Peut-on rester soi-même et désirer la sainteté ?

RCF, le 16 octobre 2024 - Modifié le 16 octobre 2024

Lors de la fête de la Toussaint les catholiques célèbrent tous les saints, mais surtout la sainteté. Dans la tradition chrétienne, on dit que chaque baptisé est appelé à devenir saint. Or, on dit aussi que seul Dieu est saint. Le risque avec la sainteté, synonyme de perfection, n'est-ce pas de vouloir être un autre ?

Le risque avec cet idéal de sainteté inaccessible est de tendre vers quelque chose de "désincarné" ©UnsplashLe risque avec cet idéal de sainteté inaccessible est de tendre vers quelque chose de "désincarné" ©Unsplash

Le vendredi 1er novembre, les catholiques fêtent la Toussaint. On célèbres les saints connus et inconnus : c'est en réalité la fête de la sainteté. Mais à quoi bon tendre vers un idéal de perfection ? Suffit-il de rites de purification pour être saint ? Devenir saint est-ce devenir un autre que soi ?

La sainteté est-ce l’inaccessible ?

Dieu seul est saint dans la tradition chrétienne. La sainteté est bien souvent vue comme ce qui est inatteignable. D’ailleurs, dans la Bible, le personnage d’Ouzza, après avoir touché l’arche d’alliance, tombe mort. "Là, on a quelque chose qui est d’une certaine façon traumatisant, qui reste dans les esprits, observe Guy Lepoutre. Comme si la sainteté, c’était la pureté complètement inaccessible de Dieu, que seuls de grands prodiges, de grands ascètes vont arriver à rejoindre."

 

Comme on arrivait au lieu-dit « Aire du Javelot », Ouzza étendit la main pour retenir l’arche, car les bœufs la faisaient verser. Alors la colère du Seigneur s’enflamma contre Ouzza et le frappa pour avoir porté la main sur l’Arche. Ouzza mourut là, devant Dieu.
(1 Ch 13, 9-10)

 

Atteindre l’inatteignable : on est tenté de croire que la sainteté, synonyme de perfection, nous coupe des réalités du monde, qui est imparfait. Dès lors, pour devenir saint comme Dieu il faudrait se purifier.

 

Des rites de purification

Ablutions rituelles totales ou partielles, laver ses vêtements… Dans la Bible, il est souvent question de rituels de purification. "Voici ce que tu leur feras pour les purifier : Asperge-les avec l’eau qui enlève la faute ; puis ils se passeront tout le corps au rasoir, laveront leurs vêtements, et ils seront purs", dit Dieu dans le Premier Testament (Nb 8, 7). C’est sans doute pour cela que l’on a tendance à voir "la sainteté comme quelque chose de tout à fait impeccable qui est lié aux rites, aux rituels, à la sainteté de toute la liturgie, etc.", nous dit Guy Lepoutre.

Le corps est-il si impur qu’il doive être purifié ? S’il est impur, comment penser que Dieu s’est fait Homme ? Pour les chrétiens, c’est le souffle de l’Esprit-Saint qui est à l’œuvre quand Dieu façonne l’Homme avec de la terre, dans le Livre de la Genèse : "Alors le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant." (Gn 2, 7) Pour le Père Lepoutre, "nous-mêmes nous avons été pétris avec amour par Dieu".

Et le message que donne Jésus, qui est l’incarnation de Dieu en Homme, c’est de dire que tout être humain est aimé de Dieu. Et il l’est dans tout son être - corps, âme et esprit, avec ou sans rituel de purification. Jésus ne s’oppose par aux rituels de purification mais il dit que ce n’est pas là l’essentiel. "L’essentiel pour lui, c’est Dieu, nous dit Guy Lepoutre, c’est d’être dans son cœur profond, dans le lien à ce Dieu de toute tendresse, de tout amour... C’est se laisser aimer par le Père et à son tour devenir un être rempli d’amour, qui communique l’amour."

 

L'idée de sainteté est vitale pour notre vie chrétienne. C’est notre vie de chrétien au fond qui est en jeu, une vie qui est parfaitement humaine, en lien avec le mystère de Dieu

 

Peut-on être saint et rester soi-même ? 

Le risque avec cet idéal de sainteté inaccessible, ou les rituels de purification, est de tendre vers quelque chose de "désincarné", pour reprendre les mots de Guy Lepoutre. Si chaque baptisé est appelé à devenir saint, il ne lui est pas demandé de devenir quelqu’un d’autre. La sainteté est un chemin au bout duquel "nous deviendrons une image très originale, très personnelle, de l’amour de Dieu au milieu d’une multitude, d’une foultitude de frères et de sœurs, dont Jésus est le frère aîné. Chacun à sa manière, chacun avec son originalité."

Finalement, être soi-même c’est tout l’enjeu, dans la sainteté. Peut-on espérer être saint, rayonner de l’amour de Dieu et rester celui ou celle que l’on est ? N’est-on pas tentés de ressembler à une figure de sainteté que l’on admire - désirer la bonté d’un Vincent de Paul, la sagesse d’une Thérèse de Lisieux ? "La sainteté ce n’est pas du mimétisme, c’est une invention de l’Esprit Saint à l’intérieur de chacun et de chacune d’entre nous, explique Guy Lepoutre. Dieu est un très grand artiste, et chacun d’entre nous est une œuvre d’art pour Dieu !"

"L'idée de sainteté est vitale pour notre vie chrétienne, explique Guy Lepoutre. C’est notre vie de chrétien au fond qui est en jeu, une vie qui est parfaitement humaine, en lien avec le mystère de Dieu." Et si la Toussaint est liée au Jour des défunts, c'est sans doute parce qu'il y a un lien étroit entre la mort et notre finitude, d'une part, et la sainteté d'autre part, qui est un chemin, qui fait de nous des êtres en devenir.

 

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