Faut-il une nouvelle loi EGalim ? C’est l’avis du Premier ministre qui a promis une nouvelle mouture de ce dispositif cet été, en réponse à la crise agricole. Appliqué en 2018, ce texte est censé protéger les revenus des agriculteurs. Malgré de nombreuses retouches, le dispositif ne fonctionne toujours pas.
Comment protéger le revenu des agriculteurs face aux transformateurs et à la grande distribution ? C’est la question qui sous-tend dans la crise agricole actuelle. Et c’est l’équation sur laquelle le pouvoir se casse les dents depuis des années. “Les fraudeurs seront punis”, a averti Gabriel Attal, promettant une multiplication des contrôles concernant l’application de la loi EGalim. Elle doit normalement protéger les coûts de production des exploitants, sauf que les agriculteurs estiment qu’elle ne fonctionne pas.
Outre les sanctions, maintes fois promises, le gouvernement estime qu’il faut une nouvelle mouture de cette loi EGalim. Le nouveau projet s’appuiera sur le rapport de la mission parlementaire qui vient d’être confiée aux députés Renaissance Alexis Izard et Modem Anne-Laure Babault. L'occasion de s’interroger sur la philosophie même de ce texte. C’est ce que fait depuis 2018 la sénatrice de Côte-d'Or, Anne-Catherine Loisier, rattachée au groupe Union Centriste. Entretien.
Quel était l'objectif de la loi EGalim à l'origine ?
Anne-Catherine Loisier : La loi EGalim 1, votée en 2018, avait pour objectif d'améliorer la rémunération des agriculteurs et de favoriser aussi, dans sa deuxième version, une alimentation saine et durable, notamment dans les cantines scolaires. Ce qui fait beaucoup débat aujourd'hui, c'est la première version de cette première loi EGalim.
L'objectif était d'assurer une meilleure rémunération des agriculteurs dans le cadre d'une construction du prix qu'on appelait « en avant ». En fait, le producteur faisait part de ses coûts de production, qui étaient sanctuarisés dans un contrat d'achat avec le transformateur, et ce dernier devait à minima reprendre l'équivalent de ces coûts de production, de manière à ce que l'agriculteur, le producteur, s'y retrouve au final avec la prise en charge de ses coûts de production. Et cette chaîne était répercutée jusqu'au distributeur.
En 2019, vous avez fait partie d'un groupe de sénateurs, auteur d'un rapport dans lequel vous pointiez déjà les limites de la loi EGalim 1...
Oui, car dès le départ, on s'est rendu compte que ce dispositif allait être complexe à mettre en place et qu'il impliquait de la part de chaque maillon un comportement particulièrement vertueux qui ne va pas forcément toujours de soi.
Et malheureusement le temps nous a donné raison, puisque cette loi EGalim, votée en 2018, appliquée en 2019, ne trouve toujours pas grâce aux yeux des agriculteurs. L'une des raisons des manifestations qu'on observe aujourd'hui est la non-application, en tout cas l'insuffisante application, de la loi EGalim et donc en fait de ces coûts de production protégés qui assurerait aux producteurs une rémunération juste qui lui permettrait de vivre décemment.
Cette loi EGalim a été modifiée en 2021 une première fois. Quelles étaient les modifications apportées à l'époque ?
On s'était rendu compte des faiblesses du premier dispositif, notamment le contournement par un certain nombre d'acteurs, en particulier des transformateurs ou des distributeurs. On a voulu sanctuariser la prise en compte des coûts de production de l'agriculteur dans le cadre de contrats. On a obligé les transformateurs et les distributeurs à conclure des contrats avec les agriculteurs, qui reprenaient les coûts de production issus d'EGalim 1.
Et puis on a acté la non-négociabilité des matières premières agricoles, c'est-à-dire qu'on a dit que dans ces contrats, il y a des matières premières agricoles qui font l'objet de coûts de production évalués et donc ces coûts de production sont sanctuarisés. Vous ne pouvez pas acheter la matière première agricole moins chère que ce qu'elle a coûté au producteur.
Et en 2023, un volet de la loi portait sur les négociations commerciales. Pour faire quoi ?
La question était de savoir comment on assurait la sanctuarisation de ces coûts de production entre le maillon du transformateur ou des industriels et le maillon du distributeur, c'est-à-dire les grandes surfaces. On a obligé à plus de transparence dans les informations qui étaient données entre l'industriel et le distributeur. L'idée est de s'assurer qu'il y avait bel et bien jusqu'au distributeur une sanctuarisation des matières premières agricoles.
Cela ne fait toujours pas consensus au sein des agriculteurs. Gabriel Attal veut créer une nouvelle loi EGalim. Qu'est-ce qui manque ? Qu'est-ce qu'il faut ajouter ?
Aujourd'hui, ce que dit le Premier ministre, en fait, c'est qu'il faut appliquer les dispositions des différentes lois EGalim. Malheureusement, on se rend compte que pour de multiples raisons, que ce soit les contournements des différents acteurs ou par la non-application par l'État, ces dispositions ne sont pas observées à l'heure actuelle.
Selon moi, ce qui est important aujourd'hui, c'est de reprendre ces différentes lois EGalim, qui visent une meilleure rémunération des agriculteurs et des négociations commerciales, plus justes et plus éthiques et s'assurer qu'elles sont bel et bien appliquées, dans le sens que l'a voulu le législateur. Je crois qu'il ne faut pas se précipiter sur une nouvelle loi EGalim, car si elles ne s'appliquent pas, on ne résoudra pas le problème.
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