A une époque où l’ordre social était établi de façon divine et où les classes sociales ne se mélangent que très rarement, l’Eglise, pourtant riche, a voulu parler aux « simples gens », autrement dit aux paysans et à toutes les personnes de conditions modestes. Une mission qu’elle s’est donnée tout au long du Moyen-Âge et qui avait un but précis…
Si le terme de « simples gens » peut-être tantôt positif, tantôt négatif pour le commun des mortels ; il est pour le christianisme, une « valeur positive et particulière », selon l'historien médiéviste Michel Zink. Dans son livre Parler aux « simples gens » - Un art médiéval (éd. Cerf, 2023), ce professeur au Collège de France explique les enjeux qui explique cet intérêt pour cette catégorie de la population. « Le moyen-âge est une époque, où le catholicisme s’installe » et cette religion nouvelle exige une approche différente du paganisme antique, cette religion civique qui exigeait simplement que l’on se conforme aux rites.
A l’inverse des religions de l’Antiquité, le christianisme exige lui « une adhésion personnelle » à cette religion et à cette vérité enseignée. C’est ce qu’on appelait la « conversion du cœur ». Pour attirer de nouveaux fidèles et les guider vers cette conversion, l’Eglise devait donc s’adresser à toute la population, y compris aux simples gens donc. Un enjeu d’évangélisation qui passait nécessairement par la vulgarisation afin que chacun comprenne ce qui était dit.
Très vite, les clercs ont conscience que cette évangélisation se fera par le langage vernaculaire. Saint-Césaire d’Arles est l’un des pionniers de cette approche : « ce grand intellectuel, auteur d’œuvres très élaborées et savantes, a laissé des sermons écrits dans un latin très différent et très intéressant parce que c’est le latin parlé au 6ème siècle, au moment où il est en train de se déformer », explique Michel Zink. En 813, c’est un canon du concile de Tours qui stipule « qu’il faut prêcher en langue rustique, gauloise ou teutonne (càd germanique) », relate l’historien.
Non seulement, l’Eglise a tâché de s’adresser aux simples gens dans leur dialecte, mais elle a aussi pris garde à leur parler « sans condescendance, sans mépris et en ayant toujours à l’esprit la valeur particulière qu’a le pauvre », non pas pour gagner des points en termes de charité, mais parce que le pauvre c’est aussi « celui qui aime le plus Dieu et qui accepte d’être méprisé par le monde », à l’instar de certains saints. Ainsi, s’adresser aux simples gens était aussi un moyen de « vivre la pauvreté évangélique », qui est l’une des bases du christianisme.
Peu à peu les textes liturgiques adoptèrent les langues vernaculaires au détriment de la langue de culture d’alors, qui n’était autre que le latin. « C’est difficile pour eux parce qu’ils notent à l’oreille (phonétiquement). C’est un effort admirable et [les clercs] le font si bien qu’ils écrivent un bout de sermon, puis des poèmes courts sur des saints et des chansons », relate le médiéviste. Conséquence, cette « expression de simples gens qu’on trouve au Moyen-Âge entraîne tout ce mouvement religieux et ce mouvement de civilisation », avec l’apparition de nouvelles langues. C'est l'ancêtre de la littérature française et profane.
Mieux comprendre le monde, dans lequel nous sommes invités à vivre en chrétiens, grâce aux travaux des historiens, des sociologues et des artistes ainsi qu’à travers la réflexion philosophique. C'est ce que vous proposent Monserrata Vidal et Sarah Brunel.
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