À quelques kilomètres de Reims, une vingtaine de Sœurs bénédictines, dépendant de la congrégation Sainte-Bathilde, vivent cloîtrées et en silence. Rythmée par la prière et le travail, leur vie n'a rien d'ordinaire. À l'occasion de la Semaine Sainte et dans le cadre de la programmation spéciale de RCF, nous sommes allés à leur rencontre dans la Marne, au sein du monastère Saint-Thierry.
Ora et Labora. Prier et travailler… Invariablement, suivant les mêmes horaires, sans que pourtant aucune journée ne se ressemble. Dès leur entrée au couvent, les sœurs du monastère Saint-Thierry suivent le Christ, guidées par la règle de Saint Benoît et par le modèle de Sainte Bathilde, la patronne de leur congrégation. Elles nous ont ouvert leur porte…comme à tout hôte qui frappe au portail. Même en silence, la vie d’une bénédictine, n’a décidemment rien d’une vie de routine…
Au cœur des vignes, et un peu à l’écart des grandes maisons de champagnes installées autour de Reims, une vingtaine de femmes ont choisi une vie de simplicité au monastère Saint-Thierry. Cloitrées mais pas isolées, retirées mais jamais coupée du monde, ces religieuses reçoivent leurs hôtes "comme le Christ". Mais comment laisser place à celui qui vient quand tout semble ordonné ? Faut-il rompre le silence pour accueillir toute personne ? Comment apaiser les inquiétudes contemporaines quand la vie d’une religieuse semble si éloignée ?
Sœur Christelle descend l’escalier, passe la bibliothèque, traverse le petit atelier de réfection de tapis et enfile son vêtement pour la prière, une ‘coule’, sorte de large tunique grise. Cette bénédictine dynamique vient d’entendre la cloche sonner. C’est l’heure de l’office. « Quand les cloches sonnent, nous quittons immédiatement tout ce que nous faisons ».
Ora et Labora, prière et travail… Deux piliers qui laissent une place capitale à l’hospitalité. Mais justement, comment garder ces temps pour la prière dans une vie où l’accueil est l’une des priorités ? Pour Sœur Fabienne, prieure du monastère, la prière permet de ne pas se disperser. « La première fois que je suis allée à un office à l’âge de 11 ans, j’en suis sortie en me disant ‘je veux faire ça toute ma vie, louer Dieu, on ne peut faire mieux ! Et aujourd’hui encore je me dis 'ça me comble', ça remplit ma journée", s’enthousiasme celle qui a travaillé comme infirmière auparavant, et est prieure depuis 23 ans.
Mais puisqu'elle est occupée par "1000 choses à faire" dans sa journée, Sœur Fabienne ne peut prier toute la journée. "C'est un combat, on se laisse disperser. Mais petit à petit, la Parole de Dieu vient nous façonner", sourit-elle, consciente de "sa chance folle" de prier, louer et méditer tous les matins depuis 50 ans.
On a 1000 choses à faire, c’est un combat, on se laisse disperser. Mais petit à petit, la Parole de Dieu vient nous façonner.
L’hospitalité est dans la tradition bénédictine depuis le tout-début de l’ordre. Saint Benoît s’y attarde dans l’un des chapitres de la règle qu’il a rédigée. Il introduit son chapitre sur la réception des hôtes par ce passage commenté de l'évangile de Matthieu : "tous les hôtes survenant au monastère doivent être reçus comme le Christ", car lui-même dira un jour "j'étais sans toit et vous m'avez reçu".
Que viennent chercher ceux qui sonnent au portail ? Des réponses à leurs questions existentielles ? "Je ne sais pas trop. Ils partagent leurs questions, leurs problèmes. Ils cherchent l’écoute, il viennent nous parler", explique Sœur Bernardette, qui a vécu très longtemps en Afrique, avant de vivre chez ces bénédictines de Sainte Bathilde.
Ce jour où nous la rencontrons, comme le reste de l'année, son travail consiste justement à accueillir les hôtes qui passent le portail. "On écoute. Ça veut dire essayer d’entrer dans les questions des gens qui viennent, ça ne veut pas forcément dire répondre".
On écoute. Ça veut dire essayer d’entrer dans les questions des gens qui viennent. Ça ne veut pas forcément dire répondre
Dans le réfectoire, Sœur Laurence s’affaire. Cette religieuse malgache s’occupe du confort des hôtes. Elle reçoit les appels, elle accueille les hôtes, veille à ce que les chambres soient chauffées et que chacun se sente bien. "Recevoir comme si chacun était le Christ, au début, oui ça impressionne. Ça m’invite à faire attention à ce que je vais dire, à mon comportement, à accueillir les hôtes avec un grand sourire, même quand je suis fatiguée. On ne voit jamais le Christ en personne mais on essaie de le voir dans chaque personne. C’est un combat parce que ce n’est pas naturel".
Sœur Laurence a à cœur de rappeler que le repos se trouve dans la prière : "au début, je n’avais pas l’habitude d’aller à la rencontre des gens, ce n’était pas ma tasse de thé ! Ça m’a obligé à sortir de moi-même, d’abord par obéissance puis c’est devenu ma volonté".
Après l’office, Christelle s’est rendu au jardin du monastère qu’elle entretient, avec quelques bénévoles. Elle a paillé avant que les fleurs ne poussent. Dehors, devant des champs à perte de vue, elle met en pratique « ora et labora ».
Pour que le travail devienne prière, elle sait qu’il faut toute une vie : « on présente notre travail à Dieu, on lui offre, pour tous ceux qui ont besoin de nos prières à l’autre bout de la planète, mais aussi pour ceux qui sont en lien avec le travail de la terre tout près de nous » . Sœur Christelle aime à croire en la force des "prières flèches" telles que les pratiquaient les pères du désert. Dans ce monastère comme dans d’autres, la communion des saints est une réalité, un quotidien.
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