Au sein des empires renaissant, Jean-François Colosimo fait le lien entre les politiques autoritaires et les religions. L’auteur de "Occident, ennemi mondial n°1" (Albin Michel) estime que la Chine, l’Iran, l’Inde, la Turquie et la Russie "fonctionnent sur le religieux."
"La différence entre Oussama Ben Laden et Vladimir Poutine, c’est 6000 ogives nucléaires", compare Jean-François Colosimo. Le théologien et historien des religions se permet de faire ce parallèle avec le commanditaire des attentats du 11 septembre. Le président russe avait imaginé "ses ennemis disparaître en enfer" pendant qu’eux mourraient aussi avant d’aller au paradis.
Sans le citer, l’auteur de "Occident, ennemi mondial n°1" (Albin Michel), estime qu’il pensait à une "apocalypse nucléaire". C’est ce que le dirigeant répondait au réalisateur Oliver Stone en 2017 : "Je pense que personne ne survivrait à un épisode de conflit armé entre les États-Unis et la Russie".
Le 25 septembre 2022, le Kirill, 16e patriarche de Moscou, déclarait que "les soldats russes qui mourront en guerre contre l’Ukraine seraient lavés de tous leurs péchés". Ce lien du religieux moscovite avec la guerre lancée fin février par le président de la fédération de Russie rend ce dernier apostat, dénonce Jean-François Colosimo : "C’est un hérétique, un schismatique, un oligarque patenté et un fauteur de guerre". "Il devrait être traduit devant un tribunal ecclésiastique et ensuite devant un tribunal pénal", demande-t-il.
L’historien des religions remarque aussi une évolution dans l’utilisation de la religion qu’ont par les dirigeants de la Chine, de l’Inde, de l’Iran, de la Turquie et de la Russie. Ils cherchent à ne pas commettre la même erreur qu’ont faite leurs prédécesseurs selon lui : "Les prédécesseurs de ces tyrans avaient créé des religions séculières. On vénérait le cadavre de Lénine. Les successeurs ont compris que la seule de leurs prédécesseurs dans leur démarche autoritaire avait été de vouloir supprimer le fait religieux. Lorsque vous divinisez le fait religieux de manière politique, il permet une inclusion maximale" de sa population. Jean François Colosimo estime que l’erreur des "religions séculières", de l’URSS par exemple, a été de "promettre le paradis sur terre." Alors qu’aujourd’hui, il estime qu’un "sens radical est donné au sacrifice" et permet cette instrumentalisation.
Pour le théologien, ce changement de paradigme vis-à-vis de la religion s’est fait pendant que l’Occident, et surtout les Etats-Unis, étaient en guerre après les attentats du 11 septembre 2001 : "Ces empires, qui sortaient de leurs expériences totalitaires, autoritaires, ont réarmé et on a laissé faire. Et on n’a pas vu aussi qu’ils se réarmaient religieusement."
En plus de Poutine, Xi Jinping, Ali Khamenei, Recep Tayyip Erdogan et Narendra Modi investissent tous sur le "religieux", énumère l’essayiste : "Poutine restaure les monastères que les anciens kagébistes dynamitaient ; Xi Jinping n'arrête pas de citer Confucius dont les écrits étaient brûlés en autodafé par les gardes rouges de son propre père ; Erdogan restaure le culte musulman dans Sainte-Sophie, qui était devenu un musée. Et Modi veut réindouiser les Indiens comme les islamistes veulent réislamiser les musulmans en faisant de l'hindouité véritablement son moteur idéologique." Un moteur commun donc basé sur les religions respectives de chaque Etat.
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