L'Epudf, la principale Église protestante de France, a annoncé le jeudi 7 novembre dernier, son adhésion à la Commission reconnaissance et réparation (CRR). Cette instance indépendante a été créée par les communautés religieuses catholiques pour accueillir les victimes de violences sexuelles dans les communautés religieuses et les accompagner dans un processus de réparation.
La plus importante Église protestante en France, l’Epudf (Église protestante unie de France), annonce son adhésion à la Commission reconnaissance et réparation (CRR). La CRR est une instance indépendante créée à la suite de la publication du rapport Sauvé, par les communautés religieuses catholiques représentées par la Corref (Conférence des religieux et religieuses de France). Pourquoi une Église protestante a-t-elle décidé de s’appuyer sur la CRR et pourquoi n’a-t-elle pas créé sa propre instance ? Dans quelle mesure les Églises protestantes en France sont-elles touchées par le scandale des violences sexuelles ?
Pourquoi l’Église protestante a-t-elle décidé d’adhérer à une instance issue d’une organisation catholique ? Faut-il voir dans cette adhésion un fruit du dialogue œcuménique ? Emmanuelle Seyboldt met certes en avant les bonnes relations que l’Epudf entretient avec Véronique Margron, la présidente de la Corref, qui a encouragé cette adhésion. "C’est extrêmement agréable de travailler avec elle !"
Mais la CRR est "indépendante" de la Corref, insiste la présidente de l’Epudf. Cette dernière rappelle qu’il y a parmi ses membres deux protestants, ainsi que des personnes athées. La CRR est "complètement indépendante" et "elle agit comme un tiers" entre la personne victime et l’organisation au sein de laquelle les violences ont eu lieu.
Dix-sept communautés sont aujourd’hui adhérentes de la CRR. Parmi eux, la communauté du Chemin neuf, celle du Christ Roi, des frères de Taizé, les Focolari, mais aussi les Foyers de charité ou encore l’Arche. Avec l’Epudf, cela porte à dix-huit le nombre d’adhérents de la CRR.
L’Epudf est cependant une Église : pourquoi ne pas avoir choisi d’adhérer à une instance créée par une autre Église, par exemple l’Inirr (Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation), créée elle par l’Église catholique en France ? "Nous avons bien réfléchi, nous avons comparé les instances, répond Emmanuelle Seyboldt, l’Inirr est en lien direct avec les victimes mais ne fait pas l’intermédiaire, elle ne fonctionne pas comme une instance tierce qui va se tourner vers la communauté."
L’Epudf n’a pas créé elle-même sa propre instance d'écoute et de réparation en raison des moyens financiers et humains que cela représente, nous dit sa présidente. Si l’Epudf est la plus importante Église protestante de France, cela correspond à 400 paroisses. Une réalité qui n’est pas comparable à celle du catholicisme dans notre pays. Par ailleurs, le choix de la CRR a aussi été guidé par le fait que son action est perçue comme "exemplaire", selon Emmanuelle Seyboldt.
Le choix de la CRR de s’appuyer sur la justice restaurative a eu de l’importance dans la démarche de l’Epudf. Au sein des Église protestantes qu’elle représente, cela fait une vingtaine d’année que cette forme de justice est mise en avant dans le cadre de l’aumônerie des prisons. "C’est quelque chose qui nous touche parce que la parole est au cœur de cette justice-là, confie Emmanuelle Seyboldt. Nous sommes convaincus que la parole peut réparer les vivants, la parole reçue, crue : ne serait-ce que ça, ça fait 90% de la réparation. Nous pensons que ça fait des miracles !"
Cette nouvelle démarche de la part de l’Epudf est symboliquement forte. Que dit-elle des violences sexuelles au sein des Églises protestantes ? "En mai, juin dernier, nous avons été appelés une ou deux fois pour des situations anciennes", explique Emmanuelle Seyboldt. La cellule d’écoute mise en place par l’Epudf a reçu des témoignages concernant des personnes responsables de plusieurs méfaits. "Nous avons été désarmés devant ces révélations et les demandes de reconnaissance : Comment accompagner les victimes ?" Comme le dit Emmanuelle Seyboldt, "le nombre de situations au sein de l’Epudf se compte sur les doigts de la main".
Si en Allemagne, les Églises protestantes (l’EKD, la fédération des Eglises protestantes régionales luthériennes, réformées et unies) ont financé une enquête menée par une instance indépendante, ce n’est pas le cas pour les Églises protestantes en France. "Nous ne sommes pas dans une situation où des faits de violences sexuelles peuvent se perpétrer sans que ça se sache, observe la présidente de l’Epudf, la dimension systémique n’est pas possible."
Au sein de l’Église catholique, on parle souvent du cléricalisme pour expliquer la dimension systémique des violences sexuelles. Le cléricalisme est-il possible au sein du protestantisme, où la hiérarchie ecclésiale est moins pyramidale ? "Nous sommes à l’abri du silence imposé par une hiérarchie, selon Emmanuelle Seyboldt, mais nous ne sommes pas à l’abri de la place importante qu’un pasteur peut prendre ni même du fait que l’institution va tenter de se protéger ou du manque de courage de faire éclater la vérité au grand jour."
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