LE MOT DE LA SEMAINE - Cette semaine Jean Pruvost nous retrace les étymologies des mots "escalade" et "désescalade". Ces deux antonymes sont malheureusement de plus en plus présents dans les médias au vu de la situation au Proche-Orient et c'est donc l'occasion qu'ils n'ont pas toujours été synonymes de conflit.
Les conflits du Proche-Orient sont hélas au cœur de l’actualité et deux termes de sens opposés reviennent constamment dans les propos concernant la situation, le premier étant l’« escalade » du conflit et le second la « désescalade » ardemment souhaitée.
En effet, s’agissant du mot « escalade », attesté en français en 1456, ou du mot « désescalade » qui en est issu, apparu en 1960, l’origine très concrète qui se devine encore en est souvent oubliée, mais la mémoire revient en lisant la première définition de l’escalade dans le Dictionnaire françois de Richelet publié en 1680. « Escalade », écrit-il, « c’est monter avec des échelles doubles sur les murailles d’une ville pour entrer dans la ville à main armée », ce que confirme l’Académie en 1694 : « Escalade… Assaut que l’on donne avec des eschelles. » Et si l’on veut oublier les assauts meurtriers, on lira en souriant l’exemple donné par Furetière en 1690 dans son Dictionnaire universel : « Cet amant a escaladé les murs de ce couvent pour enlever sa maîtresse. » On ne dit d’ailleurs pas s’il a réussi. Enfin, rejoignons vite Jean-Christophe Rufin pour bénéficier des bienfaits de l’escalade en montagne. Il a fallu cependant attendre 1816 et le Journal de Maine de Biran pour que le mot « escalade » soit
évoqué dans ce domaine. Rappelons que ledit philosophe aimait le sain contact avec la nature. Et, au passage, pour tous les amoureux de la montagne, il faut absolument lire, de Jean-Christophe Rufin, parus en 2021, Montagnes humaines et son magnifique roman Les Flammes de pierre, édité chez Gallimard.
En effet, au départ, c’est bien le latin « scala », l’échelle, qui va donner vers 1150 le mot français « eschale » et ce que l’on sait moins, c’est qu’a existé régionalement le verbe « écheler », désignant bien le fait tout d’abord d’escalader quelque chose à l’aide d’une échelle puis de « grimper », comme on peut le lire chez Giono qui met en scène, dans Que ma joie demeure en 1935, une jument « qui échela péniblement le talus et prit à travers champs un petit pas », belle image ! De fait, le mot « escalade » est d’origine provençale, avec de bien jolis usages. Hélas cela va se gâter en passant par l’Angleterre…
Eh bien parce que, apparu vers le début de la décennie 1960-1970, en partant de l’anglais « escalation », est né un nouveau sens du mot « escalade » correspondant au fait de gravir des échelons inquiétants dans le cadre de mesures militaires ou diplomatiques. Ainsi a-t-on pu évoquer « l’escalade américaine au Viêt-Nam », puis aussi un peu plus tard « l’escalade de la violence »…
En effet, c’est un mot apparu vers 1960, désignant un retour au calme dans les domaines militaires et
diplomatiques. Mais aussi, en montagne… la technique de descente consistant à prendre appui sur la paroi avec les pieds et les mains. Rappelons qu’en montagne, la désescalade n’est pas à prendre à la légère. Alors, pour terminer de manière heureuse, allons à la chasse aux anagrammes, quelle est l’anagramme du verbe « escalader » ? Eh bien il y en a deux : « décaleras », et « délaceras »,et dans les deux cas ça va dans le bon sens : « décalons » en effet les mauvaises décisions et « délaçons » le plus possible les nœuds politiques… Bon, je pars maintenant escalader la montagne Sainte-Geneviève, celle-là est à ma portée. N’est pas Jean-Christophe Rufin qui veut !
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