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Les décisions prises lors du concile de Nicée

Les décisions prises lors du concile de Nicée

Un article rédigé par Odile Riffaud - RCF, le 24 janvier 2025 - Modifié le 5 février 2025

Hasard du calendrier, en 2025, les Églises chrétiennes fêtent Pâques à la même date, l'année où elles célèbrent les 1700 ans du concile œcuménique de Nicée. Faut-il y voir un signe d'unité ? Que représente réellement le concile de Nicée dans l'histoire du christianisme et de ses relations avec les autres religions ? Retour sur les décisions prises lors du concile de Nicée et leurs conséquences.

Hasard du calendrier, en 2025, année des 1700 ans du concile de Nicée, les Églises chrétiennes fêtent Pâques à la même date ©Vatican MediaHasard du calendrier, en 2025, année des 1700 ans du concile de Nicée, les Églises chrétiennes fêtent Pâques à la même date ©Vatican Media

Ce qu'il faut retenir :

  • C'est l'empereur Constantin qui a convoqué le concile de Nicée et non les évêques
  • "Homoousia" est le terme issu de la philosophie adopté lors du concile de Nicée pour définir la nature divine de Jésus
  • À Nicée, la date de la fête chrétienne de Pâques a été modifiée pour la différencier de la Pâque juive

Deux cardinaux français - Mgr Jean-Marc Aveline et Mgr François-Xavier Bustillo - se sont rendus en Turquie autour de la mi-janvier, accompagnés d'une centaine de prêtres. Raison du voyage : les 1700 ans du concile de Nicée, "événement capital" pour le pape François. Parce qu'il concerne toutes les Églises chrétiennes, celles-ci se mobilisent à l’occasion de cet anniversaire. Le Conseil œcuménique des Églises (COE) organise en octobre 2025 une conférence mondiale sur le thème "Quels horizons pour l’unité visible ?". À l’université catholique de Lyon (Ucly) s’est tenu, du 20 au 21 janvier 2025, le premier "colloque œcuménique" sur Nicée. Intitulée "Célébrer le concile de Nicée ?", la rencontre a permis d’aborder le sujet sous ses différents angles - théologique, historique, ecclésial, œcuménique, etc. - et d’en percevoir toute la complexité. 

Du concile de Nicée, au IVe siècle, nous n’avons plus les actes. Nous savons toutefois qu’il a marqué un tournant dans l’histoire du christianisme et une étape essentielle dans la définition de la foi chrétienne. On lui doit en effet l’une des deux versions actuelles du credo ou encore le dogme de la divinité de Jésus, ainsi qu’une nouvelle date pour la fête de Pâques. Mais sait-on toutes les conséquences de ces décisions ? 1700 ans après, les chrétiens savent-ils définir la foi qui les anime ? Comme bien des conciles, Nicée a ouvert des chantiers. Il a aussi entériné des divisions durables, notamment entre juifs et chrétiens.

Célébrer l’œcuménisme ?

La ville de Nicée (l'actuelle ville turque d'Iznik) a accueilli le premier concile dit "œcuménique". Au sens antique, le terme désigne une vocation à l’universalité. Il n’a pas le sens qu’on lui donne aujourd’hui pour qualifier le dialogue entre chrétiens. C’est après la tenue du concile, autour de 340, qu’Eusèbe de Césarée a, le premier, déclaré le concile "œcuménique", terme repris ensuite par Athanase d’Alexandrie. Sous sa plume, "le concile œcuménique représente l’Église universelle, écrit Bernard Meunier, le reste n’est que déviance."*

Célébrer Nicée est-ce célébrer le dialogue entre chrétiens ? Convoqué pour mettre fin à l’arianisme condamné comme hérésie, le concile a laissé place à la "crise arienne" qui durera jusqu’au concile de Constantinople, en 321. Sur cette crise se sont greffées des oppositions entre latins et orientaux. Si c'est un empereur du monde latin qui a décidé la tenue du concile, la grande majorité des évêques présents étaient des orientaux. La période qui va de 325 à 321 - au cours de laquelle environ quarante conciles se sont tenus - est une période complexe, marquée aussi bien par des "discussions ou malentendus entre Grecs et latins" et "parfois entre Grecs mêmes"*.

Bernard Meunier souligne qu’au IVe siècle, beaucoup d’évêques, surtout orientaux, ont rejeté le Symbole de Nicée. En particulier à cause de ce mot nouveau introduit lors du concile : "homoousios", emprunté à la philosophie néoplatonicienne et au gnosticisme. Gnosticisme qui compte pourtant parmi les doctrines jugées hérétiques.

