Federico Fellini disparaissait, il y a 30 ans, le 31 octobre 1993 et laissait quantité de chefs-d’œuvre à la postérité. De La Dolce vita aux Nuits de Cabiria, de La Strada à Amarcord, c’est un cinéma à nul autre pareil que léguait le plus célèbre des cinéastes italiens. Un cinéma où plane la musique de Nino Rota, le complice, l'ami fidèle pendant plus de 25 ans. Retour en huit films.
1953. Les Vitelloni est le deuxième film dans la carrière de Fellini qui en situe l’action à Rimini, sa ville natale. Il y dépeint le portrait d’une jeunesse provinciale désinvolte et bohème au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, magnifiquement accompagné par la grande partition de Nino Rota qui oscille entre le flonflon et l’opéra. Car Nino Rota eut comme professeur Toscanini, qui lui-même était un proche de Puccini. Et d’une certaine manière, Nino Rota, c’est une façon de réactualiser une tradition tragique du bel canto italien en lui donnant une gaieté particulière. En tout cas, la tonalité du cinéma de Fellini se situe précisément là entre le cirque, le cocasse, le carnaval et une mélancolie assez dense.
Ce que je crois? Je crois à ce qui m'émerveille
Dans La Strada en 1954, la quintessence de Fellini est là dans ce troisième film du cinéaste. Quatre si l’on compte la collaboration avec Alberto Lattuada en 1950 pour Les Feux du music-hall. La plupart des thèmes felliniens sont présents : le monde des saltimbanques, le petit peuple, la rédemption et la figure féminine mythifiée, ici, par Giuletta Masina, épouse du Maestro. Une magnifique Gelsomina, oiseau perdu des faubourgs déshérités, transformée au fil des épreuves en sainte christique aux côtés de la brute Zampano. Choc visuel et cinéphilique à sa sortie, La Strada décrochera en 1957 l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.
Nino Rota a rencontré Fellini cinq ans avant Les Nuits de Cabiria en 1952 et adopté d’emblée ce personnage grandiloquent et excentrique qui veut, lui dit-il, filmer la musique. Durant plus de 25 ans, leur complicité sera marquée du sceau de l’amitié et de l’excellence. Les Nuits de Cabiria vaut à Fellini un second Oscar. Quant à Giuletta Masina, Cannes la consacre à 36 ans par un prix d’interprétation tellement mérité pour son rôle d’une jeune Romaine trop pure, trop candide, dupée par les hommes et trahie par celui qu'elle aime. Deuxième grand rôle de Giuletta Masina, actrice totale, indissociable du cinéma fellinien.
Marcello. Le cher, le parfait, Marcello Mastroianni : l'ami fidèle, dévoué, sage, un ami tel qu'on en trouve seulement dans les romans des écrivains anglais
Si Magali Noël fut à une époque l’idéal féminin de Fellini, un acteur incarne, lui, son idéal masculin. On peut même parler de double de cinéma au sujet de Marcello Mastroianni qui faillit bien pourtant ne jamais avoir le rôle principal dans La Dolce vita. Dino de Laurentiis, en effet, le producteur du film, voulant à tout prix que le rôle soit incarné par Paul Newman. Mais l’histoire en décida autrement. Tout sauf un film romantique et léger, La Dolce vita est en 1960 au contraire un réquisitoire implacable contre une société mondaine qui ne cherche qu'à s'étourdir dans l'alcool et les plaisirs. A travers les déambulations nocturnes de Marcello Rubini, un chroniqueur mondain avide de scoops à sensations, le spectateur plonge au cœur des moeurs d’une bourgeoise oisive et débauchée, dont l’épicentre est la célèbre via Veneto de Rome. Le film est auréolé à sa sortie par un parfum de scandale. Il est interdit aux moins de 18 ans en Italie et aussi en France et le Vatican. Il faut dire qu’il renferme quelques scènes qui ont depuis marqué l’histoire du cinéma comme celle de la fontaine de Trevi où une Anita Ekberg, d’une incroyable lascivité, entraîne dans les eaux limoneuses un Marcello Mastroianni brûlant de désir.
