Le dimanche qui suit la fête de la Trinité, les catholiques célèbrent la fête du Saint-Sacrement, autrefois appelée "Fête Dieu". Au centre de cette fête, c’est l’eucharistie et la présence réelle de Jésus Christ dans l’hostie consacrée. Hostie qui se trouve être un morceau de pain azyme, un héritage de la tradition juive.
Quand Jésus, qui était juif, a dit lors de son dernier repas "ceci est mon corps", en prenant du pain, a-t-il instauré un nouveau rite ? A-t-il fait référence à des rites du judaïsme qui existaient déjà ? La fête du Saint-Sacrement, autrefois appelée "Fête Dieu", que célèbrent les catholiques après la fête de la Trinité, est l'occasion d'interroger l'origine de l'hostie, ce morceau de pain azyme.
"Si l’hostie chez les catholiques est plate et ronde, c’est parce qu’on retrouve cette symbolique du pain azyme qui est mangé depuis 3.000 ans par les foyers juifs en famille le soir de Pâques", explique Ruth Ouazana-Barer. Cofondatrice de l'association Les Racines de demain, elle est responsable du centre de formation Dialogos France et vice-présidente de l’Amitié judéo-chrétienne de Lyon.
Il y a encore des débats aujourd’hui entre spécialistes pour savoir si la Cène a eu lieu la veille ou le premier jour de Pessah, c’est-à-dire lors du seder, le traditionnel repas de Pâques. Sur le plan symbolique l’enjeu est de taille puisque c’était une tradition, avant la destruction du Temple au IIe siècle de notre ère, de sacrifier un agneau lors de Pessah. Dans la tradition chrétienne, Jésus est présenté comme "l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde", qui se donne en sacrifice pour libérer l’humanité. Et la fête de Pessah commémore la libération d’Égypte, le passage de l’esclavage à la liberté.
En tous les cas, la Cène a eu lieu lors de la fête des azymes, une fête agricole à laquelle s’est ajoutée la commémoration de la libération d’Égypte. Lors de cette fête qui dure huit jours, le pain azyme est consommé chaque soir. Ce pain doit rester plat car "au moment de la dixième plaie d’Égypte, les Hébreux, quand le Pharaon leur a dit de partir, sont partis si vite qu’ils n’ont pas eu le temps de le laisser gonfler".
À chaque fête on va effectivement faire une prière sur le vin et une prière sur le pain
Quand Jésus a dit lors de son dernier repas : "Prenez, mangez : ceci est mon corps" (Mt 26, 26), cela ne fait pas référence à un quelconque rite dans le judaïsme car il n’y avait pas de sacrifice humain. « Le sacrifice humain s’est arrêté avec Abraham, avec la création du monothéisme, précise Ruth Ouazana-Barer. Avec la ligature d’Isaac, on rompait avec le sacrifice humain qui se pratiquait à l’époque partout dans le monde européen et en Mésopotamie."
En revanche, bénir et rompre le pain sont des gestes de la tradition juive. Dans l’évangile, Jésus est parfois appelé "rabbi", c’est-à-dire "maître". En tant que tel, entouré de ses disciples, "il va faire comme dans toutes les familles juives depuis trois mille ans, il va partager le pain", décrit Ruth Ouazana-Barer, qui rappelle que "l’on bénit toujours le pain dans les repas juifs". "À chaque fête on va effectivement faire une prière sur le vin et une prière sur le pain."
Il y a pour le pain azyme une double bénédiction. D’abord la prière traditionnelle sur le pain : "Béni sois-tu éternel roi du monde qui a fait sortir le pain de la terre.". Puis : "Béni sois-tu éternel roi du monde qui nous a prescrit et ordonné de manger cette matza." La matza étant le nom donné au pain azyme consommé lors de Pessah.
Lors du repas de Pessah, ce n’est pas que le pain mais "l’ensemble du cérémonial", y compris les prières, qui a une symbolique. Les différents aliments "vont nous rappeler que ce ne sont pas seulement nos ancêtres qui sont sortis d’Égypte : chacun d’entre nous doit se considérer comme étant soi-même sorti d’Égypte." Ainsi, après la bénédiction par le maître de maison, chacun va "manger quelque chose qui va représenter une histoire ancienne".
Sur le plateau du seder, se trouvent un certain nombre d’aliments. "L’œuf dur représente le deuil, de l’eau salé représente les larmes des hébreux en Égypte, un morceau de cèleri pour l’amertume, la harosset, un mélange de dattes, de vin doux et de pommes, représente le mortier que les Hébreux utilisaient pour construire les pyramides."
Aujourd’hui, même au sein des foyers peu pratiquants, on consomme du pain azyme lors de la fête de Pessah. "Il y aura toujours du pain azyme dans les foyers juifs à minimum pratiquants." Si on peut le consommer en dehors de tout aspect religieux, le pain azyme reste "un des symboles de la fête de Pâques".
Comment comprendre les rites, les fêtes qui rythment le calendrier hébraïque ? Comment lire la Bible à la lumière de la tradition juive ? Qu’apporte la lecture du Talmud ou les textes de Maïmonide à un croyant juif... ? Chaque semaine, dans un dialogue avec un fin connaisseur du monde juif, Odile Riffaud nous fait entrer dans la richesse de cette tradition religieuse qui est à la racine du christianisme et de l’islam.
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