À Noël, les chrétiens célèbrent la naissance de Jésus. Une naissance particulière dans la paille entre le bœuf et l’âne, bien loin des accouchements que l’on connaît aujourd’hui. Comment ont-ils évolué avec les siècles, au gré des croyances, des rites et des progrès de la médecine ? Marie-France Morel, historienne, présidente de la Société d'histoire de la naissance, a répondu aux questions de Véronique Alzieu.
Il faut remonter à l’Antiquité pour retrouver les premiers témoignages d’accouchement gravés dans la roche ou sculptés. On y découvrait alors que les femmes accouchaient "assises sur un siège d’accouchement avec une compagne derrière elle, comme un fauteuil humain". Cette position physiologique fut longtemps utilisée. Le Corpus hippocratique, un recueil de livres de médecine attribué à Hippocrate, donne lui aussi quelques détails sur cet événement mystérieux qu’est la naissance. À l’époque, il se disait qu’un fœtus est plus vigoureux s’il naissait à sept mois plutôt qu’à huit... Une croyance qui "s’appuie sur la magie des chiffres", explique Marie-France Morel. Dans la Bible, le chiffre sept est en effet la perfection. "C’est tout un symbole", commente-t-elle.
Au fil des siècles, les sages-femmes et les matrones ont aidé les femmes enceintes à donner la vie. Pendant longtemps, les hommes restaient à l’écart et n'étaient appelés que pour des situations difficiles, nécessitant de la force. Il faut attendre le XVIIe siècle, pour que les accoucheurs, des chirurgiens spécialisés, apparaissent et "commencent à s’intéresser aux accouchements ordinaires", explique l’auteure de "Accueillir le nouveau-né, d'hier à aujourd'hui (éd. Érès, 2013). Mais, précise-t-elle, "au niveau de la pratique, ce sont les sages-femmes qui leur ont appris beaucoup de choses", et seuls les riches pouvaient se payer les services de ces accoucheurs.
Au XVIIIe siècle, une sage-femme va largement contribuer à professionnaliser son corps de métier : Madame de Coudray. De retour de ses études à Paris, la Clermontoise est effrayée par l’impéritie et l’ignorance des matrones. Elle propose alors au ministère des Finances de former des sages-femmes dans tout le royaume, d’instruire celles qui étaient pour la plupart illettrées. Et "met au point une méthode où elle leur fait répéter un manuel par cœur et les fait ensuite s’exercer sur des mannequins pour leur montrer comment se tirer de situations difficiles", raconte l’historienne. Après quoi, les sages-femmes furent reconnues comme une profession médicale à part entière sous le consulat en 1803. "C’est une légitimité extraordinaire", analyse-t-elle. Dès lors, les sages-femmes devront être formées et elles seront rattachées à des hospices (où les femmes pauvres ou dans l’illégalité viennent accoucher) et s’entraînent à donner la vie.
Grâce à cette formation des professionnels, le taux de mortalité des mères et des enfants baisse mais "il ne disparait pas complètement, et pendant les années 20 et 30, l’accouchement à l’hôpital qui se répand de plus en plus dans les grandes villes, reste malgré tout plus risqué, en raison des contaminations", explique Marie-France Morel. La découverte des antibiotiques et la création de la Sécurité sociale en 1945 et donc le remboursement des accouchements renverseront ces préjugés sur l’hôpital et rendront l’accouchement à la maison démodé.
Depuis, les techniques d’accouchement n’ont eu de cesse de s’améliorer et de changer le rapport des femmes à l'accouchement, notamment avec l’accès à la péridurale en 1940 ou encore avec l’accouchement sans douleur. Une méthode inventée par Fernand Lamaze où la respiration et la présence du papa en salle d’accouchement jouent un rôle important pour apaiser les douleurs de la mère sans recourir à des agents médicamenteux.
À partir de 1970, la possibilité de connaître le sexe de l'enfant avant la naissance a elle aussi balayé des siècles de mythes, qui consistaient à chercher des signes partout notamment dans la forme du ventre ou dans la façon qu’avait une femme enceinte de monter des escaliers. Autant de mythes qui persistent encore parfois dans l’imaginaire collectif.
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