En situation de précarité, ils vont interpréter Carmen sur scène avec des professionnels

Objectif : se produire sur la scène du théâtre Gérard-Philipe à Orléans, le 7 décembre 2025 aux côtés de solistes professionnels. Cela fera plus d’un an qu’ils se préparent. Une trentaine de personnes, parmi lesquelles des bénéficiaires du Secours catholique en situation de précarité, mais aussi des bénévoles, répètent inlassablement "Carmen" de Bizet.

Un projet d’envergure porté par une cantatrice internationale

Madeleine Vatel a assisté à l’une des répétitions. À quelques semaines de la représentation, l’ambiance est tout autant joyeuse et détendue, mais un peu fébrile quand même. Certes, il y a le plaisir palpable de chanter ces airs si célèbres. Mais les chanteurs sont soucieux d’atteindre le niveau qu’attend d’eux Malika Bellaribi, leur accompagnatrice. 

Pour mener à bien ce projet ambitieux, il faut toute l’énergie de cette cantatrice internationale, qui n’a en rien baissé son degré d’exigence. Ses élèves ne pensaient pas être emmenés si loin. Ils apprécient la pédagogie de leur professeur au "franc caractère" et à la technique "un peu impressionnante quand même !"

Chanteuse lyrique internationale, Malika Bellaribi a fondé l’association Voix en développement, partenaire du projet. Le financement est porté majoritairement par le Secours catholique, avec des soutiens de l'État, de la mission locale. La ville d'Orléans met à la disposition de la troupe le théâtre, pour la représentation finale.

Chanter ensemble et se découvrir soi-même

Avec des répétitions chaque semaine, le rythme est soutenu. Pourtant ces rendez-vous sont très attendus parce que le stagiaires ne font pas que chanter justement. Ce sont des moments de convivialité, au cours desquels ils partagent un repas, discutent, se rencontrent. Cette "activité commune, ça nous met au même niveau, apprécie Marie-France, bénévole au secours catholique, on a commencé ensemble, on a progressé ensemble."

Et en même temps qu’ils apprennent le chant lyrique, les stagiaires redécouvrent les capacités de leur propre corps. "L’essentiel, c’est la respiration", a compris Marie-France. "J’ai petit à petit vécu dans mon corps, nous dit Françoise, une autre bénévole. Au niveau de la respiration, au niveau de l’articulation, j’ai senti ce qu’était à peu près l’opéra."

Ils seront une trentaine sur scène. Cinq choristes, treize mezzo et douze soprano. Parmi eux, Blandine, qui, comme beaucoup de bénévoles, ne savait pas trop dans quoi elle s’embarquait. "Je croyais que c’était une petite affaire… juste pour rigoler ! Finalement, quand on nous a dit qu’on devait chanter à l’opéra, ça m’a surpris. Je n’avais chanté de ma vie..."

Se dépasser soi-même

Interpréter sur scène un opéra ce n’est pas que chanter, c’est aussi jouer un rôle. Et pour apprendre les techniques théâtrales, les stagiaires sont guidés dans un cadre bienveillant par des professionnels passionnés. "C’est passionnant parce que c’est une connaissance de soi, explique Sophie Magneau, co-metteuse en scène. Une des choses que je préfère dans ce travail c’est justement comment les amener à interpréter. Qu’est-ce que moi je vois chez eux, c’est que de l’humain en fait !"

S’attaquer à une œuvre si populaire que Carmen c’est être attendu au tournant par le public. Mais l’opéra n’a pas été choisi au hasard. "C’est une œuvre qui porte à l’universel", selon Alexandre Bélikian, chanteur professionnel qui incarne Le Remendado. Un œuvre qui incite les interprètes à "trouver cette liberté et cette richesse qu’eux-mêmes ont en fait, et à pouvoir l’exprimer. C’est un très, très beau projet pour ça !"

Certaine du potentiel de ses élèves, Malika Bellaribi les invite à aller au-delà de soi. "Lâchez prise ! Vous êtes dans la vulnérabilité. Vous avez la trouille, vous ne savez pas, vous partez dans le vide : acceptez ce vide, lâchez le contrôle !"