À deux jours de l'élection du président de l'Assemblée nationale, la gauche peine à se mettre d'accord sur un nom pour Matignon. De son côté, le Rassemblement national fait son introspection quand le camp présidentiel tente de ne pas se diviser davantage. Les médias parlent d'une période "historique", d'un moment politique "inédit" dans l'histoire contemporaine française. Mais qu'est-ce qui explique de tels bouleversements ? Pierre Vermeren, docteur en histoire contemporaine et et professeur à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne pointe une cassure générationnelle et donne son analyse de l'évolution du vote des catholiques.
Tandis que certains évoquent une situation sans précédent dans l'histoire politique contemporaine, Pierre Vermen met en lumière les années 50, période durant laquelle la France a connu le même sort. À cette époque, l'Assemblée nationale était divisée en trois blocs : les communistes, les gaullistes et une troisième voie. Aujourd'hui, un bloc central majoritaire mais sans cohésion se retrouve face à deux blocs opposés.
“L'Histoire ne se répète pas en réalité. On a une majorité aujourd'hui de troisième voie qui se cherche. C'est très difficile d'incorporer un des deux blocs qui constituent un gros tiers de l'Assemblée. Donc oui, il y a une comparaison [possible avec la situation politique des années 50] de ce point de vue-là, mais en dehors de cela, tout a changé et tout va changer”, affirme Pierre Vermeren.
Pierre Vermeren explique que la génération des baby-boomers, qui a dominé la scène politique et culturelle depuis les années 80, cède progressivement la place : "On arrive à une transition vers la reprise du pouvoir par la génération d'après. Mais cette transition se passe évidemment d'une manière difficile car les générations ont des conceptions et des représentations du monde extrêmement différentes”, ajoute le docteur en histoire contemporaine.
Influencée par les traumatismes des deux guerres mondiales et des guerres de décolonisation, cette génération a décidé de rompre avec certaines traditions, notamment religieuses.
“ On a vu progressivement un effondrement de la pratique religieuse, on le retrouve dans tous les domaines. Cette génération est arrivée au pouvoir avec François Mitterrand, à partir de 1980, et elle s'est déployée dans le monde professionnel. Elle a finalement construit le monde d'aujourd'hui qui ne satisfait pas une grande partie des jeunes générations”, poursuit Pierre Vermeren.
Pierre Vermeren souligne deux principaux problèmes : la désindustrialisation et la partition territoriale. La perte de millions d'emplois industriels a laissé la France dépendante et a exclu les classes populaires et moyennes du système de production.
"Comparé à l'Allemagne, il nous manque 10 millions d'emplois. L'industrie française a été cassée, ainsi que le système productif français. L'économie française s'est recomposée autour des métropoles, et bien sûr, les classes populaires et les classes moyennes ne s'y retrouvent pas" , précise-t-il.
Autrefois majoritaire et divisé entre la droite et la gauche, le vote catholique a aujourd'hui un poids réduit mais significatif. Pierre Vermeren observe une présence marquée de cet électorat dans les métropoles et certaines régions comme l'ouest de la France : "On a un vote bourgeois catholique très important territorialement" , déclare-t-il.
Il note également que le traditionnel veto de l'Église contre le vote extrême-droite s'est affaibli, permettant une montée du Rassemblement national parmi les catholiques pratiquants. "Il y a un regroupement d'une partie des catholiques pratiquants aujourd'hui, qui participent pour presque la moitié, à ce vote Rassemblement national. Donc non seulement la matrice s'est effondrée, mais il y a des recompositions qui sont issues de cet affaiblissement structurel du catholicisme", analyse-t-il.
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