LE POINT DE VUE DE CLOTILDE BROSSOLET - Alors que deux motions de censure vont être votées à l’Assemblée nationale, ce jour, dont une qui a de fortes chances d’aboutir à la chute du gouvernement Barnier, Clotilde Brossolet revient sur la situation politique de notre pays. Pour elle la destitution du gouvernement n'ajouterait que du chaos au chaos.
Cette nouvelle motion de censure ne peut qu’ajouter du chaos au chaos. Il faut se souvenir de la difficulté d’Emmanuel Macron au retour de l’été pour nommer un Premier Ministre et son gouvernement. Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier, l’absence de majorité absolue et la fragilité encore plus grande du parti présidentiel ne permettent que des gouvernements fondés sur des alliances fragiles et même contre-nature.
Que la France Insoumise soit prête à faire tomber le gouvernement n’est pas une surprise. La stratégie du chaos portée par Jean-Luc Mélenchon est bien connue : Monsieur antisystème et ses partisans cultivent tout ce qui peut faire vaciller les institutions de la Ve République. Il ne faudrait pas oublier que LFI entendait profiter de sa niche parlementaire, en déposant, le 19 novembre dernier, une proposition de loi « visant à abroger le délit d’apologie du terrorisme du Code pénal » sous prétexte d’une protection insuffisante de la liberté de la presse. En revanche, que le Rassemblement national s’engouffre dans la faille peut paraître plus étonnant. Alors que le parti est majoritaire à l’Assemblée nationale, qu’il est en quête de respectabilité, il prend le risque d’apparaître comme celui qui ajoute du chaos au chaos. Quand on se prétend capable d’arriver au pouvoir à l’occasion des prochaines élections présidentielles, faire partie de ceux qui vont offrir à notre pays encore quelques semaines voire mois sans gouvernement peut apparaître comme un mauvais calcul. Un mauvais calcul pas tant que ça, puisque plus d’un électeur sur deux du Rassemblement national s’est déclaré en faveur de la chute du gouvernement. La chute du gouvernement Barnier, très bien, mais la chute pourquoi ? Pour quelle autre solution ? Le Nouveau Front Populaire tout comme les dirigeants du Rassemblement national le savent parfaitement, Matignon n’est pas pour eux, du moins pour le moment. Matignon, dans l’état actuel des choses, n’est pour personne…
À l’heure où j’ai écrit cette chronique le soutien des socialistes, à la motion de censure portée par le NFP, n’était pas encore acquis. Nous payons là, l’absurdité d’une Assemblée nationale dont une immense majorité des membres a été élue de façon purement mathématique et donc factice. Combien de députés siègent uniquement parce qu’ils ont reçu le soutien de partis concurrents au nom de l’arc républicain. La légitimité de ces députés est donc fragile et ceux-ci se trouvent dans l’obligation constante de montrer leur opposition à tout ce qui se rapporte au Président et au gouvernement de rassemblement qu’il a nommé. Chacun doit apporter à la preuve que, bien qu’ayant reçu les voix de ses adversaires, il considère ces derniers toujours comme tels. Rien de mieux donc pour les opposants d’Emmanuel Macron que de faire tomber le gouvernement dont ses élus sont membres.
Le RN, lui, doit jouer une autre carte, celle d’éviter qu’un Bruno Retailleau marche sur ses plates-bandes et celle peut-être d’espérer à force de chaos, la démission d’Emmanuel Macron. Une présidentielle anticipée pourrait possiblement, mais cela reste à prouver, permettre à Marine Le Pen d’être élue en contournant le risque d’une condamnation judiciaire.
Je suis convaincue que la crise de régime que nous vivons est entretenue par une classe politique qui joue avant tout sa propre survie. Alors qu’il était évident que cette semaine serait décisive, Emmanuel Macron a planifié une visite en Arabie Saoudite, d’où il commente avec dédain une situation dont il est en grande partie le responsable. Le ministre de la fonction publique, Guillaume Kasbarian, pose avec son compagnon et son chat dans Paris Match, expliquant tout en se brossant la moustache, que le plus important c’est « de sentir libre ». C’est à se demander si le seul qui prend la politique au sérieux ne serait pas Michel Barnier… Étonnamment, c’est lui qui risque de partir !
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- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
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- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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