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Faut-il supprimer la redevance TV ?

Un article rédigé par Clara Gabillet - RCF, le 17 mars 2022 - Modifié le 17 mars 2022
Le dossier de la rédactionFaut-il supprimer la redevance TV ?

D’un montant de 138 euros chaque année, 88 pour les Outre-mer, la redevance TV permet de financer les chaînes et les fréquences publiques. Mais plusieurs candidats à l’élection présidentielle, dont Emmanuel Macron, veulent la supprimer. De quoi faire craindre des répercussions sur l'audiovisuel public.

En France, 28 millions de personnes payent la redevance TV ©UnsplashEn France, 28 millions de personnes payent la redevance TV ©Unsplash

Le candidat Emmanuel Macron a annoncé la semaine dernière sa volonté de supprimer la redevance TV, lors de sa rencontre avec des habitants de Poissy (Yvelines). "On supprimera les impôts qui restent, la redevance en fait partie", a-t-il expliqué, en cohérence avec la suppression de la taxe d’habitation prévue l’année prochaine. 

 

En France, 28 millions de personnes payent cette "contribution à l’audiovisuel public", ceux qui sont imposés par la taxe d’habitation et qui ont un téléviseur dans leur résidence principale. 

 

Le montant, aujourd’hui de 138 euros, est évalué par le Parlement et cette redevance permet donc de financer l’audiovisuel public : France Télévisions, Radio France, Arte, France Médias Monde ou encore l’Institut national de l’audiovisuel (INA). En 2020, le montant récolté s’élevait à 3,79 milliards d’euros. 

 

Par quoi remplacer la redevance TV ?

 

Après cette annonce, l’entourage d’Emmanuel Macron a voulu rassurer en expliquant que si la redevance pouvait être supprimée, l’Etat n’abandonnerait pas l’audiovisuel public mais changerait d’outil pour le financer : potentiellement à travers un budget voté tous les cinq ans.

 

"On dédie un impôt spécifique dans les lignes budgétaires du ministère de la Culture. On ajoute 3,6 milliards d'euros avec la promesse de l’augmenter en fonction de l’inflation, de façon à avoir un financement pérenne. Du point de vue des entreprises de service public, ça ne changerait rien", explique Patrick Eveno, historien des médias. 

 

Pourtant, il y a une inquiétude qui existe concernant certaines chaînes de télévision, fréquences radio ou chez les professionnels de la culture. "C’est un risque parce que ce sera discuté chaque année donc tributaire de paramètres politiques, idéologiques et financiers alors que la redevance assure quelque chose qui est relativement stable. La redevance en France n’est pas très élevée face à nos voisins allemands. [...] L’idée n’est pas d’augmenter le budget du service public mais de pérenniser son existence avec un budget stable, un financement stable", explique Françoise Benhamou, économiste de la culture.

 

Un risque pour l'indépendance des médias ?

 

Françoise Benhamou a dénoncé dans une tribune le risque que pourrait faire peser une telle mesure sur l’indépendance des différents médias. "Quand vous avez un budget indépendant, c’est une condition nécessaire pour l’indépendance. Ça ne résume pas tout mais c’est une condition très rassurante surtout dans le contexte où nous avons des mouvements populistes, des mises en question du service public et de sa place", alerte-t-elle.

 

Des propositions pour privatiser le service public

 

Il n’y a pas qu’Emmanuel Macron qui promet de supprimer cette redevance. Valérie Pécresse y pense aussi, estimant que c’est une "taxe obsolète". Marine le Pen et Eric Zemmour veulent aller encore plus loin en privatisant l’audiovisuel public, à l’exception de quelques chaînes. À gauche, Yannick Jadot et Anne Hidalgo se positionnent en défenseur de l’audiovisuel public et fustigent ces promesses.

 

Selon Patrick Eveno, "la redevance ne garantit rien", en termes d'indépendance. "C’est un moyen qu’on a trouvé il y a presque un siècle et qui doit maintenant évoluer. Autant l’intégrer dans un budget général en déclarant clairement que la France a besoin d’un service public parce qu’il est plus fiable, plus honnête, plus pluraliste, capable de s’opposer à tous les pouvoirs. Ce n’est pas une question liée à la redevance mais à la démocratie", estime-t-il. 


L’enjeu de modifier le mode de collecte

 

Les façons de s’informer ont changé. Tout le monde n’a pas un téléviseur chez soi. Certains préfèrent désormais regarder la télévision sur leur ordinateur ou leur smartphone. À défaut de supprimer cette redevance, la France pourrait s’inspirer de ce qui se fait à l’étranger.

 

"L’idée c’est de ne plus asseoir simplement sur la possession d’un téléviseur le fait de payer la redevance. Mais aussi de trouver un autre élément qui puisse permettre d’élargir le nombre des payeurs compte tenu du fait qu’on ne regarde pas nécessairement la télévision sur son poste de télévision. Les Anglais ont décidé d’élargir à tous les types de supports. Les Allemands ont décidé de ne plus regarder le support mais de faire payer à chaque foyer une redevance quel que soit le nombre d’écrans", détaille Françoise Benhamou.

 

Selon l’économiste, il y a un enjeu à expliquer à quoi sert cette redevance pour que ceux qui la payent l’acceptent mieux. Beaucoup de personnalités dont Dominique Besnehard, Julie Gayet ou encore Annie Ernaux ont hier réaffirmé dans une tribune leur soutien à l’audiovisuel public. Selon eux, supprimer la redevance mettrait en danger la production de documentaires, de fictions et même des dessins animés français.
 

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