En 2022, on a célébré les 100 ans de la mort de Marcel Proust. Celui dont on a dit qu'il a révolutionné l'écriture romanesque suscite encore aujourd'hui une véritable passion. De quoi parle son célèbre roman "À la recherche du temps perdu" ? Qu'est-ce que ce "temps perdu" ?
Cent ans après sa mort, plus personne n’oserait aujourd’hui déclarer comme l'éditeur Paul Ollendorff, qui avaient refusé son manuscrit en 1912 : "Je suis peut-être bouché à l’émeri mais je ne puis comprendre qu’un monsieur puisse employer trente pages à décrire comment il se retourne dans son lit avant de trouver le sommeil." Le célèbre auteur de la "Recherche du temps perdu" suscite aujourd'hui un très fort engouement. Parmi les proustophiles ou les proustolâtres on trouve aussi bien de simples lecteurs que des exigeants amoureux de la littérature. Pourquoi aime-t-on tant l'œuvre de Marcel Proust ?
Écrit entre 1906 et 1922, "À la recherche du temps perdu" est une œuvre en sept volumes, qui compte près de 3000 pages. L'intrigue brasse près de 500 personnages... Jusqu’à sa mort, le 19 novembre 1822, Marcel Proust a travaillé à son "œuvre cathédrale", comme il l'apelait. Que d’autres appellent un océan. L'écrivain Charles Dantzig la compare à un océan, il est l'auteur de "Proust océan" (éd. Grasset, 2022).
Le narrateur personnage de la "Recherche" ne peut être confondu avec Proust. Le "je" n’est absolument pas Marcel Proust, insiste Sylvie Touchebœuf, "c’est clair et net", il y a de grandes différences entre le narrateur et Marcel Proust. Il n'en reste pas moins que la vocation littéraire est l'un des thèmes au cœur de ce roman fleuve. En témoignent les nombreux passages où le narrateur se fait critique littéraire, de Balzac, Racine, Flaubert…
S'il a mené une vie de mondanités, "cette vie mondaine n’a servi pour lui qu’à expérimenter, qu’à observer, et surtout, à accumuler des sensations", précise Sylvie Touchebœuf, agrégée de littérature, conférencière et passionnée par l'univers proustien. La vie de Marcel Proust a donc été entièrement tournée vers l'écriture.
Qu'est-ce que le temps perdu dont parle Proust ? Pour Sylvie Touchebœuf, c'est "ce qui peut empêcher la création littéraire". Par exemple les mondanités. "Même dans les dernières années de sa vie, Proust se rendait dans des dîners." Il parlait de "ces festins de barbare qu’on appelle dîners en ville". Une vie qui empêche de réfléchir, d’écrire... « Ce qui favorise en revanche la création ce sont ces moments hors du temps que Jean-Yves Tadié appelle des "extases temporelles". »
"Proust s’intéresse bien moins à l’action d’observer qu’à une certaine manière d’observer toute action. L’esprit humain se trouve replacé au centre du monde. L’objet du roman devient de décrire l’univers réfléchi et déformé par l’esprit." Cette formule d'André Maurois résume assez bien la nouveauté de l'écriture de Proust. On a même dit qu'il avait révolutionné l’écriture romanesque. Pour Sylvie Touchebœuf, dans la "Recherche", "c’est l’esprit qui est au centre et qui, du coup, en décrivant le monde est amené à le déformer. Or, on sait que c’est l’essence même du romanesque que de métamorphoser le réel."
Le narrateur a dans la Recherche un statut complexe, il varie assez souvent. Ce narrateur personnage est à la fin de sa vie et la raconte. « Il donne la parole à des "je" intermédiaires. L’enfant qu’il était est susceptible de se rappeler, l’adolescent, le jeune homme… » Il y a "plusieurs moi au cours du temps qui mêlent plusieurs couches de passé". Lire la "Recherche" c'est se retrouver quelque peu pris par ce vertige du temps. Mais "ce vertige est parfois délicieux, surtout quand on relit l’ouvrage !"
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