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Les évêques rassemblés expriment leur "grande inquiétude" sur le projet de loi sur la fin de vie

Les évêques rassemblés expriment leur "grande inquiétude" sur le projet de loi sur la fin de vie

RCF, le 19 mars 2024  -  Modifié le 20 mars 2024
L'actu chrétienne Les évêques de France appellent à ne pas "dévoyer la fraternité"

Réunis à Lourdes pour une semaine pour leur première assemblée plénière de l'année, les responsables de l'Église en France ont communiqué sur le projet de loi sur la fin de vie. Ils évoquent "une grand inquiétude" et de "profondes réserves à l'égard du projet de loi annoncé sur la fin de vie". Retrouvez l'intégralité de cette communication.

Crédit photo : Elziario Bandeira/ Conférence des évêques de France Crédit photo : Elziario Bandeira/ Conférence des évêques de France

Une semaine après les annonces d'Emmanuel Macron sur la fin de vie et la création d'une aide à mourir sous conditions strictes, les évêques de France ont réagi publiquement et d'une seule voix, à l'occasion de l'assemblée plénière de Lourdes qui vient de s'ouvrir.

Dans une déclaration intitulée "Ne dévoyons pas la fraternité", les évêques confient leur inquiétude concernant ce projet de loi. Ils réaffirment leur refus d'interrompre la vie et appellent à une plus grande fraternité envers les personnes malades, notamment au travers des soins palliatifs.

Une déclaration dans la même veine que celle faite, un an auparavant, lors de l'assemblée plénière de Lourdes, en avril 2023. Alors qu'avait lieu au même moment la Convention citoyenne sur la fin de vie, la Conférence des évêques de France plaidait pour "une aide active à vivre"

Rappeler le vrai sens de la fraternité

Alors que certaines associations voient l'aide active à mourir comme un service rendu aux malades en abrégeant leurs souffrances, les évêques eux rappellent la définition de la fraternité et maintiennent qu'elle est contraire à la fin de vie programmée. "Nous pensons que c'est un usage abusif de la fraternité que de prétendre soigner et asservir, en injectant une dose létale chez des gens qui sont en fin de vie", explique monseigneur Pierre-Antoine Bozo, au micro de RCF. 

Le porte-parole de la Conférence des évêques de France ajoute : "c'est dans la devise de la République et c'est un terme cher aux chrétiens parce que nous sommes frères les uns des autres et donc il y a là quelque chose de très beau et symbolique que nous devons soigner. Pas en tuant ceux qui s'approchent de la mort dans la souffrance mais en les accompagnant, en soulageant la douleur autant que la médecine peut le faire"

Joindre le geste à la parole

Dans leur déclaration, les évêques appellent "tous les catholiques à s'impliquer davantage auprès des personnes en situation de handicap, âgées ou en fin de vie". Aux yeux de monseigneur Bozo, c'est une question de "cohérence" : "on ne peut pas dire non à ce projet de loi, sans nous engager nous-mêmes de l'autre côté. Il faut faire davantage, faire mieux". Et le prélat d'ajouter : "il faut dire qu'on veut une assistance à la vie et ça, ça engage".

Prendre sa part et montrer l'exemple, c'est ce que fait monseigneur Hervé Giraud, nommé récemment archevêque-évêque de Viviers en Ardèche. Une semaine par mois, et à tour de rôle avec ses frères et sœurs, il s'occupe de sa mère âgée de 94 ans. "Je suis heureux de le faire. Je trouve que c'est très important de pouvoir joindre des actes, des gestes à la parole", dit-il, touché par ce texte qui le "rejoint personnellement"

Il faut faire davantage, faire mieux. Il faut dire qu'on veut une assistance à la vie et ça, ça engage 

Par son témoignage, monseigneur Hervé Giraud veut montrer que c'est possible de dégager du temps pour ses proches, et ce même lorsqu'on a un agenda chargé. Ravi que l'épiscopat français soit sensible à ce sujet, il invite tout de même à être "humble dans ce genre de paroles", en joignant le geste à la parole. "Il nous faut cette cohérence", insiste-t-il, tout en assurant que les évêques n'ont "pas de leçon à donner". Le nouvel archevêque-évêque ardéchois espère en tout cas que "ce texte soit compris comme une invitation à la réflexion sur l'attention que l'on porte aux personnes âgées, malades et handicapées" jusqu'à la fin de leur vie.

