Pour beaucoup, le shabbat est un temps de repos auquel est lié un grand nombre d'interdits parfois incompréhensibles. En réalité, c'est un temps profondément spirituel au cours duquel les juifs cessent de transformer le monde. Tout comme Dieu s'est arrêté de créer au septième jour, selon la Torah. Explications du rabbin Yeshaya Dalsace, de la communauté massorti à Paris.
Dès le vendredi soir à la tombée de la nuit, les juifs célèbrent le shabbat, qui va durer toute la journée du samedi. Le temps du shabbat est au centre de la vie juive. Le rabbin Yeshaya Dalsace, de la communauté massorti à Paris, précise même que "c'est l'un des axiomes fondamentaux du judaïsme".
Le shabbat est étroitement lié au rythme des jours de la semaine. Un rythme qui "n’a rien d’évident", rappelle Yeshaya Dalsace, puisque contrairement aux mois lunaires, il n’est pas dicté par les éléments naturels. "C’est un artifice qui s’est imposé à travers le récit biblique au monde entier." Et si le shabbat commence le vendredi soir, c'est "parce que les jours dans le judaïsme commencent à la tombée de la nuit".
"Shabbat" est un mot hébreu que l’on traduit généralement par "repos". Mais le rabbin Yeshaya Dalsace précise qu’il ne signifie pas cesser de travailler : il s’agit de "cesser de créer". Dans le Livre de la Genèse, en effet, Dieu s’arrête de créer au bout de six jours. Et l’être humain arrive le septième jour.
Le shabbat c’est fondamentalement une fête de la liberté : l’Homme est libre parce que Dieu s’est rétracté, Dieu a cessé
"En cessant de créer, nous dit Yeshaya Dalsace, Dieu permet la création d’autre chose." Et notamment à l’Homme d’exister. "Si Dieu n’avait pas fait son shabbat - qui dure non pas vingt-quatre heures mais une éternité - eh bien l’Homme n’existerait pas. Il ne pourrait pas exister, on serait écrasé par la présence divine, on n’aurait pas de place."
Dans la conception juive, Dieu a laissé un monde imparfait. C’est "l’idée biblique de base", rappelle Yeshaya Dalsace, qui renvoie à l’histoire de Noé et du Déluge, dans le premier livre de la Torah. Le monde est imparfait, "il est comme il est, mais le monde a sa liberté : ce qui est fondamental. Le shabbat c’est fondamentalement une fête de la liberté : l’Homme est libre parce que Dieu s’est rétracté, Dieu a cessé."
Certains interdits liés au shabbat peuvent étonner si l’on n'en connaît pas le sens. Par exemple, dès le vendredi soir, il ne faut pas conduire, ni allumer la lumière ou appuyer sur le bouton de l’ascenseur… Or, le shabbat existe depuis des siècles, ce qui n’est pas le cas pour l’électricité ! Quel est donc le sens de ces nombreuses restrictions ?
"L’idée de base, elle est très logique, explique Yeshaya Dalsace, l’interdit de shabbat n’est pas du tout lié à la notion de repos, c’est lié à la notion de pouvoir de l’être humain sur le monde. Je mets un arrêt brutal à mon pouvoir sur le monde." L’être humain sur terre agit, travaille, fabrique, etc., et ses actions "transforment le monde". "Pendant la semaine je crée, pendant le shabbat j’arrête, je donne une autre dimension à ma vie, en cela c’est aussi une liberté."
Puisque l’on ne peut pas cuisiner lors du shabbat, les repas sont préparés la veille. Le vendredi soir, "on se prépare, on change de vêtement, il y a une vraie préparation, comme s’il allait vraiment se passer quelque chose", raconte le rabbin Yeshaya Dalsace. Le dîner du shabbat, qui suit l’office à la synagogue, est "très important dans la tradition juive". C’est "un moment de partage où on invite toujours des gens !"
Le samedi matin, le deuxième office à la synagogue peut durer trois heures car on lit le Pentateuque, c’est-à-dire les cinq premiers livres de la Bible hébraïque. Après l’office, "on rentre chez soi, l’après-midi se passe à discuter, faire la sieste, la journée se prolonge en bavardage, en étude.. C’est une journée conviviale, très familiale."
Célébrer le shabbat dans la joie et la convivialité, tout comme respecter ses interdits, c’est cela "sanctifier le shabbat". Le livre de l’Exode dit : "Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier." (Exode 20, 8) "Le shabbat ne va exister que si je le fais exister, explique Yeshaya Dalsace, c’est cela que signifie sanctifier. L’eucharistie vient de là, c’est un moment de partage, de sanctification au sens où ce jour est mis à part. C’est ça, la sanctification : donner une dimension en plus à quelque chose qui n’en aurait pas de façon évidente."
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