Alors que nous vivons dans un monde de bruits, de mouvements et de connexions certaines femmes, comme les clarisses de Poligny, ont choisi de se retirer dans un monastère pour vivre de la prière. Une vie de contemplative, cloîtrée et silencieuse qui semble aller à l'encontre de ce qu'est la société en 2022 : active, ouverte sur le monde et assoiffée de paroles. Soeur Thérèse-Marie et soeur Anne-Marie, deux jeunes soeurs du monastère sainte Claire de Poligny dans le Jura, racontent leur quotidien de religieuses au micro de Véronique Alzieu.
Etre réveillé par son iphone, aller au boulot en métro, organiser un week-end avec ses vieux copains de fac, assister au mariage de son cousin, tomber amoureux, partir au Mexique, boire un verre en terrasse un soir de printemps... C’est la vie, la vraie ou plutôt la vie (presque) "normale". Ca dépend pour qui. Soeur Thérèse a 37 ans et soeur Anne-Marie pas encore la trentaine. Elles sont soeurs clarisses au monastère sainte Claire de Poligny, capitale du Comté, nichée au coeur du Jura. Elles portent un voile noir sur la tête signifiant qu'elles ont fait leurs "voeux définitifs" au sein de la communauté. En bref, elles ont fait le voeu de consacrer toute leur vie à Dieu.
Dans le monastère en pierre, peu de bruits à part les robes des soeurs qui se déplacent discrètement et l'appel de la cloche pour les offices quotidiens. Chaque religieuse vit dans une "cellule", une petite chambre sans chichis avec un lit simple, une table d'étude et une petite bassine pour faire sa toilette. Pour le reste tout est commun. Les repas sont pris en silence avec les 17 autres clarisses de la communauté, les travaux de la cuisine, du jardin sont équitablement répartis, les prières entonnées à l'unisson et les dons reçus, dont elles dépendent, sont destinés à l'ensemble de la communauté. Une vraie vie de famille se construit autour des 17 "soeurs" qui ont toutes volontairement choisi de se retirer du monde, tout en le portant au quotidien dans leurs prières.
Si on perçoit le silence comme un vide, alors oui c'est contre-nature mais si on perçoit le silence comme un espace ou l'Autre peut parler, et quand je dis l'Autre, c'est avec un grand A, c'est le Seigneur avant tout, alors là non ce n'est pas contre-nature
Pas de portable, pas de compte instagram, un parloir de temps en temps pour voir sa famille, voici ce que les clarisses ont choisi de vivre : le silence. Une aberration pour le citoyen lambda, une bénédiction pour les religieuses. "Si on perçoit le silence comme un vide, alors oui c'est contre-nature mais si on perçoit le silence comme un espace ou l'Autre peut parler, et quand je dis l'Autre, c'est avec un grand A, c'est le Seigneur avant tout, alors là non ce n'est pas contre-nature" explique soeur Thérèse-Marie dans un sourire.
Lorsqu'on lui parle du fait d'être cloîtrée, soeur Thérèse-Marie voit d'abord "une clôture, mais une clôture d'un jardin avec ce que dit un jardin, c'est à dire toute l'intimité, toute la beauté qu'il y a dans ce jardin et donc ce n'est pas du tout comme on peut imaginer une prison" ajoute-t-elle. Il faut dire que le vocabulaire n'aide pas : cellule, cloître, silence, habits. Pourtant les soeurs sont loin de la morosité, leur mode de vie leur permet au contraire de se concentrer davantage sur la joie de l'essentiel, la lumière de leur vie : le Christ. "C'est comme un écrin finalement qui nous permet de vivre cette vie de chasteté, de pauvreté et d'obéissance. Cette vie nous permet de vivre en plénitude ces voeux que nous avons faits" précise la soeur.
Lorsqu’on leur demande si ce n’est pas un risque de laisser 18 femmes enfermées dans un endroit clos, les deux sœurs répondent avec un sourire « c’est le miracle auquel nous assistons tous les jours… mais ça ferait très vite cocotte-minute s’il n’y avait pas l’Esprit saint je crois ! »
Pour sœur Anne-Marie, la vie en communauté est un véritable «laboratoire d’humanité ». « Lorsque nous acceptons de relire notre vie, nos relations, de prendre le temps de les poser devant Dieu, de nous travailler nous-même, mystérieusement, cela a un impact sur tout le corps du Christ » explique-t-elle.
Les sœurs vivent en communauté mais passent une grande partie de leur temps seule et en silence. Une nécessité pour créer un lien spécial avec Dieu, comme le précise sœur Thérèse-Marie. « C’est pour ça que notre vie est particulière, c’est-à-dire qu’on a justement besoin de cet espace de silence pour se retrouver avec le Seigneur. On a besoin d’une certaine distance, on ne peut pas être les unes sur les autres. Et ces temps de grand silence qu’on peut trouver juste après les complies (prière juste après le coucher du soleil) jusqu’à tierce (prière à 9h du matin) par exemple, nous permettent de nous retrouver avec le Seigneur, de relier cette journée telle qu’elle a été, de pouvoir aussi déposer entre les mains du Seigneur cette relation, par exemple cet échange qui s’est mal passé avec une sœur. »
Une vie dans laquelle les sœurs apprennent à être en silence, ce qui n’est pas toujours évidemment, mais aussi à prendre le temps de la réponse dans leurs échanges. Pour sœur Thérèse-Marie, il est crucial dans une relation de laisser la place au silence et de ne pas en avoir peur.
Resto, voyage, shopping, vacances, les 17 sœurs ont laissé le monde extérieur et choisi volontairement d’y renoncer. Evidemment certaines choses leur manquent mais elles sont toutes persuadées que ce qui est le plus important pour leur vie est niché dans la petite chapelle du monastère et les comble chaque jour. Sœur Thérèse-Marie se souvient du jour où elle a annoncé à l’une de ses meilleures amies qu’elle entrait dans les ordres. Face à la mer, à Nice d’où elle est originaire son amie lui dit « mais tu as vu ce que tu quittes ? ». Elle se souvient répondre alors très simplement « pour moi, le Seigneur est plus que ça. Je peux quitter la mer, je peux quitter la montagne pour lui. Mon renoncement à ce moment-là n’était pas dur. »
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