Le changement d'heure est un passage obligé du mois d'octobre. C'est l'occasion pour le lexicologue Jean Pruvost de s'intéresser au mot "heure" et à son histoire.
Nous avons changé d’heure entre ce samedi et hier dimanche, avec donc notre arrivée dans ce que l’on appelle « l’heure d’hiver ». À nous de remettre les pendules à l’heure ! C'est tout naturellement qu'il faut analyser le mot "heure".
Chaque fois que j’évoque ce sujet, je me remémore un verbe ancien, « désheurer », attesté dans
les Mémoires du Cardinal de Retz en 1679. Et de fait on trouve bel et bien le verbe « désheurer » dans le Dictionnaire de l’Académie française, mais assez tardivement, en 1798 avec cette définition précise :
« Déranger les heures ordinaires des occupations » suivie d’exemples éloquents, « Je crains de vous
désheurer », ou encore : « Cette visite me désheure ». On précise alors qu’il s’agit d’un « style familier » et en 1835, on ajoute un usage particulier : « une pendule désheurée qui sonne une heure autre que celle que marque l’aiguille. » Voilà qui est en effet dérangeant. Cela étant au moment du changement d’heure
saisonnier, aucun doute on est bien « désheuré » au sens familier de l’époque, c’est-à-dire dérangé dans son horaire coutumier.
Le mot "heure" vient du latin « hora » avec un « h », mais ce mot latin venait lui-même du grec « hôra » avec ce même « h », désignant déjà une « période de temps ». Consulter au reste la première édition du Dictionnaire de l’Académie française ne manque pas de charme pour le mot « heure », même si la définition première est bien la même, la « vingt-quatriesme partie du jour naturel » se divisant « en soixante minutes ». S’ajoutent en effet à l’époque toute une série d’expressions parfois un peu oubliées. Par exemple, on disait qu’« une chose a donné de mauvaises heures à quelqu’un, pour dire qu’elle luy a donné beaucoup de chagrin ». Ou encore : « On dit à un homme qui arrive tard en un lieu où on l’attend : Vous venez à la belle heure, il est belle heure pour venir », évidemment sur un ton narquois. Enfin, en termes de galanterie, « l’heure du berger », correspondait au « moment favorable auprès des Dames. » Les amoureux, soyez à la bonne heure ! En fait, il s’agissait de la légende d’Endymion, un berger qui dormait la nuit et qui était aimé par la lune. L’heure du Berger désigne donc le moment où la nuit tombe. Rappelons que c’est aussi le titre en 1866 d’un des Poèmes saturniens de Verlaine, avec ces derniers vers « …le zénith s’emplit de lueurs sourdes. Blanche, Vénus émerge, et c’est la Nuit », poème que ne pouvaient évidemment pas connaître les Académiciens du XVII e siècle…
Dès le XVII e siècle voici ce que signalaient nos lexicographes : « Heures, se dit au pluriel d’un livre de prières, qui se récitent ordinairement selon les diverses heures du jour. » D’où des formules telles que « Heures bien reliées, de belles heures, acheter des heures, heures en François, …en latin ». Sans oublier ce qu’on appelait les « heures canoniales » définies comme les « diverses parties du Bréviaire que l’Église a coustume de réciter, selon les diverses heures du jour ». Enfin, dans ce contexte existaient « les petites heures » : la « Prime, Tierce, Sexte; None ? », en gros 6, 9, 12, 15 heures. Et pour conclure je repérais ce matin dans un dessin humoristique un homme demandant sans finesse à un autre, « Dis… c’est quand qu’on change d’heure » et l’autre de répondre, « Ben, dans soixante minutes, gros benêt !
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