À quoi va ressembler la suite du quinquennat d’Emmanuel Macron ? ”Je ne compte pas m'arrêter là, il me reste trois ans et demi” a déclaré le chef de l’État lors d’une interview sur France 5. Pourtant la séquence de la loi immigration a ouvert une crise politique pour la majorité qui s’est soldée par une rupture du camp présidentiel et la démission d’un ministre, Aurélien Rousseau. La question est maintenant de savoir si le chef de l’État pourra continuer à négocier texte par texte ou s’il va devoir préciser son positionnement, soit en actant un virage à droite, soit en se réconciliant avec son aile gauche.
“C'est le bouclier qui nous manquait”. Ce sont les mots choisis par Emmanuel Macron pour défendre le projet de loi immigration. Le texte a été adopté dans la douleur. Le président parle d’un texte de “compromis”, qui comporte certaines dispositions qui lui déplaisent. “Je ne suis pas en train de vous dire que je saute au plafond”, a-t-il reconnu.
L’exécutif s’en remet au Conseil constitutionnel, qui a été saisi dans la foulée, pour invalider certaines mesures jugées anticonstitutionnelles. “Ce n’est pas très glorieux” estime le politologue Olivier Costa, chercheur au SciencePo Cevipof. “Cet épisode montre qu’Élisabeth Borne et Emmanuel Macron n’ont plus beaucoup de solutions pour trouver une majorité sur ce genre de texte”, estime-t-il. Une réalité qui interroge quant à la marge de manœuvre future d’Emmanuel Macron pour négocier ses futurs gros dossiers. “Cela n’augure rien de bon pour la suite du quinquennat sur les textes symboliques qui mobilisent la société, comme le projet de loi sur la fin de vie” confirme Olivier Costa.
Il y a désormais un vrai risque d'avoir des frondeurs
Le problème pour la majorité est bien la fracture qui est apparue lors du vote du texte immigration. Au sein du groupe Renaissance, 131 députés ont voté pour, mais 20 députés ont voté contre et 19 se sont abstenus ou n'ont pas participé. “Emmanuel Macron avait réussi depuis 2017 a ménager son aile gauche et son aile droite, c’est qui constituait un tour de force” juge le chercheur du Cevipof. “Maintenant, il y a un vrai risque d’avoir des frondeurs” prévient-il. “La jambe gauche de la macronie claudique depuis hier” abonde Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS et professeur à Science Po Rennes.
L’exécutif a voulu agir vite sur ce projet de loi immigration et tenter d’enjamber l’inflammation du débat politique. "Il sentait que ce projet de loi allait fracturer durablement son camp politique", confie Romain Pasquier. “Aucun pacte de gouvernement n’a été construit au début de cette législature et l’idée était de négocier texte par texte” analyse-t-il. Le problème, c’est que les négociations texte par texte ont été marquées par des débats particulièrement brutaux.
En France, nous sommes assez hypocrites sur ce type de négociations car nous sommes dans une culture politique majoritaire
“La brutalité qu’a pu produire la macronie vis-à-vis d’autres forces républicaines s’est retournée contre elle et le RN ainsi que la droite ont fait payer au camp présidentiel ce qu’ils ont pu endurer avant” avance le politologue du CNRS. “En France, nous sommes assez hypocrites sur ce type de négociations, car nous sommes dans une culture politique majoritaire” explique-t-il.
Par essence, la Ve République a été conçue pour une majorité stable qui soutient le projet présidentiel. Or, lors des dernières législatives Emmanuel Macron n’a hérité que d’une majorité relative et par conséquent “il faudrait avoir une culture du compromis et de la coopération, ce que nous n’avons pas en France” souligne Romain Pasquier. Le gouvernement paierait donc notre culture politique du conflit.
La question est désormais de savoir comment gouverner dans ce contexte post-crise. “Elisabeth Borne est sur un siège éjectable mais ce n’est pas nouveau” selon le chercheur. Mais le problème reste toujours de trouver quelqu’un pour la remplacer, car Gérald Darmanin ne sort pas non plus grandi de cette séquence après ses négociations ratées avec la droite. “Soit Emmanuel Macron continue de gouverner avec tout le monde, mais cela va nécessiter un geste symbolique en direction de son aile gauche, soit il décide de chercher une alliance plus structurée avec Les Républicains, qui ont refusé de jouer ce jeu-là depuis 2022” tranche le politologue Olivier Costa.
Et le président a déjà fixé une échéance. “Je veux que l'année prochaine, on aborde de nouveaux grands sujets, de nouveaux défis”, a-t-il annoncé sur France 5. Il donne rendez-vous aux Français en janvier pour fixer un nouveau cap sans donner beaucoup plus d’informations mis à part un indice. “L'école est la mère des batailles et c’est une partie du rendez-vous que je vous donne en janvier”, a-t-il révélé
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