Avant l’été, le secteur du festival inquiète. Si les visiteurs sont au rendez-vous et les événements cartonnent, l’équilibre de la filière est mis à mal par des cachets d’artistes importants et une inflation galopante qui touche les coûts et dépense d’organisation d’un festival.
Les festivals ne sont pas à la fête. Près d’un festival sur deux, était déficitaire en 2023. “2024 s’annonce encore plus complexe”, prévient le syndicat des musiques actuelles. L’état de santé économique inquiète avant l’été, alors que la saison des festivals débute doucement.
Comme toute associations et entreprises, l’organisation d’un festival exige une relative rentabilité. Depuis la fin de la crise sanitaire et la flambée des prix, beaucoup de festivals voient leur compte dans le rouge. Musilac ne peut que constater le million d’euros de déficit. Le Aluna Festival, scène éclectique d’Ardèche, avait un trou de deux-cents mille euros dans sa caisse en 2022. Des déficits importants qui n’ont quand même pas empêché ces événements de revenir pour une saison 2023 puis 2024.
Les organisateurs s'accrochent à des recettes qui permettent, pour l’instant, leur survie. “Les festivals de musique actuelle bénéficient d’un niveau de ressource propre élevé, à la fois issu de la billetterie, mais également des ventes de restauration, de boissons, et des produits dérivés”, explique Emmanuel Négrier, spécialiste du secteur. “Ce bloc de recette, on l’examine depuis des années, et on constate qu'il est au mieux en stagnation”. La billetterie augmente légèrement, quand les subventions publiques diminuent.
À l’inverse, les dépenses et coûts explosent. La programmation représente en moyenne 33 % d’un budget de festivals. “C’est le cachet des artistes qui peut tourner autour de cent ou cent-cinquante mille euros”, précise Yohann Rehel, président du Bobital Festival qui accueille cette année 55 000 festivaliers près de Rennes. “On ne peut pas se payer huit ou neuf têtes d’affiche”, constate-t-il. À cela s'ajoutent également toutes les dépenses liées à l’hygiène, la sécurité, la scénographie, l’administratif ou même la communication.
L’inflation du secteur est aussi directement liée à l’ultra-concurrence qui règne entre les festivals. À la fois à la quête de prestataires - les artistes - et de clients - les festivaliers - les festivals indépendants se sont lancés dans une course effrénée à l’exclusivité. “Il y a de plus en plus de festivals dits généralistes où l’on retrouve une programmation ouverte éclectique pour ne pas dire fourre-tout”, analyse Stéphane Krasniewski, directeur de Festival les Sud à Arles.
“Depuis une vingtaine d’années, le nombre de festivals en France a explosé”, explique celui qui est aussi vice-président du Syndicat des Musiques actuelles. Davantage de festivals, toujours plus éclectiques avec moins de personnalité musicale : l’objet festival s’uniformise et la concurrence, additionnée à la hausse générale des prix des cachets des artistes positionnent les festivals parfois dans des positions délicates, malgré des taux de remplissage autour de 95 %.
Pourquoi un secteur aussi fragile que le festival continue d'attirer des nouveaux organisateurs ? Le mal vient en réalité de l’intérieur. D'importantes boîtes de production, qui financent des artistes “têtes d'affiche”, se sont mises, elles aussi, à organiser des festivals. “On fait face à des grosses boîtes de production et des monstres de festivals. Ce n’est pas un tabou, mais les exclusivités, c’est très compliqué lorsque l’on organise un événement comme le nôtre”, souffle Yohann Rehel, président du Bobital Festival.
“Ces grosses boîtes de production pèsent sur l’ensemble de la filière”, abonde Stéphane Krasniewski. “Les artistes sont moins accessibles. Cela contribue à la hausse des cachets des têtes d’affiche qui rend moins possible la programmation d’artistes émergents”.
Face à la nouvelle réalité qui traverse le secteur, les festivals s’adaptent. “On doit travailler la singularité des événements pour continuer de structurer la filière”, espère Stéphane Krasniewski. “Un autre levier”, demande le vice-président du Syndicat des Musiques actuelles, “c’est la régulation”. “Comment les collectivités et même l’Etat, par le biais du ministère de la Culture, peuvent continuer de réguler ce secteur qui en a besoin pour préserver l’expression de la diversité culturelle”.
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