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Phobie scolaire : pourquoi mon enfant ne veut plus aller à l'école ?

Un article rédigé par Vincent Belotti - RCF, le 9 septembre 2024 - Modifié le 10 septembre 2024
Je pense donc j'agisPhobie scolaire : pourquoi mon enfant ne veut plus aller à l'école ?

"On était à quelques dizaines de mètres de l’école. Mon fils Tommy, 10 ans, ne pouvait plus avancer. Il était rouge, avec le contour des yeux, du nez et de la bouche très blancs. Je l’ai ramené à la maison. L’après-midi, je n’ai pas pu le ramener en classe. Le début d’un long parcours qui allait durer plusieurs années." Ce témoignage et des milliers d’autres, il révèle la souffrance liée à la phobie scolaire. Un phénomène en augmentation depuis le Covid. Pourquoi ce blocage et quelles solutions pour y faire face ? Le point avec Odile Mandagaran, présidente de l’association Phobie Scolaire, le Dr Hélène Denis, pédo psychiatre spécialisée au CHU de Montpellier et Marie Costa, coach parental et enseignante pendant 27 ans.

Quand aller à l'école devient une vraie souffrance ©FreepikQuand aller à l'école devient une vraie souffrance ©Freepik

Comment définir une "phobie scolaire" ? Contrairement au sens courant," ce n’est pas une peur spécifique, comme on pourrait l’avoir pour l’avion ou des araignées." nuance le Dr Hélène Denis. "C’est un concept beaucoup plus complexe. C’est-à-dire le  fait d’avoir peur d’aller à l’école, de ne plus réussir à y aller tous les jours ou plus du tout, parce qu’on est anxieux , avec plein d’anxiétés sous-jacentes." D’où le terme qui fait plus consensus, celui de « Refus scolaire anxieux », même si refus suppose une volonté. Or précise Marie Costa, ancienne enseignante du primaire au collège "ce n’est pas que l’enfant ne veut pas aller à l’école, c’est qu’il ne peut pas. Une lettre qui change tout."

Qui est concerné ? 1 à 5% d’élèves de la maternelle au lycée, 8 % des consultations en pédopsychiatrie, d’après l’Inserm, 4,8 % des collégiens et lycéens en souffriraient … Difficile d’avoir des chiffres fiables, "vu que ce trouble n’ est encore pas très connu", souligne la pédo psychiatre. Pour autant, il touche plus les filles que les garçons après 13 ans, concerne tous les milieux sociaux-économiques, "avec des pics", précise Marie Costa : "l’entrée en CP, avec les premières notes et devoirs, l’entrée au collège et le début du lycée ». Un phénomène en tout cas "en augmentation", note la présidente de "Phobie scolaire", avec 200 nouvelles familles qui rejoignent chaque année l’association.

Une anxiété aux formes multiples

Comment se manifeste cette phobie scolaire ? Maux de ventre ou de tête, nausées, troubles du sommeil , pleurs et refus de quitter sa chambre au moment de partir en classe, ce sont parmi les symptômes les plus courants.  "Pour ma fille", témoigne Odile Mandagaran, "c’était de rester roulée en boule sur son lit et très difficile de passer devant son collège le week-end." Un blocage qui peut sembler apparaitre du jour au lendemain. Mais il peut y avoir des signes avant-coureurs, des absences "perlées" pour cause de "petits bobos à répétition"  des passages plus fréquents à l’infirmerie et une chute des notes, alors que la majorité était plutôt bons élèves.

Comment expliquer ce blocage a priori irrationnel et qui n’a rien d’un caprice, d'une comédie ou d’une crise d’ado ? A la base, toujours une anxiété, qui peut avoir plusieurs sources : "la peur, très fréquente, de vomir en classe, mais aussi peur du regard des autres, d’être jugé." explique le Dr Denis. Anxiété aussi de la séparation, qu’il puisse arrive quelque chose à ses parents pendant que l’enfant sera à l’école. Cas d’un papa atteint d’un cancer ou d’une maman dépressive. Mais aussi un climat familial très lourd. Ce dont témoigne au téléphone Christelle pour son fils :"Il y avait des violences à la maison et il avait peur que je meure." Angoisse enfin de la performance, de ne plus être à la hauteur , "à l’origine du blocage de ma fille", confie Odile Mandagaran.

