La Ve République a été conçue par et pour Charles de Gaulle. À l'heure où l'Amérique s'apprête à voter pour ou contre Trump, cette logique référendaire coïncide-t-elle avec la conception que de Gaulle avait du gouvernement des hommes ? Il souhaitait que la France soit un allié, et non un vassal, des États-Unis. Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Explications d'Arnaud Teyssier, auteur de Charles de Gaulle, l’angoisse et la grandeur.
Même si son héritage est contrasté, la force du principe incarné par Charles de Gaulle continue d’occuper l’imaginaire de la société française.
Pour Arnaud Teyssier, Charles de Gaulle incarne un élan vers les hauteurs : "Il prend sur lui le destin français, la peur de la déchéance. Pour lui, échapper à cela, c’est viser les hauteurs, l’ambition." Le gaullisme s’attache à sa personnalité et à sa conception de la politique, explique l’auteur. C’est une manière de concevoir l’existence, de refuser la résignation et de croire en de nouveaux départs. "À la fin des Mémoires de guerre, il dit que la nature renaît toujours au printemps et que tout recommence toujours."
Il prend sur lui le destin français, la peur de la déchéance. Pour lui, échapper à cela, c’est viser les hauteurs, l’ambition
Pour Arnaud Teyssier, le macronisme est l’exact opposé du gaullisme : "La start-up nation n’est pas vraiment l’idéal gaullien ni sa vision du monde." Il définit le macronisme comme un monde plus fluide, tandis que de Gaulle représente un monde d’enracinement, où s’affirment la force et la nécessité des identités. "De Gaulle voulait surmonter cette angoisse et entraîner les Français dans une attitude volontaire. C’est d’ailleurs un comportement assez chrétien", précise-t-il.
Charles de Gaulle incarnait l’indépendance française, souligne le biographe. "L’indépendance française s’incarnait, sur le plan de la défense, par le nucléaire." De Gaulle pensait qu’en cas de conflit limité ou de guerre conventionnelle, les États-Unis n’engageraient pas le sort de leur continent. Il fallait donc une France et une Europe fortes et autonomes, explique Arnaud Teyssier. L’élection de Donald Trump avait d’ailleurs souligné un possible retour de l’isolationnisme américain.
Chaque pays devait pouvoir compter sur lui-même, y compris l’Europe.
De Gaulle estimait qu’il fallait être alliés des États-Unis, tout en reconnaissant qu’ils étaient une puissance avec ses propres intérêts : "Chaque pays devait pouvoir compter sur lui-même, y compris l’Europe." Charles de Gaulle prônait une Europe politique, de défense et autonome. Cependant, observe Arnaud Teyssier, l’Europe a choisi un modèle euro-atlantique, impliquant une forme de dépendance vis-à-vis des États-Unis. "Il faudrait une très forte volonté européenne pour changer cela. Aujourd’hui, l’Europe regroupe de nombreux États avec des stratégies divergentes. À l’époque de de Gaulle, c’était plus facile", conclut-il.
Charles de Gaulle appelait à la participation des citoyens dans tous les domaines : politique, économie et société. C’était une manière d’associer la société aux "forces vives", explique Arnaud Teyssier. "Il souhaitait intégrer ces forces dans l’exercice du gouvernement, sans pour autant renoncer à l’idée d’un gouvernement fort et d’une administration puissante." De Gaulle souhaitait conserver le cadre de la Ve République tout en impliquant la société. "Il a inventé la démocratie participative bien avant ceux qui s’en sont réclamés", souligne Arnaud Teyssier.
Pour de Gaulle, le pouvoir présidentiel n’était pas une institution parmi d’autres, mais le moteur central du système, l’âme de la démocratie en action
Les institutions de la Ve République ont été conçues par Charles de Gaulle pour léguer aux générations futures un cadre suffisamment solide pour gouverner, explique Arnaud Teyssier. "Il voulait des institutions fortes pour que ses successeurs, même s’ils étaient moins exceptionnels, puissent gouverner. Mais pour cela, il fallait préserver la cohérence des institutions." De Gaulle avait écarté le modèle présidentiel américain, qui, en raison de sa séparation stricte des pouvoirs exécutif et législatif, peut entraîner des blocages antidémocratiques. "Pour de Gaulle, le pouvoir présidentiel n’était pas une institution parmi d’autres, mais le moteur central du système, l’âme de la démocratie en action", conclut l’auteur.
Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !