Israël-Hamas : justifier la guerre
En partenariat avec LE JOUR DU SEIGNEUR
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Après six mois de conflit entre Israël et le Hamas, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est enfin entendu, hier, sur une résolution exigeant un “cessez-le-feu immédiat” à Gaza. Ce vote permet de briser le “silence assourdissant” des Nations unies, mais peut-il avoir un effet concret ? Pour l’instant, le terrain ne pousse guère à l’optimisme car les combats continuent. Concernant les négociations, cette résolution reste soumise à l’interprétation de chaque camp. Le bouleversement est davantage diplomatique avec le profil d’une crise de plus en plus ouverte entre les États-Unis et Israël qui se dessine.
“C'est une porte ouverte, mais on peut craindre qu'elle ne reste lettre morte” résume d’entrée estime Jean-Claude Lescure, professeur des universités en histoire contemporaine à l'université de Cergy-Pontoise et auteur de Le Conflit Israélo-palestinien en 100 questions (ed. Tallandier).
La résolution, adoptée lundi 25 mars sous les applaudissements par 14 voix pour, et une abstention, "exige un cessez-le-feu immédiat pour le mois du ramadan", qui a déjà commencé il y a deux semaines, devant "mener à un cessez-le-feu durable", et "exige la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages".
Ne pas appliquer cette résolution serait "impardonnable", a averti le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres dans la foulée du vote salué par les grandes capitales. “Il ne faut pas s'enthousiasmer” tempère cependant Jean-Claude Lescure. Dès le lendemain d’ailleurs, l'armée israélienne a de nouveau bombardé la bande de Gaza. Le ministère de la Santé du Hamas a fait état de 70 morts dans des frappes aériennes nocturnes israéliennes, dont 13 dans près et dans Rafah, la ville à la pointe sud du territoire palestinien.
Cette résolution montre l'isolement voire, la défaite diplomatique d'Israël
“Israël fait peu de cas depuis très longtemps des décisions de l'ONU” précise l’historien. "Nous n'avons pas le droit moral d'arrêter la guerre tant qu'il y a des otages à Gaza", a déclaré de son côté le ministre de la Défense Yoav Gallant. Résolution ou pas, les Gazaouis continuent de mourir sous les bombes et par la faim.
Malgré tout, cette résolution marque un tournant dans le domaine diplomatique. “Cette résolution est une véritable nouveauté en montrant l'isolement voire, la défaite diplomatique d'Israël” confirme Jean-Claude Lescure. Le lent glissement diplomatique américain trouve sa concrétisation dans l’abstention des États-Unis lors du vote. Déjà, vendredi 22 mars, ils avaient déposé une résolution qui s’était heurtée aux vetos russe et chinois qui refusaient de laisser une victoire diplomatique aux États-Unis. Ensuite, lundi 25 mars, pour la première fois depuis le 7 octobre, Washington a choisi de ne pas bloquer la résolution. Une abstention vécue comme une trahison par l’État hébreu.
Cette résolution signifie qu'il y a un éloignement entre les États-Unis, jusqu'ici soutiens inconditionnel d'Israël, et Netanyahu
D’ailleurs, immédiatement après l'adoption de la résolution, Israël a annulé la visite d'une délégation qui était attendue à Washington, déclarant que l'abstention américaine "nuisait" à la fois à son effort de guerre et à ses efforts pour libérer les otages retenus à Gaza.
“Cette résolution signifie qu'il y a un éloignement entre les États-Unis, soutien inconditionnel d'Israël, jusqu'à il y a peu, et Netanyahu, qui se voit contesté depuis plusieurs semaines dans son jusqu'au-boutisme par l'administration américaine, le président Biden, le secrétaire d'État Blinken, qui ont fait savoir à plusieurs reprises leur mécontentement, voire leur opposition à une situation humanitaire dégradée” analyse notre historien.
Sur le long terme, cette pression et cet isolement diplomatique d’Israël peuvent-ils accélérer les négociations en vue d'un cessez-le-feu ? C’est désormais une affaire d’interprétation selon Jean-Claude Lescure. Par exemple, Jérusalem perçoit cette résolution uniquement à travers le prisme diplomatique et de son éloignement avec Washington.
De l’autre côté, le Hamas s’est réjoui de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU et a exprimé sa "volonté d'engager un processus d'échange” prisonniers/otages “immédiatement" ainsi que celle "d'atteindre un cessez-le-feu permanent conduisant au retrait de toutes les forces" israéliennes de Gaza. “Or, il n'y a pas de processus d'échange évoqué par la résolution, pas plus que d’évacuation des troupes israéliennes” prévient Jean-Claude Lescure.
“C'est n'est pas encore une sortie de crise à proprement parler, au regard des interprétations qui sont portées par le Hamas d'un par le gouvernement Netanyahu de l'autre” conclut-il.
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