Pour donner du poids à leur déclaration, monseigneur Bozo invite les catholiques "à écrire à leurs députés, à leurs sénateurs pour leur donner leur avis". Mais ce, toujours dans le respect de l'Evangile, c'est-à-dire sans violence, ni injustice ou stigmatisation. 

Voici leur déclaration complète : 

« Ne dévoyons pas la fraternité »

Evêques de France, rassemblés à Lourdes, lieu de prière et de solidarité avec les personnes les plus fragiles, nous exprimons notre grande inquiétude et nos profondes réserves à l’égard du projet de loi annoncé sur la fin de vie. Nous proclamons sans nous lasser que toute vie humaine mérite d’être inconditionnellement respectée et accompagnée avec une authentique fraternité. Avec beaucoup de nos concitoyens, chrétiens ou non, croyants ou pas, avec un très grand nombre de soignants, dont nous voulons saluer l’engagement, la compétence et la générosité, nous réaffirmons notre attachement à la voie française du refus de la mort provoquée et de priorité donnée aux soins palliatifs.  

C’est un impératif d’humanité et de fraternité que de soulager la souffrance et d’offrir à chacun la fin de vie la mieux accompagnée plutôt que de l’interrompre par un geste létal. Notre idéal démocratique, si fragile et si nécessaire, repose sur l’interdit fondateur de donner la mort. Nous voulons exprimer notre grande proximité à l’égard des personnes en souffrance et nous saluons l’engagement de celles et ceux qui prennent soin d’elles.

Nous voulons être à leur écoute et à leurs côtés, soutenant la fidélité des aidants et des proches. Nous sommes impressionnés par les progrès des soins palliatifs. Le Conseil consultatif national d’éthique a fait de leur généralisation la condition éthique préalable à toute évolution législative. Nous sommes convaincus qu’ils peuvent et doivent se développer encore, quantitativement à travers tout notre pays et qualitativement en continuant de répondre de mieux en mieux aux douleurs encore réfractaires. Nous saluons la recherche qui, par solidarité, ne cesse de trouver les meilleurs soins à apporter contre la douleur. Tout cela a un coût qu’une société démocratique comme la nôtre s’honorera d’assumer.

C’est un impératif d’humanité et de fraternité que de soulager la souffrance et d’offrir à chacun la fin de vie la mieux accompagnée plutôt que de l’interrompre par un geste létal.

Nous engageons tous les catholiques à s’impliquer davantage auprès des personnes en situation de handicap, âgées ou en fin de vie : la demande de suicide assisté ou d’euthanasie est souvent l’expression d’un sentiment de solitude et d’abandon auquel nous ne pouvons ni ne devons nous résoudre. Plus la solidarité avec les personnes les plus fragiles progressera, plus notre pays avancera sur un chemin renouvelé de fraternité, de justice, d’espérance et de paix.

Notre époque, souvent habitée par la peur de la mort et le désir de prolonger indéfiniment la vie, considère aussi les vies fragilisées comme dénuées de sens. Nous voulons affirmer que toute vie, si fragilisée soit-elle, mérite d’être honorée jusqu’à son terme naturel.

Au milieu de tant de violences contemporaines, dans notre pays et à travers le monde, nous appelons tous les chrétiens comme tous les hommes et femmes de bonne volonté à être d’authentiques serviteurs de la vie de leurs frères et sœurs. Le message de Pâques, que chacun peut accueillir à sa manière, est le triomphe de l’amour et de la vie sur la souffrance et le sentiment d’abandon. Que l’espérance de cette lumière pascale éclaire et encourage tous nos concitoyens et tous leurs représentants au seuil d’un débat décisif pour le présent et pour l’avenir de notre commune humanité

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©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
L'actu chrétienne

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