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Le mot de la semaine : "Otage", par Jean Pruvost

Un article rédigé par Jean Pruvost - RCF, le 7 octobre 2024 - Modifié le 7 octobre 2024
Le mot de la semaineLe mot de la semaine : "Otage", par Jean Pruvost

LE MOT DE LA SEMAINE - Dans une actualité marquée par les événements au Proche-Orient, Jean Pruvost revient sur l'étymologie du mot "otage". De l'Antiquité à nos jours la condition d'otage a évolué, souvent pour le pire.

Jean Pruvost © Pascal HausherrJean Pruvost © Pascal Hausherr

Aujourd’hui est une journée qui marque un triste anniversaire, celui de la prise d’otages israéliens par le Hamas le 7 octobre 2023 avec de nombreuses victimes, acte effrayant qui a depuis de lourdes conséquences avec des otages qui sont encore aux mains du Hamas.

Et Jean, je crois que vous aviez prévu de nous parler de l’automne, mais l’automne est à peine commencé, et vous avez choisi de nous évoquer le mot « otage » qui a une histoire à la fois terrible et assez singulière.

En effet, Pierre-Hugues, et c’est de fait à peine si on ose l’exprimer, tant la notion d’otage est révoltante,
mais le mot « otage » a paradoxalement une belle origine étymologique puisqu’il est associé à l’ « hôte », du latin « hospes », celui qui offre l’hospitalité ou bien qui la reçoit, il est donc de la même famille que le mot « hôtel » et « hôtelier ». Drôle d’« hôtel » en fait, celui dans lequel vous êtes embarqué de force, emprisonné violemment, et drôle d’ « hôtelier » qui rime avec « geôlier » celui qui vous garde prisonnier. L’otage, hélas un mot très ancien puisqu’on le trouve déjà dans la « Chanson de Roland » au XII e siècle, est donc à l’origine un « hôte » par le fait même qu’il est logé auprès de celui à qui il a été envoyé. En fait, l’« ostage », avec ou sans « h » a même désigné un logement, comme l’ « hôtel », ou le bail d’une maison. On le constate, les origines du mot « otage » sont délicates, alors que la réalité est insupportable.

En fait, quand le mot apparaît en, il fait déjà partie de pratiques hélas établies…

Il est déjà présent en effet en 1080 dans la « Chanson de Roland », donc, au Moyen Âge et bien sûr sous l’Antiquité, et il faut bien l’avouer, c’est en permanence que la prise d’otage était associée aux conflits, à la guerre. Froissart qui se fit le chroniqueur de la Guerre de Cent ans, en fait ainsi part sans état d’âme : « Les Gantois [les habitants de Gand] avoient […] de Bruges pris bons ostages. » On lira encore au XVI e s, par Monsieur Du Bell « …fut baillé – c’est-à- dire donné – audit roy d’Angleterre huit gentils-hommes pour tenir hostages [orthographiés donc avec un h] jusques au payement de ladite somme… » Cela étant, il importe de dissocier, d’une part, la situation de guerre où, en garantie d’un accord, une personne pour ainsi dire consentante était livrée le temps des tractations, ainsi François I er accepta-t-il le traité de Madrid en donnant ses deux fils en otage à son ennemi, otages évidemment très bien traités. Et d’autre part, la personne dont on s’est emparée comme moyen de chantage, pensons aux otages pris par les forces allemandes pendant la Résistance, ou au cours d’un hold-up qui
tourne mal, enfin, aujourd’hui, en soulevant la réprobation internationale, aux otages pris au nom de
positions politiques. Il y eut aussi naguère une formule effrayante concernant une « loi des otages ».

On croit toujours que le mot « loi » est associé à une forme de justice, mais alors là on est interloqué. De quoi s’agit-il en fait ?

Eh bien, ladite loi est une formule qui a été en vigueur pendant la Révolution française, sous le Directoire, et elle stipulait que les Parents des Émigrés étaient responsables de la fuite et des complots de ceux-ci. On a également appelé Loi des otages, l’attitude consistant au cours de la même période à exposer au feu de l’ennemi quatre des plus notables parmi les partisans de la Chouannerie, dès que les Chouans avaient tué un Bleu, soldat de la République. Difficile de conclure légèrement sur ce sujet. On dira seulement que la seule prise d’otage acceptable est celle métaphorique que deux amoureux échangent. « Je suis ton otage » disent- ils ensemble ! « La belle inhumaine », selon la formule de Racine, m’a pris en otage. C’est le seul cas acceptable.

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