Paris
Le fameux stade Geoffroy-Guichard, l’antre des verts, le bouillonnant « chaudron » dont la température explosait lorsque les défenses adverses étaient enfoncées et que le but était marqué ! Lieu de mémoire et de jubilation pour tant de français dont les premiers émois sportifs ont été ensemencés sur cette pelouse du Forez, en ce stade, qui est peut-être, pour beaucoup, une église !
Je me lance dans un exercice un peu baroque, de vagabondage entre le stade et l’église, la chapelle et l’arena… Les supporters se sont endimanchés et se sont pressés pour ne pas arriver en retard. Ils chantent déjà à gorge déployée, tels des pèlerins impatients de rejoindre le sanctuaire. A l’entrée du stade, Ils s’écartent pour laisser passer les officiants, qui sortent du car. Les joueurs fendent la foule, tel Moïse traversant la Mer Rouge. Ils sont concentrés, le regard tendu vers un au-delà qui les absorbe. Protégés et séparés, Les champions iront dans cet espace qui leur réservé, près du sanctuaire.
Certains appellent cet espace la sacristie, d’autres les vestiaires. On s’y prépare uniquement avec ceux qui y ont accès, les joueurs, ministres ordonnés ou sélectionnés. Les plus jeunes seront servants d’autel, d’autres ramasseurs de balle, pour redonner vie au jeu.
L’heure du coup d’envoi approche, il est temps d’entrer en procession et d’ouvrir la célébration. Une liturgie codifiée s’y déploie, unissant fidèles et prêtres, dans cette chorégraphie pour initiés. Les hommes en noir s’agitent. Ils sont célébrants ou arbitres. Tout à l’heure, la coupe sera levée, présentée aux fidèles comme aux supporters, et accueillir leur déférence.
Les gradins du stade entourent une pelouse, l’espace sacré du jeu, une zone d’extra-territorialité. La loi du football s’y applique pour y inclure les officiants. Les fidèles se font face, célébrant les exploits des athlètes, gladiateurs placés au cœur de l’arène, pour y être loués ou hués, après s’y être livrés. Dans un stade ou une arena, l’homme est au centre du jeu, au milieu de ce rond central, et le stade, telle une toupie, l’entoure et le célèbre. Le centre du centre est son nombril. On y célèbre le champion, l’artiste, l’homme roi au risque de l’homme qui se fait glorieux comme Dieu par démesure…
Un vieux moine me rappelait récemment qu’au contraire, l’église dans son architecture, est une embarcation, tournée vers le soleil levant, accueillant la lumière qui éclaire les vitraux. Le mouvement est orienté, c’est-à-dire tendu vers l’Orient, ce lieu de la Résurrection. Le peuple est tourné ensemble, il est embarqué pour célébrer son créateur et sauveur, il ne se célèbre pas. Le Pape François appelait récemment de ses vœux une Église décentrée. Nous y sommes ! Le fidèle, le supporter, se sait petit et serviteur, à genoux devant une réalité plus grande qui le dépasse. La perspective est autre : il est devant le Christ, Dieu qui s’est fait homme, par démesure d’amour….
Entre le stade et la cathédrale, le vestiaire et la sacristie, le geste juste et sportif de la semaine, sera un geste de dévotion tout simple, entrer dans une église, faire une belle génuflexion, allumer une bougie, et rendre grâce pour notre créateur, pour les merveilles que nous sommes. L’homme n’est jamais aussi grand que lorsqu’il est à genoux.
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