Le Doliprane, médicament le plus vendu en France, va passer sous contrôle américain. Lundi le groupe pharmaceutique Sanofi a formalisé son choix de céder 50% de sa branche Opella au fonds d'investissement CD et R. Une cession validée sous conditions par l’Etat mais toujours contestée par les salariés.
Vous en avez sans doute pris au moins une fois dans votre vie. Le Doliprane, médicament le plus vendu en France, va passer sous contrôle américain. Lundi le groupe pharmaceutique français Sanofi a formalisé son choix de céder au fonds d'investissement CD et R 50 % de sa branche Opella.
C’est la filiale du groupe pharmaceutique fabriquant vitamines, minéraux et compléments alimentaires et les médicaments sans ordonnance, dont le Doliprane : le paracétamol bestseller de l’industriel. La transaction va représenter un montant autour de 8 milliards d’euros. Opella compte 1.700 salariés en France, dont 480 sur son site de Compiègne et 250 à Lisieux. Ils ne fabriquent pas le principe actif, mais y ajoutent des excipients pour obtenir le Doliprane. Déclenchée la semaine dernière, la grève a été prolongée jusqu'à vendredi à Lisieux, mais temporairement suspendue à Compiègne.
Le groupe explique dans un communiqué qu’il pourra ainsi "se concentrer encore davantage" sur les médicaments et vaccins innovants pour devenir "un pur acteur" biopharmaceutique selon les mots du directeur général de Sanofi, Paul Hudson dans un communiqué. En avril, les laboratoires Servier annonçaient eux la cession de Biogaran, leur branche de médicaments génériques pour des raisons similaires. "La valorisation d'une entreprise pharmaceutique se fait beaucoup sur les médicaments très innovants. Si on n'est pas capable de produire ces nouveaux médicaments, on ne sera plus en capacité de valoriser cette recherche. Et c'est un peu ce qui se passe avec Sanofi, en cause des erreurs stratégiques sur les vaccins à ARN messagers" analyse Marc Ivaldi, économiste et enseignant à Toulouse Business School. "Sanofi est ainsi passé de la troisième à la septième place des laboratoires pharmaceutiques dans le monde" rappelle-t-il.
Du côté, des syndicats, cette vente ne se justifiait pas surtout avec cet acheteur. "Cette vente n'a aucune rationalité. C'est une vente financière. Il n'y a pas de projet réel industriel " souligne Adil Bensetra, coordinateur adjoint de la CFDT Sanofi Compiègne.
Ce projet de cession fait aussi réagir au sein de l'opinion publique et de la classe politique, parce qu'il concerne un médicament de base utilisé par un grand nombre de Français pour soulager la douleur et la fièvre. Il y a une incompréhension et une confusion puisque lors de la pandémie de Covid Emmanuel Macron avait annoncé une relocalisation de la production de paracétamol en France, molécule considérée comme stratégique. Actuellement, elle provient de Chine ou d’Inde pour alimenter les usines françaises comme celle d’Opella. "Alors qu'ils étaient des héros durant le confinement sur les chaînes de production, on les félicitait, on les remerciait. Mais maintenant que le Covid est passé, que la finance a repris la main sur le monde, en fait, ils ne sont plus essentiels, ils ne savent plus grand-chose. Donc c'est très très très dur pour les salariés parce qu'ils se sentent vraiment trahis" estime Adil Bensetra.
L’Etat prend une participation minoritaire de 1 à 2 % a précisé le directeur général de Bpifrance. "Pour être pleinement associé aux futures décisions de l'entreprise", selon Bercy. L’accord tripartite annoncé dimanche prévoit le maintien des deux sites français de production à Lisieux et Compiègne, pendant cinq ans au moins. Assorti d'une sanction jusqu'à 40 millions d'euros si d'aventure la production devait s'arrêter" et pour chaque licenciement économique contraint une pénalité de 100.000 euros. L'accord inclut aussi un maintien des volumes minimaux de production en France pour les produits sensibles d’Opella", Doliprane, mais aussi le Lanzor (contre les troubles digestifs) et l'Aspegic (aspirine).
De même, le nouveau propriétaire doit maintenir le siège et les activités de R&D en France et prévoir un objectif d’investissement en France de 70 millions d’euros. Mais les syndicats craignent que cela s’inscrive dans le court terme. "Le fonds d'investissement a toujours la possibilité de fermer ou de licencier des salariés. Il suffit pour ça de payer une amende de 40 millions d'euros" constate Adil Bensetra.
40 millions sur une vente à plusieurs milliards ce n’est pas grand-chose font valoir les syndicats. Par ailleurs se pose la question du maintien à long terme de Sanofi dans les 48 % du capital restant. Même si la direction de Sanofi parle de rester le plus longtemps possible. Bercy reconnaît que l’accord n’a pas vocation pour certains points à rester dans le temps.
Le repreneur d’Opella est également tenu par un contrat de fourniture avec le chimiste Français Seqens. Ce dernier prévoit une relocalisation du principe actif en France avec un site près de Toulouse et un autre au sud de Lyon à Roussillon en Isère.
La finalisation de la vente du Doliprane est prévue au plus tôt au deuxième trimestre 2025.
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