Alors qu'à Valence les inondations ont causé un drame humain et matériel, Jean Pruvost revient sur l'histoire du mot "cataclysme".
Dans la nuit du mardi 29 au mercredi 30 octobre dernier, des pluies diluviennes se sont abattues sur le sud-est de l’Espagne, touchant notamment la ville de Valence, avec un bilan humain effroyable. On compte aujourd’hui plus de 200 personnes portées disparues, toutes n’ayant pas encore été retrouvées et, hier, étaient encore annoncées de fortes précipitations faisant redouter une nouvelle catastrophe.
Aussi, le mot de la semaine est le mot « cataclysme ». En effet devant pareille tragédie avec des images insoutenables de voitures dérivant au fil des eaux déchaînées s’engouffrant dans les avenues de Valence, avec des personnes parfois prisonnières de leur voiture, tout cela appelle les mots les plus effrayants et « cataclysme » est de ceux-là. C’est même étymologiquement le mot le plus approprié. « Cataclysme » – avec un y, cette précision s’imposant parce qu’avant 1553 il s’écrivait avec un simple « i » – est comme on s’en doute d’origine grecque et latine. En grec en effet « kataklusmos » signifie « inondation », le mot étant construit avec la racine « cata » signifiant « en-dessous », « contre », associée au mot « klusmos », « mouillé ». Le grec « kataklusmos » est ensuite passé en latin, « cataclysmus », prenant au passage un « y », et désignant nettement le déluge, mais aussi par analogie une totale destruction. C’est au XVI e siècle que le mot entrait en langue française, souvent qualifié de « grand cataclysme », pour évoquer le déluge biblique. « Avant le général cataclisme advenu du temps de Noé » lit-on dans un texte du début du XVI e siècle, signalé par Littré. Perçu comme un terme précis, d’origine savante, il entre tardivement dans les dictionnaires, l’Académie ne l’accueille que dans la cinquième édition de son dictionnaire, en 1798, avec cette définition lapidaire : « Cataclysme : Terme didactique. Grande inondation », « didactique » signifiant « scolaire », « savant ».
Dès le départ y est associé l’idée de destruction, mais il est vrai une destruction notoirement associée à l’action de l’eau. En vérité, c’est surtout au XIX e siècle que le sens s’élargit à toute autre catastrophe naturelle, par exemple celles dues au volcanisme, et puis par analogie à tout bouleversement grave. C’est notamment dans la septième édition du Dictionnaire de l’Académie, parue en 1878 que le mot « cataclysme » est défini avec son sens figuré : « Cataclysme : ne grande inondation et particulièrement un déluge universel ou un déluge partiel » et il est ajouté qu’« il s’emploie au figuré pour désigner un grand bouleversement dans un État ». D’évidence alors les Académiciens n’apprécient guère la Révolution si on en juge à l’exemple donné : « Cette révolution fut un cataclysme », avec un autre exemple tout aussi direct : « L’invasion des barbares dans l’empire romain fut un cataclysme. » Il faut noter qu’en 1935, l’Académie fera passer le tremblement de terre avant l’inondation en tant que « cataclysme » ainsi défini : « Bouleversement physique produit par un tremblement de terre, une inondation, etc. ». En fait, on ne voudrait retenir que le sens figuré donné par le Grand Robert, le seul sens acceptable, « cataclysme » désignant alors les dégâts causés par « une personne agitée maladroite, avec cet exemple : « Ce gosse est un vrai cataclysme ». Eh bien que les cataclysmes se limitent à ceux de nos bambins, même ceux causés dans un magasin de porcelaine. Tout sauf Valence !
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