Jérusalem
La Maison d'Abraham à Jérusalem, un lieu d'accueil ouvert aux pèlerins de toutes les religions
En partenariat avec LE SECOURS CATHOLIQUE-CARITAS FRANCE
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Depuis l'attaque du Hamas en Israël, les pèlerins désertent Jérusalem, qui ressemble presque à "une ville morte". Lieu d'accueil pour les visiteurs de toutes les confessions, la Maison d'Abraham se vide peu à peu. Son directeur Bernard Thibaud déplore un conflit dont "on porte tous la responsabilité". "On a érigé des murs entre deux peuples : c’est ériger une méconnaissance mutuelle, une absence de dialogue et la peur de l’autre."
Les combats continuent en Israël, depuis l'attaque du Hamas le 7 octobre. Et le bilan humain ne cesse de s’alourdir. On compte désormais 1.200 morts côté israélien et 900 côté palestinien. Le pape François a dit sa préoccupation pour les Palestiniens de Gaza. À l'issue de son audience hebdomadaire, ce mercredi 11 octobre, il a demandé "que les otages soient libérés immédiatement". Comment vivent les chrétiens sur place ? Réponses de Bernard Thibaud, directeur de la Maison d'Abraham, à Jérusalem.
"On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve, on pressent un affrontement qui sera long et violent, notamment en raison du drame des otages", confie Bernard Thibaud. Il dirige avec son épouse de la Maison d'Abraham, dans le quartier de Silwan, à Jérusalem-Est. Cet ancien séminaire transformé en lieu d'accueil tenu par le Secours catholique a pour mission d’accueillir des pèlerins de toutes les religions.
Samedi, jour de l’attaque, ils s’apprêtaient à célébrer la Saint-Abraham, avec des chrétiens, des juifs et des musulmans. Depuis cinq jours, la maison se vide. Les annulations se multiplient alors que la Maison d’Abraham affichait complet en octobre et novembre. Elle s’apprête au contraire à "être un petit peu confinée et vide comme elle l’a été pendant la pandémie jusqu’à ce que cette violence cesse..." Située dans un quartier palestinien musulman, elle est "une sorte de havre de paix, un petit peu irréel quand même, observe Bernard Thibaud, sur le mont des Oliviers, avec la vue sur la vieille ville…" au cœur d’un quartier qui "reste très tendu".
D’ailleurs, depuis cinq jours, c’est toute la ville de Jérusalem qui ressemble "presque" à "une ville morte". Régulièrement, on entend les sirènes retentir. Pourtant, ce n’est pas là précisément que la violence s’est déchaînée il y a plusieurs jours. "C’est souvent à Jérusalem qu’elle se tend en premier, commente Bernard Thibaud, notamment sur l’esplanade des Mosquées qui est aussi le mont du Temple… où il y a beaucoup de tensions qui sont attisées par les extrémistes. Et c’est souvent là que ça se passe notamment pendant les fêtes religieuses et après il y a des répercussions avec le Hamas et le bombardement de Gaza."
Or, le conflit n’est "pas religieux", tient à souligner Bernard Thibaud. "À la fois c’est une question religieuse mais il faut être un petit peu vigilant sur ce conflit, qui n’est avant tout pas une question religieuse, contrairement à ce que beaucoup disent." Il souligne que si le conflit a "basculé sur un versant religieux" depuis "vingt à trente ans", c’est parce que la religion est "instrumentalisée par les politiques". Pour lui, "c’est important de dire que c’est un conflit qui est avant tout territorial".
On a atteint depuis trois jours le paroxysme d’une tension entre deux peuples et d’une situation d’injustice qui dure maintenant depuis plus de 70 ans
En quinze ans, depuis décembre 2008, la bande de Gaza est le théâtre d’affrontements violents. Si l’attaque de samedi est "une très, très grande surprise", pour Bernard Thibaud c’est "aussi une explosion prévisible". "On a atteint depuis trois jours le paroxysme d’une tension entre deux peuples et d’une situation d’injustice qui dure maintenant depuis plus de 70 ans."
Bernard Thibaud insiste : "Il y a une vérité qui est à dire aussi, au-delà de toute cette douleur : et la vérité, c’est qu’on porte tous, tous - ce n’est pas la peine de se rejeter la responsabilité les uns aux autres - on la porte tous historiquement. Et aujourd’hui encore, on porte la responsabilité de cette violence : les responsables palestiniens, les responsables israéliens et toute la communauté internationale." Pour le directeur de la Maison d’Abraham le déplore : "On a érigé des murs entre deux peuples. C’est ériger une méconnaissance mutuelle, une absence de dialogue et la peur de l’autre."
"C’est terrible ce qui va se passer dans les jours qui suivent", craint le responsable. S'il devait rester "un espoir très mince, pour rester dans l’espérance" : ce serait que "ce conflit [force] tous les responsables internationaux, les États-Unis et l’Europe au premier chef, à ne plus fermer les yeux". Bernard Thibaud formule le vœu qu’il y ait "des hommes et des femme courageux" pour "se mettre à la table des négociations... Ce n’est clairement pas le moment mais dans quelques semaines, peut-être dans quelques mois, il faut vraiment que cela advienne."
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Dans un pays où "les chrétiens sont très minoritaires - ils sont 1 à 2% ici, ils ne peuvent quasiment rien faire, ils n’ont pas de poids", explique Bernard Thibaud, même s’ils "tiennent 15 à 20% des institutions, des cliniques, des écoles, des hôpitaux du pays". Ce mercredi 11 octobre, à l’issue de son audience hebdomadaire place Saint-Pierre à Rome, le pape François a fait part de sa préoccupation pour les Palestiniens de Gaza. Il a aussi demandé "que les otages soient libérés immédiatement".
"C’est chacun à sa petite mesure, là où il est, d’essayer de porter ces valeurs de coexistence, de respect mutuel, de dignité de vivre ensemble", constate Bernard Thibaud. "C’est ce que la maison d’Abraham essaie de faire… C’est le désir du Secours catholique et de l’Église de nouer ces ponts avec toutes ces communautés qui aujourd’hui se croisent mais ne se rencontrent pas."
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