Ses textes lui ont valu d’être incriminé plusieurs fois. Erri De Luca est un écrivain engagé, tantôt contre la guerre en Bosnie ou contre l’Allemagne nazie, tantôt pour l’obtention d’un passeport universel. Mais c’est dans la fraternité qu’il trouve son courage. "Sans la fraternité, tout est voué à l’échec", dit-il. À l'occasion de la publication des ses "Œuvres choisies" chez Gallimard, rencontre avec un écrivain généreux et passionné.
"Itinéraires. Œuvres choisies." En février dernier est paru une sélection des œuvres d'Erri De Luca chez Gallimard, dans la collection Quarto. Un millier de pages à lire ou à relire avec la joie d'un éblouissement garanti ! Quel plaisir de retrouver les titres majeurs de l'écrivain italien, de "Pas ici, pas maintenant" à "Tour de l'Oie" en passant par "Trois chevaux" et "Montedidio" ! C'est tout un univers qui est réuni dans ce volume.
"Ce livre, c’est ma vie entière. C’est un grand honneur et un privilège d’être dans cette collection" qui compile plusieurs livres. Erri De Luca veille à y faire entendre de multiples voix : "Chaque récit est dit par une voix. Et moi, quand j’écris, je parle toujours. Ma production est d’abord orale." Si son écriture a pour vocation de tenir compagnie au lecteur, elle est aussi éminemment citoyenne. Erri De Luca se veut être l’amplificateur des voix des personnes qui ne sont pas écoutées.
Cette écriture citoyenne lui a aussi valu d’être incriminé plusieurs fois. "J’ai donc approfondi ma parole contraire. Je l’ai revendiquée et multipliée dans tous les endroits où je le pouvais", témoigne l'écrivain en réponse à ses détracteurs. Ses livres mêlent histoire personnelle, travail de mémoire, militantisme et témoignage d’un autre temps. Dans tous les cas, les textes de l’auteur sont engagés. Tantôt contre la guerre en Bosnie ou contre l’Allemagne nazie, tantôt pour l’obtention d’un passeport universel. C’est grâce à la fraternité, ce "sentiment politique et humain qui permet d’avoir la force de se battre", qu’Erri De Luca trouve son courage. "Sans la fraternité, tout est voué à l’échec", estime-t-il.
C’est à Naples qu'est né Erri De Luca, en 1950. Adolescent effacé mais turbulent, il s’est affirmé rapidement comme un militant révolutionnaire. Pour gagner de l’argent, il est livreur, puis ouvrier sur les chantiers les plus ardus. L’écrivain devient ainsi un humanitaire généreux. En parallèle, il lit depuis l’enfance. Et pour ce faire, il se réfugie dans la "chambre des livres". "Les livres ont dressé des barricades jusqu'au ciel pour moi", écrit-il. "J'ai été un enfant puis un jeune garçon à l'intérieur d'une chambre en papier."
Quand il a quitté la maison parentale, Erri De Luca a "inauguré [sa] liberté". La relation qu'il entretenait avec son père a beaucoup compté. "On hérite des regrets de ses parents : mon père était un grand lecteur. Je suis devenu écrivain." Quitter le foyer familial, pour lui, c’était renoncer au futur imaginé par ses parents. La relation avec son père, il l'aborde dans ses livres, notamment dans "Le tour de l’oie". Erri De Luca y montre "qu'être fils, c’est demander des comptes", notamment vis-à-vis de l’histoire. "J’avais cette arrogance de demander à mon père ce qu’il avait fait pour résister. Comme beaucoup de témoins, il a été pris au piège par son temps." L'écrivain napolitain estime que l'on garde toujours une "tâche, une ombre" des actions ou des inactions de nos parents.
"Écrire est le temps de fête de ma journée, ce n’est pas celui de travail." Écrivain passionné depuis tout petit, Erri De Luca s’illustre aussi au théâtre et en poésie. Le théâtre est la "manifestation immédiate d’une histoire produite et terminée dans le temps de la mise en scène". Il voit en cet art une discipline "friable et immédiate" qui permet de nombreuses choses. La poésie, quant à elle, est parfois chantée par ses proches. Les mots prennent une toute autre consistance.
Chaque semaine, Christophe Henning reçoit les auteurs des romans qu'il a sélectionnés pour une rencontre littéraire.
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