Bordeaux
Il est le personnage quasi central dans la Passion du Christ, et pour cause c'est lui qui l'aurait provoqué en livrant Jésus. Judas a longtemps fait les frais de cette image de traître, mais qui est-il vraiment ? Quel rôle a-t-il joué ? Autant de questions auxquelles il est intéressant de répondre à l'occasion de la Semaine Sainte.
Traître, voleur et effrayant, Judas, l'un des douze apôtres, est connu pour avoir livré Jésus aux grands prêtres de Jérusalem. Mais qui est vraiment Judas Iscariote ? Comment cet archétype de la trahison marque-t-il les évangiles ? La bibliste, Anne Soupa, qui a publié un ouvrage sur ce "coupable idéal" nous explique.
"Bien sûr qu'on a du mal à s'attacher à Judas, c'est une énigme, il nous fait peur, mais en même temps il nous rappelle que nous ne sommes pas innocents, exempts du mal." La bibliste Anne Soupa revient sur ce personnage central dans son livre Judas - Le coupable idéal publié aux éditions Albin Michel. Force est de constater que la figure de Judas pose question.
C'est de la plus grande confiance qu'est venue la défection, il y a là une question centrale pour une Semaine sainte, qui est une question grave et douloureuse pour tout le monde
Est-il celui qui a trahi ou celui qui a livré ? Ce n'est pas tout à fait la même chose. Et il est intéressant de noter qu'avec le temps, la charge reprochée à Judas a augmenté. Les quatre Évangiles en effet n'ont pas été écrits au même moment : une génération sépare Marc de Jean. Au fur et à mesure que les Évangiles ont été écrits (d'abord Marc, puis Matthieu, ensuite Luc et enfin Jean), "le portrait de Judas s'assombrit".
Dans l'Évangile de Marc, tout d'abord, la "description est très sobre", explique la bibliste. "Il est resté l'homme qui n'arrive pas à se détacher de son culte d'origine, de la place de la loi, des grands prêtres, d'une institution en somme, ajoute-t-elle. Chez Matthieu, Judas devient cupide et se suicide - une façon de montrer combien son crime est abominable. Luc, lui, l'appelle Satan et Jean le décrit comme un voleur et un diable. Cette gradation dans le mal à propos de Judas est pour la spécialiste "une vraie question".
Judas nous rappelle que le bien ne fait pas toujours que des adeptes
Pourquoi s'intéresser à la figure de Judas ? "Il nous rappelle que le bien ne fait pas toujours que des adeptes", dit Anne Soupa, "ce Jésus qui n'était que bonté, Judas a choisi de le livrer : il y a là un mystère très difficile à comprendre." Mystère aussi du bien et du mal plus mélangés qu'on a tendance à le penser.
Judas en effet était un ami de Jésus, peut-être même l'un des plus proches. Lui, dont on dit qu'il tenait les cordons de la bourse, bénéficiait de toute la confiance du Christ. Jésus qui lui a tout fait partager, les miracles, les guérisons, les enseignements, le dernier repas. "Judas aura tout vécu avec son ami", explique Anne Soupa. Et quand Jésus lui a lavé les pieds, c'est "comme par anticipation du mal qu'il veut commettre", observe la bibliste. "C'est de la plus grande confiance qu'est venue la défection, il y a là une question centrale pour une Semaine sainte, qui est une question grave et douloureuse pour tout le monde."
C'est de la plus grande confiance qu'est venue la défection, il y a là une question centrale pour une Semaine sainte, qui est une question grave et douloureuse pour tout le monde.
Judas, on a donc fini par lui faire porter tous les péchés du monde. '"Et surtout on l'a assimilé aux Juifs : c'est ça le crime terrible dans lequel l'Église n'a pas réussi à éviter de plonger." L'évangéliste Jean "ose dire : vous les juifs avez le diable pour père", nous rappelle Anne Soupa. Une assimilation lourde de conséquences, même si saint Jean parle sans doute des chefs juifs. Le fait est qu'au cours de l'histoire "on a porté des jugements définitifs sur quelque chose qui était une diatribe interne au judaïsme". Anne Soupa rappelle aussi le rôle des Pères de l'Église, qui, comme saint Augustin, ont appuyé ce parallèle entre Judas et les juifs.
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