Une psycho thérapie spécifique

Quelle prise en charge lorsque cette peur s’installe depuis plusieurs jours, voire semaines ? D’abord consulter son médecin généraliste, pour écarter une cause organique, avec si besoin bilan Orl, visuel ou orthophonique. Relais ensuite du pédopsychiatre, en privilégiant les TCC, Thérapies Comportementales et Cognitives. Une approche qui consiste à "évaluer l’anxiété de l’enfant, voir comment elle fonctionne et ensuite affronter les situations qui font peur, en apprenant à gérer ses émotions, jusqu’au retour à l’école. "détaille le Dr Hélène Denis. Quant aux médicaments, anxiolytiques ou anti dépresseurs, ils peuvent être une aide complémentaire temporaire, mais en aucun cas la seule solution.

Quel rôle pour la famille ? Au même titre que l’établissement scolaire et la psycho thérapie, elle est fondamentale pour accompagner l’enfant. Accepter cette situation, ne pas culpabiliser et gérer le temps passé à la maison, quand il y a retrait temporaire de l’école. "Il faut garder un rythme pour ne pas perdre pied." estime Marie Costa. "Maintenir des heures de sommeil, de repas et si possible des temps d’apprentissage, comme à l’école."

Que penser justement des cours à distance dispensés par le CNED ? "Non à temps complet," estime le Dr Denis, "car cela implique une désinscription de l’élève de son école pendant une année. Oui par contre sur quelques matières, qui permettra une réintégration dès que l’élève sera prêt. "Un retour qui peut faire l’objet d’un PAI, Projet d'Accueil Individualisé, prévoyant un aménagement des heures de cours, la possibilité de ne pas être interrogé tout de suite à l’oral ou l’autorisation de quitter l’école plus tôt.

Une urgence médicale

Quels résultats pour cette prise en charge ? Elle reste encore à améliorer :  médecins et enseignants encore insuffisamment formés, difficulté à trouver des rendez-vous en pédo psychiatrie ou pour des structures d’accueil, obligation souvent pour un parent d’abandonner son travail pour s’occuper de l’enfant, risques de rechute. Et pourtant, plus ce trouble est pris en charge rapidement, plus les chances de guérison sont grandes. Ou du moins, de pouvoir vivre avec. Tout en rappelant ,enfin,  que l’école n’est pas la seule voie de la réussite…

A suivre aussi dans l'émission : Harcèlement scolaire, TDHA, HPI, troubles dys peuvent-ils être causes de phobie scolaire ? 


Pour aller plus loin :

"Ecole: quand la phobie scolaire prend le dessus" par l'association "Phobie scolaire." Editions Josette Lyon - 2015 : un livre regroupant des témoignages d'enfants et de parents ainsi que des éclairages d'experts. 

"La phobie scolaire: 100 questions/réponses de spécialistes" du Dr Hélène Denis et le Dr Estelle Caron, pédopsychiatres spécialisées au CHU de Montpellier. Editions Ellipses - 2020:  Un guide complet sur la définition du trouble, sa prise en charge et les idées reçues

"Mon enfant ne veut plus aller à l'école" de Marie Costa, coach parental certifiée et enseignante des maternelles aux classes prépas pendant 27 ans. Editions DBS  - Août 2024 : Un guide très pratique pour comprendre le Refus Scolaire Anxieux, avec des outils à destination des familles et enseignants pour aider l'enfant à reprendre confiance en lui. Des fiches à télécharger par flash code. 

Association phobie scolaire : Aide et soutien aux familles, échange avec les équipes éducatives et point sur la recherche. https://phobie-scolaire.org/

© RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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