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Anne-Cécile Suzanne, agricultrice ornaise engagée revient sur l'importance de ne pas résumer l'agriculture de demain à la filière "bio"...
Nous dépendons pour 1/3 du bio importé. Et pourtant : certaines filières bio françaises sont aujourd’hui en surproduction : lait bio, œufs bio, blé bio… Le bio français, comme une grande partie de l’agriculture française, souffre d’un problème de compétitivité, en particulier lié au fait que nous importons des produits moins disant de l’étranger.
Depuis 10 ans, on demande aux agriculteurs de monter en gamme. Mais le risque est double :
o glisser vers une alimentation à deux vitesses, où les produits français sont réservés, de par leur prix, à une minorité ;
o enfermer les agriculteurs dans des filières saturées et donc dans des trappes à bas revenu.
Ce qui manque aujourd’hui à l’agriculture, c’est une vision politique crédible : on pousse au tout bio, sans envisager les débouchés, on pousse au zéro pesticide, sans envisager des alternatives crédibles pour les agriculteurs.
Il ne faut pas penser l’agriculture française en « tout bio » ou « tout conventionnel ». Nous avons la chance d’avoir une agriculture extrêmement diversifiée, qui s’adapte aux territoires : appuyons-nous sur les territoires pour encourager les agricultures qui y sont adaptées !
Les solutions pour une agriculture durable seront donc parfois bio, HVE, en conservation des sols, ou encore conventionnelles. La mauvaise solution, c’est de chercher à harmoniser les pratiques, ou à opposer les modèles : ce sera préjudiciable à l’environnement, aux paysages, ça massifiera des filières de niche et créera donc un problème de débouché. Or une fois les filières en déséquilibre il est très difficile pour les pouvoirs publics de tordre les règles de marché, la loi Egalim, grand échec, l’a prouvé.
Il faut soutenir la structuration de filières avec un impact environnemental positif, en rémunérant directement les services environnementaux par les financements publics, européens, nationaux, régionaux et privés, notamment par le biais des crédits carbones, pour les conversions mais aussi pour le maintien de ces pratiques, plutôt que de chercher à tout faire supporter au consommateur, qui, dans sa très grande majorité, refuse de payer à la fois pour son alimentation et pour le service environnemental qui va avec.
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