Ce mercredi sort en salles le film franco-libanais "La Nuit du verre d'eau", de Carlos Chaine. Un film doux, solaire, poignant, qui nous parle d’émancipation féminine, d’amour maternel et charnel, de liberté.
Cette semaine, je suis au festival d'Annecy, devenu au fil des ans le plus grand rendez-vous mondial du film d'animation. C’est un genre cinématographique extrêmement dynamique et créatif, avec des films en provenance du monde entier et une affluence record. Plus de 15.000 festivaliers inscrits cette année, une fréquentation qui a doublé en quelques années et des découvertes qui ont marqué l’histoire du festival. Le Cristal d’Or sera remis samedi 17 juin et nous en reparlerons bientôt avec entre autres la sortie en salles du très beau film "La Sirène", de la réalisatrice franco-iranienne Sepideh Farsi...
En attendant, je vous propose cette semaine un premier film franco-libanais "La Nuit du verre d'eau", de Carlos Chahine. Né à Beyrouth, Carlos Chahine a quitté son pays natal au début de la guerre civile en 1975. Il s’est déjà essayé à des courts-métrages et à des documentaires autour de l’histoire de son pays ou du thème de l’exil, mais c’est son premier long métrage de fiction. Un passage réussi qui a obtenu le prix du public au dernier festival Cinemed de Montpellier.
Pour écrire son scénario, il a puisé dans ses souvenirs d'enfance. Le film se passe dans le Liban des années 50. Il n’est pas autobiographique mais il se nourrit de ses années de jeunesse (le jeune Charles dans le film est un peu son double). Sa famille est chrétienne maronite, ils passaient leurs vacances dans les montagnes au-dessus de Beyrouth.
Le film s’ouvre par un premier plan somptueux : le paysage grandiose d’une vallée isolée, dominée par des sommets imposants. Une belle métaphore qui revient tout au long du film, de ce pays magnifique mais traversé par des failles profondes. Il revisite cette histoire, à travers le destin de trois sœurs : Layla, Eva et Nada, qui vont chercher à s’émanciper des choix que leur famille et plus largement la société a faits pour elles.
L’aînée Layla est mariée à un homme plus âgé qu’elle n’aime pas, ils sont parents d’un jeune garçon. L’arrivée dans le village de deux Français, un duo mère / fils interprété par Nathalie Baye et Pierre Rochefort, va bouleverser la vie de Layla. René, le fils, va éveiller chez elle le désir et Hélène, la mère, lui donner un espoir de liberté.
Le film explore le poids des traditions dans cette famille qui se veut moderne - Layla est la seule femme du village à conduire sa propre voiture ! - mais qui reste en réalité très conservatrice, et perpétue un carcan patriarcal dont les femmes (et les hommes !) sont les victimes. Nada, la plus jeune et la plus rebelle, demande à son père : "Tu nous as éduquées mais
pour quoi faire finalement ?"
Même s’ils restent hors-champ, on devine les combats qui se préparent avec les jeunes hommes qu’il faut former à la guerre. Et le village est un condensé des tensions religieuses qui s’annoncent, où les villageois s’étripent pour savoir s’ils sont avant tout libanais ou bien alors druzes, musulmans ou chrétiens. Ce sont tous les prémices de la guerre civile qui va déchirer ce pays qui se rêvait le modèle d’une société multiconfessionnelle pacifique.
C’est donc un film qui part de l’intime pour aller vers le plus universel, un film doux, solaire, poignant, qui nous parle d’émancipation féminine, d’amour maternel et charnel, de liberté. C’est aussi un récit initiatique pour le jeune Charles qui, le temps d’un été, va voir sa mère lui échapper. Et enfin c’est un film politique qui revient sur les racines des tensions au Liban et plus largement au Moyen-Orient.
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