 

Savoir dire la foi chrétienne en 2025

Cité dans le Symbole de Nicée, "homoousios" est un mot savant difficile à définir. Il vient du grec "homo" pour "même" et "ousia" qui veut dire "nature"... ou  "substance" ? Entre 1964 et 2021, on traduisait par "de même nature". Désormais on dit que Jésus est "consubstantiel au Père" : la nature n’est donc pas exactement la substance… Mais qui sait expliquer la différence entre substance, nature et personne - du moins parmi les fidèles qui n’ont pas de notions pointues en théologie, voire en philosophie ? Comment dire en milieu chrétien qui est Dieu et comment il se manifeste ?

Les différentes traditions religieuses ont tenté d'expliquer, chacune à leur façon, comment la transcendance se manifeste à l'humanité. Quelles différences entre les hypostases chrétiennes et les avatârs de l’hindouisme ? Entre le logos chrétien et le tao ? Peut-on comparer Jésus à Bouddha ? "Le pluralisme religieux actuel exige que chaque religion puisse rendre compte de se doctrines", a déclaré le Père Michel Fédou, intervenu lors du colloque de l'Ucly.

Le dogme de la nature divine de Jésus, établi à Nicée, ne peut relever du polythéisme, a souligné le jésuite. Il doit au contraire être compris comme une "radicalisation de l’affirmation monothéiste", d'après le théologien allemand Karl Rahner. Si Nicée a permis au christianisme d'affirmer sa singularité, la question de Jésus dans les évangiles "Pour vous qui suis-je ?" est plus que jamais adressée aux chrétiens. Comme le dit Michel Fédou, "une explication de la foi chrétienne est nécessaire en 2025".

 

Juifs et chrétiens : à Nicée la séparation est "consommée"

"L’angle mort" du Symbole de Nicée-Constantinople, c’est l’omission de la première Alliance, a souligné Mgr Étienne Vetö, évêque accompagnateur des relations avec le judaïsme pour la Conférence des évêques de France. Peut-on affirmer la foi chrétienne sans faire référence à la première Alliance, c’est-à-dire au judaïsme ? Jean-Paul II l’a affirmé en 1980 à Mayence, "l’ancienne Alliance… n’a jamais été dénoncée par Dieu."** Faut-il donc réécrire le credo ? "Le Symbole ne dit pas tout de la foi", a rappelé Mgr Vetö.

Où en étaient les relations entre juifs et chrétiens au IVe siècle ? Pour l’historien Dan Jaffé, les élites juives et chrétiennes ont manifesté dès le IIe siècle "une volonté de distanciation" réciproque. "Avec Nicée, dit-il, la séparation est bien consommée." C’est aussi lors du concile de 325 que la date de la fête de Pâques chrétienne a été modifiée pour la différencier de la Pâque juive.

L’hérésiologie est apparue dès le IIe siècle au sein du christianisme. "Avec ce concile et les grandes querelles théologiques, et avec cette orthodoxisation du christianisme, explique Dan Jaffé, on va repousser les juifs en les considérant d’une part comme des hérétiques, mais en les considérant également souvent comme des suppôts du diable parce que l’on va vouloir définir ce que l’on est en obérant les origines juives du christianisme." Constantin, l’initiateur du concile, aurait déclaré : "Nous ne devrions rien avoir en commun avec les juifs." Des propos rapportés par Eusèbe de Césarée, dont les historiens doutent de la fiabilité. Il ne faut cependant pas négliger l’importance du rôle de Constantin dans la tenue du concile.

 

Nicée et la stratégie politique de Constantin

Premier concile convoqué par un empereur, Nicée s’est déroulé non pas dans une basilique mais dans un bâtiment impérial. Le choix de la ville, doit beaucoup à son nom - Nikaia ou Niké - qui, en grec, signifie la victoire. De quoi séduire Constantin, alors en quête de légitimité et désireux de rétablir la paix religieuse dans l’Empire.

Les sources ont permis d'établir que les pères conciliaires se sont vus offrir par l'empereur des banquets et des cadeaux. Pour l’historienne Claire Fauchon-Claudon, maîtresse de conférence à l’ENS-Lyon, cela peut être compris comme le signe d’une imbrication des pouvoirs religieux et politique. En tout cas "un acte d’évergétisme ou de patronage" de la part de Constantin, "qui oblige les évêques". "Nicée représente un point de bascule non pas dans l’histoire ou l’organisation des conciles, selon Claire Fauchon-Claudon, mais dans l’imbrication du politique et du religieux."

Où en est du "modèle constantinien" ? Nicée ouvre la voie à la question toujours posée de celle des rapports entre religion et politique. Comme l’a dit le dominicain Jacques-Benoît Rauscher à l'Ucly, le concile Vatican II a conduit à un "rejet partiel et inabouti" d'un modèle qui imbrique étroitement politique et religieux. 

 


* Bernard Meunier, "Les premiers conciles de l'Église - Un ministère d'unité", éd. Profac, 2003

** Jean-Paul II, "Discours aux représentants de la communauté juive de Mayence" du 17 novembre 1980, "Une fraternité retrouvée - L’Église et le judaïsme", éd. Bayard / Cerf / Mame, 2022

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