C’est un mélange de racisme social d’une part et d’incompétence d’autre part qui a conduit à la destitution du président péruvien Pedro Castillo le 7 décembre dernier.
De racisme social d’abord, parce que la bourgeoisie urbaine, et singulièrement celle de Lima, la capitale, n’a jamais admis l’élection à la tête du Pérou en juin dernier de Castillo, syndicaliste enseignant d’origine rurale et indigène. Ce scrutin, Pedro Castillo ne l’avait remporté que d’extrême justesse, avec seulement 44.000 voix d’avance sur près de 19 millions de votants. Mais il l’avait gagné à la loyale, défaisant la championne de la droite, Keiko Fujimori, fille d’un dictateur des années 90.
Depuis que Castillo avait été élu à la tête du pays, mais sans disposer de majorité au Parlement, la droite n’a eu de cesse de tenter de le destituer pour “incapacité morale”, usant pour cela d’une disposition de la Constitution péruvienne qui prévoit qu’il suffit de réunir les voix de 87 députés sur 130 pour renvoyer le président dans ses foyers. À deux reprises, en décembre 2021 et en mars dernier, la droite parlementaire avait échoué à réunir les suffrages nécessaires, mais elle n'avait pas renoncé.
De son côté, confronté à cette menace permanente, Pedro Castillo a fait preuve dans la conduite des affaires de l’État d’une incompétence manifeste, gouvernant dans une improvisation permanente. Il a ainsi changé quatre fois de premier ministre en un an et demi. Afin de se prémunir contre la destitution par le Parlement, il n’a pas hésité à nommer des ministres d’extrême droite dans certains de ses gouvernements ou à arroser les circonscriptions de député de droite de subventions pour dissuader ces parlementaires de voter contre lui. Par ailleurs, Pedro Castillo et certains de ses proches sont accusés de corruption, notamment dans l’attribution de marchés publics. Quelques-uns parmi eux ont d’ailleurs préféré prendre la fuite lorsque le chef de l’État était encore en exercice.
C’est parce qu’il redoutait, le 7 décembre dernier, que ses adversaires parviennent cette fois à réunir cette fois les 87 voix nécessaires qu’il a prononcés la dissolution du Parlement au mépris des conditions prévues par la Constitution pour pouvoir le faire. Cette manœuvre a aggravé son discrédit, précipitant la démission de plusieurs de ses ministres et provoquant immédiatement un vote de destitution au Parlement qui a réuni 101 suffrages de députés. Et c’est tentant de trouver asile à l’ambassade du Mexique que Pedro Castillo a finalement été arrêté. Si la vice-présidente de Castillo, Dina Boluarte, a immédiatement pris la direction de l’État et envisagé de se maintenir au pouvoir jusqu’à la fin du mandat du président déchu, c’est-à-dire en 2026, les manifestations qui ont secoué le pays ces derniers jours, souvent à l’initiative de partisans de Castillo dans les régions rurales des Andes, l’ont persuadé d’organiser des élections présidentielles et législatives en 2024. Encore faut-il que la pression de la rue, où selon les enquêtes d’opinion, les parlementaires sont encore plus discrédités que le président destitué permette au pays d’attendre jusque-là.
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