Il est l’un des personnages centraux de la Passion du Christ : le juge Ponce Pilate doit d’ailleurs sa notoriété au rôle qu’il a joué dans le procès de Jésus. Mais qui est-il vraiment ? Est-il le juge implacable qu’on décrit ou est-ce plus nuancé que cela ? En ce Vendredi Saint, ces questions revêtent un sens particulier. Voici des éléments de réponses.
"A souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort, a été enseveli". Cette phrase issue de la Profession de foi des catholiques est lourde de sens. Elle suppose déjà que Ponce Pilate est à l’origine des souffrances de Jésus, et elle acte le début de la Passion avec la crucifixion et la mort qui suivent. Pourquoi donc donner tant d’importance à Ponce Pilate, quel rôle a-t-il vraiment joué dans le procès de Jésus et dans la mort de celui-ci ?
Avant de s’interroger sur sa responsabilité dans le procès de Jésus, il est utile de faire une rapide biographie de Ponce Pilate. Il était procurateur romain de Judée. Dans la Rome antique, le terme procurateur désigne un fonctionnaire impérial choisi par l’empereur (Auguste à l’époque de Jésus), chargé de l’administration d’'une province impériale ou d'un grand service.
Ce préfet, si on peut dire, est souvent associé à un massacre, celui des Samaritains rassemblés pacifiquement pour manifester sur le mont Garizim. Ces derniers réagissaient au fait que Pilate, vénal, avait pris l’argent du temple (qui était un lieu de culte, mais aussi une sorte de banque) pour construire un aqueduc. Cet épisode va provoquer une émeute. Émeute que Ponce Pilate va réprimer lourdement en envoyant "des soldats qui tombent sur eux. Au cours du combat, il fait mettre à mort un certain nombre de leurs chefs et fait emprisonner de nombreuses personnes", raconte le père Jean-Pierre Houillon, dans le podcast Jésus en son temps.
Cet épisode présente donc Ponce Pilate comme un gouverneur brutal et implacable. L’histoire raconte que ce massacre lui a valu d’être convoqué à Rome, pour s’expliquer avec l’Empereur.
Mais c’est bel et bien son rôle dans le procès de Jésus qui confère une notoriété exceptionnelle à ce simple gouverneur de province. Pourtant, son implication dans son procès reste floue ; les interprétations n’étant pas tout à fait les mêmes selon les Évangiles.
Condamné dans la nuit pour blasphème par le Sanhédrin juif, c’est-à-dire un tribunal suprême, Jésus est présenté devant Ponce Pilate au petit matin. En effet, c’est le seul à pouvoir infliger la peine de mort ou non. D’après l’Évangile de Marc, ce jugement se fait assez rapidement. Ponce Pilate demande à Jésus s’il est le roi des juifs. En le présentant comme un malfaiteur qui prétend à la dignité royale (crime passible de peine de mort à l’époque), Ponce Pilate fait de ce procès, "un procès politique" plus que religieux, selon le Père Edouard Cothenet. Ponce Pilate le met d’ailleurs au même rang que Barabbas, présenté comme un dissident. Dans l’Évangile de Marc, c’est finalement la foule qui l’emporte en choisissant de relâcher Barabbas.
Pour Pilate, ce n'est pas un procès religieux, c’est un procès politique
Pour Matthieu, Ponce Pilate n’aurait pas pris la décision de condamner Jésus de manière si hâtive. Le gouverneur aurait même douté, suite au songe fait par sa femme Claudia Procula. Cette dernière lui aurait dit de ne pas condamner Jésus, ce qui l’embarrassa un instant. Mais très vite, c’est la foule qui trancha : " Pilate, voyant qu'il ne gagnait rien, mais que le tumulte augmentait, prit de l'eau, se lava les mains en présence de la foule, et dit: ‘Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous regarde’. Et tout le peuple répondit: Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!" (Matthieu, 27, 24-25)
Dans l’Évangile de Saint-Luc, Jésus est accusé de refuser de payer l’impôt et de semer le trouble en Galilée. Or, "Pilate est sensible à ce type de motifs", selon le père Édouard Cothenet. Tout comme Jean, Luc relate l’interrogatoire que fait Ponce Pilate. Une façon d’insister sur sa probité de juge impartial, soucieux de mener sa propre enquête. "Pilate n’est pas dupe puisqu’il reconnaît l’innocence de Jésus", note le chroniqueur de RCF, qui ajoute que c’est "sur la pression du peuple qu’il va libérer Barabbas et condamner Jésus".
Pilate n’est pas dupe puisqu’il reconnaît l’innocence de Jésus
Un juge désireux de mener sa propre enquête mais influençable donc. L’Évangile de Saint-Jean montre davantage la position favorable de Ponce Pilate envers Jésus : "Quand ils le virent, les grands prêtres et les gardes se mirent à crier : 'Crucifie-le ! Crucifie-le !' Pilate leur dit : 'Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le ; moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation'." (JN, 19, 06). Puis plus tard, au verset 12, Jean insiste sur la pression exercée par la foule : "Dès lors, Pilate cherchait à le relâcher ; mais des Juifs se mirent à crier : 'Si tu le relâches, tu n’es pas un ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur'".
Aujourd'hui, en allusion à l'Évangile de Matthieu, Ponce Pilate a donné lieu à l'expression "se laver les mains", qui signifie décliner toute responsabilité dans une affaire.
On dit aussi d'un Ponce Pilate, qu'il est une "personne qui, bien que responsable d'un acte, en rejette la responsabilité sur le compte d'autrui", selon le Wiktionnary.
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