La mobilisation contre les méga-bassines reprend, dans les Deux-Sèvres, où un "Village de l'eau" est installé près de Sainte-Soline du 16 au 20 juillet 2024. Annoncé comme un événement convivial, il fait craindre un regain de violence, plus d'un an après les violents affrontements de mars 2023. La gravité de la crise écologique peut-elle justifier cette forme de radicalité ? On en parle avec Cécile Duflot, militante écologiste depuis près de trente ans.
La mobilisation contre les méga-bassines reprend dans les Deux-Sèvres, plus d'un an après les violents affrontements de mars 2023. Près de 10.000 personnes sont attendues, entre du 16 au 20 juillet, dans le "Village de l'eau" installé dans la commune de Melle, non loin de Sainte-Soline, par le collectif Bassines Non Merci !.
Si plusieurs élus craignent des débordements, c'est en raison des actions radicales de certains militants écologistes. Peut-on justifier la violence au nom de la défense de la planète ? La gravité de la crise justifie-t-elle la violence ? La radicalité écologique ne risque-t-elle pas de masquer la complexité de la crise ?
Dans "PAS SI SIMPLE", Cécile Duflot livre son regard sur la radicalité dans le combat écologiste. Depuis près de trente ans, cette femme profondément militante est une "écologiste active". Elle est aujourd’hui la directrice générale d’Oxfam France, ONG spécialisée dans le développement et la lutte contre la pauvreté très impliquée sur la question climatique.
Ce qui est sûr, c’est que la violence militante, souvent dans l’histoire, elle s’est retournée à l’intérieur des propres mouvements
"Radicalité" est un mot que Cécile Duflot ne rejette pas pour elle-même : "Je suis une écologiste radicale, dit-elle, parce que je pense qu’il faut s’attaquer au problème à la racine qui est celui d’un modèle de développement, d’un modèle de production qui n’est pas compatible avec l’habitabilité de la planète terre pour l’espèce humaine…"
En plus de "l’aggravation de la crise climatique et de la biodiversité", la militante observe un "sentiment de désespoir chez certains militants", quand d’autres critiquent l’action d’autres écologistes jugée inefficace. Tout ceci mis dans un contexte de "radicalisation de la réponse sécuritaire de manière globale", explique selon Cécile Duflot le durcissement du combat écologiste aujourd’hui.
Des militants écologistes qualifiés d'écoterroristes et "fichés S"... Le 31 octobre 2022, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, dénonçait le "potentiel violent énorme" de certains militants. "Un certain nombre, disait-il, sont fichés S au même titre que des terroristes islamistes…" Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, évoquait lui aussi, en novembre 2022, "des gens qui veulent par la violence, par la terreur et donc par le terrorisme, empêcher l’état de droit de fonctionner". Souvent employé par les politiques, le terme "écoterrorisme" est chez bien des militants, dont Cécile Duflot, jugé excessif. "Il n’y a aucun écologiste qui revendique aujourd’hui d’assassiner des gens !"
La question est toutefois posée de l’usage de la violence en démocratie pour faire avancer une cause. L’histoire a montré que pour faire avancer une cause, rien de tel que des mouvements de "désobéissance civile" mais "massifs et non violents", souligne Cécile Duflot. "Je pense que quand on est dans cette logique d’attaque d’un ordre établi avec la revendication d’actions brutalement violentes, on a du mal à engager une grande dynamique, analyse la directrice d’Oxfam France. Ce qui est sûr, c’est que la violence militante souvent dans l’histoire, elle s’est retournée à l’intérieur des propres mouvements." Pourquoi donc utiliser la violence au nom de l’écologie si risque il y a de desservir la cause ?
La radicalité est "un mot à la mode" aujourd’hui, selon la sémiologue Mariette Darrigrand. "C’est un mot positif." Pourtant synonyme de dialogue impossible, la radicalité répond, dans notre époque "très complexe et très instable", à notre besoin de "repères". "Être radical c’est un degré de plus dans la manière de considérer notre monde et d’essayer de le penser."
Ainsi, tout porte à croire que pour toucher l’opinion publique il faudrait ne pas faire dans la nuance, et proposer des messages simples, voire simplistes. Comment la cause écologiste, par ailleurs complexe et multiple, peut-elle échapper à cela ? "Je suis une apôtre de la nuance, de la non-violence, confie Cécile Duflot, mais aussi du compromis. Parce que la vie en société mais même dans une toute petite société comme une famille, c’est du compromis."
Il n’y a pas qu’une réponse à la crise écologique. Dans notre société où une multiplicité de voix se font entendre, il y a, pour Cécile Duflot, "certaines actions plus visibles, un peu choquantes" qui permettent de "percer une couche de déni, qui, face à la question climatique est très épaisse"… De même, on peut considérer que "c’est toujours intéressant d’être interrogé par des pensées plus radicales", estime-t-elle.
Ce qui porte des fruits dans le combat écologique, pour Cécile Duflot, c’est précisément la diversité des moyens d’action. La militante rappelle que ce qui a permis d’obtenir gain de cause à Notre-Dame-des-Landes, l’action à la fois des zadistes, mais aussi des élus locaux, des agriculteurs… "Qu’est-ce qui est bien ou qu’est-ce qui n’est pas bien ? C’est difficile de le dire. Ce qui est intéressant c’est quand tout ça se lie, se laisse interroger et que personne ne pense qu’il détient un morceau de la vraie croix du combat écologiste contre les autres."
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