C’est chez Luchino Visconti, non pas au cinéma mais au théâtre, que Federico Fellini repéra Marcello Mastroianni. Fellini avait tout de suite apprécié la discrétion et l’élégance alliées à une grande beauté du Romain. Mais un acteur n’est vraiment crédible que s’il possède aussi des zones d’ombre. Ainsi disait-il : « Ce n’est pas un acteur au sens restrictif du mot mais au sens noble de disponibilité, d’ouverture, de capacité de recevoir... Il n’a rien de cette fastidieuse mythologie de l’acteur qui pour jouer un aveugle se bande les yeux pendant un mois ". Avec 8 ½, Fellini allait trouver son double au point de le grimer au plus près de lui-même, avec lunettes, manteau et chapeau noirs. Autant une mise en abyme du métier de cinéaste qu’une fable désenchantée, considéré comme son chef-d’œuvre absolu et l’œuvre la plus intime du cinéaste italien, Otto e mezzo dans son titre original, oscille entre songes et réalité en permanence. Sa scène finale, quant à elle, renvoie au monde des saltimbanques que Fellini affectionne tant et se conclut dans une folle farandole menée par un Monsieur Loyal d’âge mur au visage de clown triste.
Chez Fellini, les femmes tiennent une place de choix à commencer par les actrices françaises dont Magali Noël, inoubliable Gradisca dans Amarcord. Nous sommes en 1976 et grâce au film, Federico Fellini vient de décrocher, un an auparavant, son 4e Oscar à Hollywood. Amarcord évoque la prime jeunesse du cinéaste en Emilie Romagne. La chronique d'une adolescence turbulente dans une Italie fasciste où règne la méfiance. Une recherche pittoresque et attendrissante du temps perdu magnifiée par une imagination truculente et poétique.
Il n’y a pas de fin. Il n’y a pas de début. Il n’y a que la passion infinie de la vie
On a coutume de dire qu’il y a deux Fellini et deux carrières chez le Romain. Un avant et un après. L’après se situant à la suite de la Dolce vita. Certains n’aiment que la première partie de carrière. Celle des plus grands succès néoréalistes. D’autres préfèrent l’après. Le Fellini baroque, excentrique, qui casse les codes. A ce titre, Le Casanova de Fellini en 1976 en est un beau condensé. C'est en lisant les mémoires de Casanova que naquit une détestation profonde du cinéaste pour le libertin vénitien, jugé vaniteux et superficiel. Avec l'aide de Bernardino Zapponi, son fidèle scénariste, Fellini ne retient que la déchéance du plus grand séducteur de tous les temps, interprété par un Donald Sutherland enlaidi à souhait.
20 ans après Juliette des esprits, Ginger et Fred signe les retrouvailles au cinéma avec Giuletta Masina. Cette fois, c’est Nicola Piovani qui est à la baguette, lui qui écrira les musiques des trois derniers films du Maestro. Ginger et Fred se veut une réflexion sur la vieillesse doublée d'une critique en règle de la télévision de Silvio Berlusconi que Fellini tient pour responsable d’avoir tué le cinéma à partir du début des années 80. Quand deux anciens danseurs de claquettes reviennent quarante ans après leurs débuts à la télévision, tout a changé. La société a changé. Rome a changé. Giulietta Masina et sa bouille lunaire découvre en débarquant du train une ville où on ne voit rien si ce n'est d'immenses piles de détritus et des posters publicitaires géants vantant de la viande. Les femmes sont tout en chair et les rondelles de saucissons s’affichent en vitrine. La télévision est omniprésente, dans tous les recoins du décor. Un monde grisâtre, miteux, parsemé de néons flashy qui arrachent à l'obscurité quelques échappées de couleurs fluo et de paillettes.
"La Symphonie du cinéma", une émission de Fabien Genest pour voyager dans l'univers des musiques de films.
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