Donald Trump a pris au piège le monde entier. Depuis la semaine dernière, les bourses s'affolent et les entreprises s'inquiètent. Quelle est la gravité de la situation, et quelle peut être la réponse des européens ? Décryptage avec Louis Gallois, ancien patron d'EADS (groupe Airbus) et de la SNCF, co-président du think tank la Fabrique de l'industrie.
Ce mercredi 9 avril au matin, la nouvelle salve de droits de douane, annoncée la semaine dernière par Donald Trump, est entrée en vigueur, comprenant un taux monumental de 104 % pour la Chine. Déjà, durant la première présidence Trump, le président américain avait mené un bras de fer commercial fort avec son rival chinois. Mais cette fois, tous les pays sont pris pour cible.
La semaine dernière, les États ont été extrêmement surpris par les annonces de Donald Trump sur les droits de douane. Le président chinois Xi Jinping a déjà répondu à son homologue américain. Un bras de fer entre la Chine et les États-Unis s’annonce.
Il est hors de question que nous mettions en cause le système de la TVA qui fonde la fiscalité indirecte de toute l'Europe
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a proposé de retirer les droits de douane des deux côtés, européen et américain. "Ce serait très bien si les Américains ne considéraient pas la TVA en Europe comme un droit de douane", déclare Louis Gallois, ancien patron d'EADS et de la SNCF. Donald Trump considère en effet la TVA comme un surcoût imposé aux importations venant des États-Unis. Pourtant, toute entreprise française la paye aussi. "Il est hors de question que nous mettions en cause le système de la TVA qui fonde la fiscalité indirecte de toute l'Europe", assure le dirigeant d'entreprises français.
Par ailleurs, Louis Gallois explique qu'il n'est pas "un fanatique de l'augmentation des droits de douane, parce que nous importons beaucoup de gaz, nous n'avons aucun intérêt à ce que son prix augmente". Dans ce cas, taxer le gaz américain ne serait pas pertinent. L’Europe importe aussi des produits pharmaceutiques. Et si ces produits venaient à être taxés, c'est la Sécurité sociale qui paierait. "Il faut donc cibler nos augmentations de droits de douane de manière assez précise."
Le 17 avril prochain, la Première ministre italienne Giorgia Meloni se rendra à Washington pour rencontrer Donald Trump. Bien qu’elle ne puisse pas négocier sur les questions commerciales, compétence exclusivement réservée à la Commission européenne, les chefs d’État européens devront prendre en compte ce qui y sera dit. L’Italie pèse avec son rang de 4e exportateur mondial et de 2e en Europe.
Face à une telle situation, le sentiment d'unité l'emportera
Les 27 États de l'Union européenne présentent des intérêts divergents mais Louis Gallois pense "que face à une telle situation, le sentiment d'unité l'emportera et l'Europe sera capable d'avoir une réponse commune sur le plan commercial".
Les doutes demeurent quant au chemin que prendra ensuite l'Europe. Pour Louis Gallois, les 27 doivent explorer deux pistes. Tout d’abord, le temps est venu d'aller chercher de nouveaux alliés, que ce soit en Amérique latine, en Afrique, en Asie du Sud-Est, en Inde et éventuellement en Chine. Ce dernier, avec un appareil de production "surcapacitaire", peut être un concurrent mais aussi un partenaire, selon lui. Ensuite, l'industrie européenne doit être renforcée mais "je suis assez sceptique sur la capacité des pays de l'Union européenne à avoir une action unifiée dans ce domaine".
Cette augmentation des droits de douane pourra entraîner des impacts négatifs pour la France dont un risque d’inflation. Or "l'inflation touche d'abord les personnes les plus fragiles parce que ce sont elles qui consomment l'essentiel de leurs revenus". Un gros épargnant sera beaucoup moins sensible à une hausse des prix.
Notre système de solidarité datant de 1945 doit faire l'objet d'un réexamen d'ensemble
Pour s'adapter à ces changements à venir, "notre système de solidarité datant de 1945 doit faire l'objet d'un réexamen d'ensemble". Très attaché au modèle social français et européen, il assure "qu'il va falloir que nous réfléchissions au fait qu'il doit être plus centré sur les plus démunis". D’autant plus que de nombreux choix vont être pris.
Par exemple, sur l'assurance maladie, le co-président de la Fabrique de l'industrie confie : "J’ai une retraite confortable et je suis remboursé à 100% sur tous mes médicaments, ce n’est pas tout à fait normal". Plus largement, les retraités sont exonérés d'un certain nombre de taxes. Pour Louis Gallois, cette aide doit être maintenue pour les personnes qui sont dans des situations difficiles et réduite pour la "classe dite aisée".
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