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David le Breton : marcher, un acte de résistance

Un article rédigé par Thierry Lyonnet, Amélie Gazeau - RCF, le 19 mai 2022 - Modifié le 17 juillet 2023
Marche & rêve : 8 personnalités transformées par la marcheSaison 1 [3/8] - David le Breton : marcher, un acte de résistance

David le Breton est sociologue et spécialiste des représentations et de la place du corps dans nos sociétés, c'est également un amoureux de la marche comme il l'exprime dans ses livres dont "Eloge de la marche" publié aux éditions Métailié. En plus d'analyser la marche sociologiquement, David le Breton la pratique concrètement. Il nous explique au micro de Thierry Lyonnet comment la marche nous reconcilie à notre corps et en quoi c'est "un acte de résistance".

David le Breton / DRDavid le Breton / DR

Marcher pour se réconcilier avec son corps

 

Lorsqu'il découvre la marche David le Breton est un jeune homme. Mal dans ses baskets ils décident de chausser ses chaussures de marche et de faire le tour du Brésil. Un bon moyen de se couper du monde et de se retrouver soi-même. "C'était ma manière de disparaître dans un monde intérieur et de m'éclipser finalement du lien social. Et puis après j'ai continué à marcher, je suis toujours un grand marcheur, je me déplace quasiment toujours à pieds" explique-t-il.

 

Pour le sociologue, la marche permet de nous reconcilier avec "notre corps", "nos sens", "notre disponibilité au monde et avec la lenteur également". Il n'est pas le seul à le penser. Il aime citer dans ses livres les écrivains-marcheurs comme Stevenson ou Jacques Lacarrière "qui nous ont fait partager, un peu comme des pionniers d'ailleurs, le bonheur de marcher." Ce bonheur ils aiment le vivre en parcourant les chemins vosgiens en ayant "l'esprit qui bat la campagne" et en vivant des bonheurs simples comme un bon repas partagé ou un paysage contemplé. "C'est un formidable renouvellement du rapport au monde la marche" constate David le Breton.

 

 

C'est un formidable renouvellement du rapport au monde la marche

 

Accepter d'être réduit à son corps

 

Dans son livre, David le Breton explique que "marcher c'est retrouver l'élémentaire de sa condition humaine". Pour le sociologue la représentation du corps est centrale dans la marche. Mettre un pied devant l'autre, c'est l'un des fondamentaux de notre humanité. David le Breton nous rappelle qu'il y a des millions d'années l'Homme s'est redressé sur ses deux jambes. La marche est une forme de retour à nos origines. De par notre bipédie nous sommes fondamentalement faits pour la marche. Pourtant le sociologue marcheur constate également que nous sommes passés à une société assise, face à nos ordinateurs au travail et à nos écrans à la maison.

 

La marche c'est aussi un moyen de se détacher de notre besoin d'efficacité ou de résultats. "La marche est inutile comme toute activité essentielle" résume David le Breton. C'est aussi l'éloge de la lenteur. Pour l'auteur de nombreux livres sur le sujet, marche et lenteur sont profondément liées. Contrairement à notre vie quotidienne régit par les horaires et le temps qui semble passer trop vite, avec marche "on a l'éternité devant soi [...] on prend le temps de vivre".

 

La marche, un acte de résistance

 

Depuis quelques années, la marche a la côte, d'autant plus depuis la pandémie de Covid-19 où les français ont été privés de sorties et de nature. Randonner dans des endroits sauvages ou peu explorés est devenu un acte de résistance, de liberté. "C'est vraiment se réapproprier physiquement un monde qui nous manque finalement dans sa dimension physique ou sensorielle" constate David le Breton. 

 

Dans une société où nous tentons au maximum d'échapper à la souffrance physique, à l'effort, la marche nous amène à ressentir et donner sa place à notre enveloppe corporelle. C'est en cela que marcher est un acte de résistance pour le sociologue et écrivain. En effet, le marcheur va à l'encontre de ce que la société attend de nous aujourd'hui : lenteur, minimalisme et contemplation. "C'est une résistance également car les marcheurs sont des hommes et des femmes de la conversation et non plus de la communication, c'est également une résistance dans le sens où on est plus dans le monde urbanisé, le monde bien cadré, on est plutôt sur des sentiers, parfois on perd son chemin. C'est une résistance aussi parce qu'on prend son temps, on ne laisse plus le temps nous prendre "  explique David le Breton.

 

Avec la marche, on retrouve son chemin. Dans le sens vraiment anthropologique du terme.

Retrouvez chaque mardi à 9h un nouvel épisode de "Marche & Rêve" sur notre site rcf.fr et sur votre plateforme de podcast préférée :

 

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