David le Breton est sociologue et spécialiste des représentations et de la place du corps dans nos sociétés, c'est également un amoureux de la marche comme il l'exprime dans ses livres dont "Eloge de la marche" publié aux éditions Métailié. En plus d'analyser la marche sociologiquement, David le Breton la pratique concrètement. Il nous explique au micro de Thierry Lyonnet comment la marche nous reconcilie à notre corps et en quoi c'est "un acte de résistance".
Lorsqu'il découvre la marche David le Breton est un jeune homme. Mal dans ses baskets ils décident de chausser ses chaussures de marche et de faire le tour du Brésil. Un bon moyen de se couper du monde et de se retrouver soi-même. "C'était ma manière de disparaître dans un monde intérieur et de m'éclipser finalement du lien social. Et puis après j'ai continué à marcher, je suis toujours un grand marcheur, je me déplace quasiment toujours à pieds" explique-t-il.
Pour le sociologue, la marche permet de nous reconcilier avec "notre corps", "nos sens", "notre disponibilité au monde et avec la lenteur également". Il n'est pas le seul à le penser. Il aime citer dans ses livres les écrivains-marcheurs comme Stevenson ou Jacques Lacarrière "qui nous ont fait partager, un peu comme des pionniers d'ailleurs, le bonheur de marcher." Ce bonheur ils aiment le vivre en parcourant les chemins vosgiens en ayant "l'esprit qui bat la campagne" et en vivant des bonheurs simples comme un bon repas partagé ou un paysage contemplé. "C'est un formidable renouvellement du rapport au monde la marche" constate David le Breton.
C'est un formidable renouvellement du rapport au monde la marche
Dans son livre, David le Breton explique que "marcher c'est retrouver l'élémentaire de sa condition humaine". Pour le sociologue la représentation du corps est centrale dans la marche. Mettre un pied devant l'autre, c'est l'un des fondamentaux de notre humanité. David le Breton nous rappelle qu'il y a des millions d'années l'Homme s'est redressé sur ses deux jambes. La marche est une forme de retour à nos origines. De par notre bipédie nous sommes fondamentalement faits pour la marche. Pourtant le sociologue marcheur constate également que nous sommes passés à une société assise, face à nos ordinateurs au travail et à nos écrans à la maison.
La marche c'est aussi un moyen de se détacher de notre besoin d'efficacité ou de résultats. "La marche est inutile comme toute activité essentielle" résume David le Breton. C'est aussi l'éloge de la lenteur. Pour l'auteur de nombreux livres sur le sujet, marche et lenteur sont profondément liées. Contrairement à notre vie quotidienne régit par les horaires et le temps qui semble passer trop vite, avec marche "on a l'éternité devant soi [...] on prend le temps de vivre".
Depuis quelques années, la marche a la côte, d'autant plus depuis la pandémie de Covid-19 où les français ont été privés de sorties et de nature. Randonner dans des endroits sauvages ou peu explorés est devenu un acte de résistance, de liberté. "C'est vraiment se réapproprier physiquement un monde qui nous manque finalement dans sa dimension physique ou sensorielle" constate David le Breton.
Dans une société où nous tentons au maximum d'échapper à la souffrance physique, à l'effort, la marche nous amène à ressentir et donner sa place à notre enveloppe corporelle. C'est en cela que marcher est un acte de résistance pour le sociologue et écrivain. En effet, le marcheur va à l'encontre de ce que la société attend de nous aujourd'hui : lenteur, minimalisme et contemplation. "C'est une résistance également car les marcheurs sont des hommes et des femmes de la conversation et non plus de la communication, c'est également une résistance dans le sens où on est plus dans le monde urbanisé, le monde bien cadré, on est plutôt sur des sentiers, parfois on perd son chemin. C'est une résistance aussi parce qu'on prend son temps, on ne laisse plus le temps nous prendre " explique David le Breton.
Avec la marche, on retrouve son chemin. Dans le sens vraiment anthropologique du terme.
Thierry Lyonnet, grand reporter à RCF et marcheur lui-même, est parti à la rencontre de personnalités qui ont été transformées par la marche. Guérison, pèlerinage, réinsertion, voyage... chacun des intervenants raconte son chemin et les bienfaits de la marche sur sa vie. Avec les huit épisodes du podcast, partez chaque mardi à 9h sur les sentiers en compagnie de l'académicien Jean-Christophe Rufin, des aventuriers Sonia et Alexandre Poussin ou encore du sociologue David Le Breton pour découvrir leurs parcours.
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