Paris
Les Cafés Sourire essaiment un peu partout en France à l'initiative de la Société de Saint-Vincent-de-Paul (SSVP). Le principe est simple : on vient boire un café, parler de choses et d'autres et pourquoi pas de la pluie et du beau temps du moment que l'on se rencontre. Parce qu'il suffit de peu, parfois, pour enrayer la mécanique de la défiance et de la peur de l'autre.
Si vous tombez sur un Café Sourire ou une Camionnette Sourire sur la place d'un village, il y a de fortes chances que ce soit un de ces Lieux Sourire qui essaiment un peu partout en France à l'initiative de la Société de Saint-Vincent-de-Paul (SSVP). Des lieux ouverts à tous. On y vient pour parler de la pluie et du beau temps et boire un café... Parce qu'il suffit parfois de peu pour rompre l'isolement et déjouer la mécanique de la peur de l'autre. Le principe est simple, mais il fallait y penser. C’est à Sisteron, dans les Alpes-de-Haute-Provence, qu’est née l'idée de ces lieux Sourire. Béatrice Soltner s'y est rendue.
Il suffit parfois d’un homme de "nature enjouée" comme Didier Bohl, pour lancer une initiative simple mais efficace ! "Je pense que le premier geste qu’on peut avoir vis-à-vis de quelqu’un qu’on ne connaît pas pour l’accueillir, c’est un sourire." Désormais, la SSVP accole des "Sourire" à ses nombreuses initiatives : "Vesti’Sourire" pour un vestiaire solidaire, "Distri’Sourire" pour une distribution alimentaire … "Il y a même à Nice un triporteur, c’est des étudiants qui emmènent des personnes âgées sur la Promenade avec un triporteur électrique, raconte Didier Bohl, ils appellent ça le Vélo Sourire ou quelque chose de cet ordre-là."
"Sourire", c’est en quelque sorte devenu la marque de la Société de Saint-Vincent-de-Paul (SSVP), fondée il y a plus de 190 ans à Paris sous l’impulsion d’un laïc, Frédéric Ozanam (1813-1853). Aujourd’hui, l’association compte 822 équipes, des "conférences", qui œuvrent dans 94 départements. Leur mission : être là, à l’écoute de toute personne, souvent en situation de précarité et d’isolement. "Autant on peut faire les choses sérieusement, mais faut pas se prendre au sérieux, estime Didier Bohl. Et si on veut du contact avec les gens, vaut mieux être aimable - c’est un joli mot, aimable, hein ? Qu'on puisse aimer... Voilà !"
Président de la SSVP dans les Alpes-de-Haute-Provence, Didier Bohl a lancé le premier Café Sourire à Sisteron, il y a huit ans. Ensuite il y a eu Digne, puis Aix… "Le principe du Café Sourire et des lieux Sourire a été approprié par le national, se réjouit son initiateur, et aujourd’hui on doit avoir à peu près une quarantaine de cafés dans toute la France."
Il y a un an est née une version itinérante du Café Sourire. Au volant de la Camionnette Sourire, Didier Bohl se rend chaque semaine à Volonne, Peyruis, Les Mées - les communes voisines de Sisteron. Sa camionnette se reconnaît facilement : bleu, blanc, jaune, les couleurs de la SSVP. Et son slogan : "Être présent, tout simplement". "Ça, c’est la phrase qui représente les SSVP, explique Didier Bohl, on essaie de passer de la charité de la distribution à la charité de la rencontre, donc on est plus dans l’être. Et être présent, simplement ça veut dire qu’on est dans l’écoute : qui dit écoute dit relation."
La Camionnette Sourire transporte machine à café et parasol, une ou deux tables rondes, des chaises et des petits gâteaux… "Et puis voilà ! En fait c’est tout simple, mais c’est un bel instrument, se félicite Didier Bohl. Le principe du Café sourire c’est un lieu qui est ouvert le matin de neuf heures et demi à midi où on accueille tout le monde sans condition, sans jugement."
Toujours garée à côté de l'église du village, la Camionnette Sourire ne sert qu’à susciter la rencontre, une simple discussion autour d’un café. "Le premier fan", c’est le Père François-Xavier Ayissi, curé de la paroisse des Quatre rives, qui comprend les communes de Château-Arnoux-Saint-Auban, Volonne, Malijai, Les Mées et Peyruis. "Un homme de contact, qu'apprécie Didier Bohl, je suis ravi de faire des choses avec lui, on fait vraiment équipe !"
Chaque vendredi, c’est simple, le Père Ayissi est là, sur le parvis de l’église. "Pour moi c’est très important pour rencontrer les gens", dit-il. Il ne considère pas les Cafés Sourire comme des lieux d’évangélisation "de manière directe". "On vit un moment de convivialité, de joie, et quelques fois au cœur de ces rencontres le gens commencent à s’interroger…" Sortir sur le parvis, être présent... n’est-ce pas l’image de cette "Église en sortie" tant de fois souhaitée par le pape François ? En tout cas une "Église de proximité", pour le Père Ayissi. "L’Église doit sortir vers les Hommes, dit-il, et sortir de l’entre-soi… Qui dit fermé dit imperméable."
Le plus important, c’est les relations amicales qui se tissent même si on blague sur des commentaires stériles sur ce qui se passe, la pluie et le beau temps
Ça paraît si simple : une conversation autour d’un café sur la place d’un village... Ils sont plusieurs parmi les bénévoles de la SSVP ou les habitués des Cafés Sourire à s'inquiéter de l’ambiance de la société actuelle. "Au quotidien on se fait agresser pour un oui ou pour un non, on le sent, ce n’est pas une vue de l’esprit c’est une réalité, se désole le Père Ayissi. On fait tout pour créer la méfiance entre personnes et c’est bien dommage, on pourrait vivre autre chose quand même !"
"C’est un élément qui nous manque ici, la diversité : comme il n’y a pas de diversité, il y a un racisme ambiant ici qui est à mon avis dramatique." Avant de vivre dans la région de Sisteron depuis six ans, Bernard, aujourd’hui retraité, habitait à Grigny, dans l'Essonne. Dans "une énorme cité multiculturelle", La Grande Borne. Bernard apprécie "l’ambiance conviviale, ouverte" des Cafés Sourire. Au moins, là, on se parle : devant sa télévision "on ne parle pas, on avale !"
Les Cafés Sourire, "ça génère de liens d’amitié, d’affection de l’entraide éventuellement", apprécie Marguerite, ardéchoise installée en 68 dans la région et aujourd’hui retraitée. "Mon mari est mort et maintenant je traîne mon veuvage, toute seule ici, au soleil." Au café Sourire, on ne cherche pas les grands débats. "Le plus important c’est les relations amicales qui se tissent même si on blague sur des commentaires stériles sur ce qui se passe, la pluie et le beau temps, la grêle, les fleurs qui arrivent déjà, qui ne sont pas là... Comme ça les gens retournent chez eux ils n’étaient pas seuls."
Ce matin-là, Didier Bohl repart "ravi" des "beaux échanges" qu’il a eus avec deux passants. L’un d’eux qui s'inquiétait : "Mais comment vous faites avec les alcooliques ?" L'autre était visiblement "en révolte" avec la religion. "Il a apprécié la façon dont je lui ai répondu, confie modestement l’homme de la Camionnette Sourire, et ça c’est pas mal !"
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