seconde fois à sa présidence. Cette nomination survient après deux échecs électoraux successifs pour le camp macroniste.
Malgré des résultats législatifs défavorables, Yaël Braun-Pivet a été élue grâce aux voix des ministres démissionnaires, explique Loïc Blondiaux. L'Assemblée forme ainsi un bloc arithmétiquement supérieur.
" Grâce aux voix des ministres démissionnaires, Yaël Braun-Pivet a été élue. Puis, il y a trois blocs, sur ce scrutin, celui des macronistes a été plus fort. Nous entrons dans une période où nous aurons d'autres surprises : ce à quoi nous étions habitués sous la Vème République, à savoir le fait majoritaire, a été bousculé et il va falloir s'y faire", ajoute le politiste.
En Europe, il est commun que les gouvernements de coalition soient la norme. En France, le pouvoir a souvent été exercé par des forces représentant une minorité de l'électorat, créant ainsi un déséquilibre, selon Loïc Blondiaux. Pour lui, la Vème République, conçue pour un régime parlementaire, est compatible avec cette évolution.
" Ce qui pose problème aujourd'hui, ce ne sont pas les textes constitutionnels, ce ne sont pas les institutions. La Ve République est parfaitement compatible avec un régime parlementaire. Elle a même été conçue pour ça en 1958. C'est la lecture qu'en ont les acteurs qui restent focalisés sur l'élection présidentielle et continuent de croire qu'ils vont pouvoir appliquer l'ensemble de leurs programmes. Ce sont ces réflexes qui posent problème" , argumente Loïc Blondiaux.
Aujourd'hui, les députés doivent élire les membres du bureau de l'Assemblée nationale, un organe clé régissant son fonctionnement. Le règlement stipule que la composition doit refléter la configuration politique de l'Assemblée. Cependant, la gauche souhaite exclure le RN des postes clés au nom du Front républicain.
Pour Loïc Blondiaux, "Le Rassemblement national, même s'ils n'ont pas remporté l'élection, ont une légitimité électorale qui est réelle. Mais je ne veux pas trancher entre ces positions. La prolongation du front républicain au Parlement supposerait un accord tacite du centre-droit, de la macronie et de la droite républicaine. Ce que je sais, c'est que la désignation de Yaël Braun-Pivet a été rendue possible par le groupe de la droite républicaine, de Laurent Wauquiez, dans l'espérance d'obtenir des postes stratégiques", affirme-t-il.
La composition actuelle de l'Assemblée nationale risque de frustrer les électeurs du Nouveau front populaire et du Rassemblement national, qui forment ensemble une majorité incapable de gouverner ensemble.
Loïc Blondiaux argumente : " Le vrai problème c'est que d'ici l'élection présidentielle, rien n'aura véritablement changé. En fait, on va perpétuer ce schéma dans lequel une force qui représente un tiers de l'électorat continue à gouverner sans être obligée de faire des compromis. J'entends par cette force : le bloc de droite, à savoir, la macronie."
Culturellement, la politique française valorise les majorités claires et l'affrontement, contrairement aux pratiques démocratiques de délibération et de compromis. Cette culture conduit à des frustrations parmi les minorités, exacerbées par la centralisation du pouvoir sous l'exécutif.
Loïc Blondiaux estime que "Le scrutin uninominal à deux tours produisait des formes de majorité artificielle qui n'obligeaient pas les dirigeants à faire des compromis. On a perdu cette habitude."
"Dans un régime démocratique, on est obligé de discuter. La délibération est un principe essentiel car c'est ce qui conditionne la légitimité de la décision à la fin. Le fait que celui qui ne l'a pas emporté dans la discussion puisse se reconnaître dans le résultat de la délibération, c'est un point capital", pointe le politiste.
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