Après l’allocution présidentielle un écart toujours plus grand entre Macron et les Français

L’ancien Premier ministre Michel Barnier a remis hier sa démission au Président de la République. Contraint par le vote de censure passé à l’Assemblée nationale, le savoyard attend désormais son remplaçant à Matignon. Dans une allocution télévisée, Emmanuel Macron a annoncé qu’il devrait être nommé “dans les prochains jours”. La prise de parole présidentielle a aussi été l’occasion pour le Président de s’exprimer sur le contexte politique et d’y apporter des explications. Des explications qui, pour Arnaud Benedetti, politologue et rédacteur en chef de La Revue Politique, ont agrandi le fossé entre les Français et le chef de l’État. 

Une fracture entre l'Élysée et les Français

Que le Président ne s’exprime pas aurait été une erreur pour Arnaud Benedetti. Après la censure du gouvernement, du jamais vu depuis 62 ans, le politologue estime qu’Emmanuel Macron doit des explications aux Français. “Il fallait qu'il tienne une allocution. S'il ne l'avait pas tenue après ce coup de tonnerre que constitue dans notre histoire institutionnelle la censure, les Français ne l'auraient pas compris”. Pour autant le discours présidentiel n’est pas parvenu à rassurer et à fédérer. “Je ne suis pas sûr que l'incertitude, que l'intervention d'hier ait dissipé les incertitudes et les inquiétudes que peuvent éventuellement avoir un certain nombre de nos compatriotes.” En cause pour Arnaud Benedetti, “une fracture” entre Emmanuel Macron et l’opinion.

Je ne suis pas sûr que l'incertitude, que l'intervention d'hier ait dissipé les incertitudes et les inquiétudes que peuvent éventuellement avoir un certain nombre de nos compatriotes.

Selon Arnaud Benedetti cette dissonance n’est pas uniquement liée à la motion de censure. “Elle est, je crois, réelle et assez approfondie depuis plusieurs mois, même avant les élections européennes, mais elle s'est évidemment accentuée récemment.” Selon un sondage publié par Toluna Harris Interactive pour RTL, 64% des sondés sont “favorables à la démission du Président de la République”. La fracture est beaucoup plus prononcée chez les sympathisants des partis d’opposition. 94% des partisans de la France Insoumise sont favorables à la démission d’Emmanuel Macron. À l’inverse seuls 9% des sympathisants du camp présidentiel souhaitent voir le chef de l’État remettre sa démission.

Un président jugé responsable du désordre politique

Dans son allocution le Président de la République a accusé les partis politiques, extérieurs à “l’arc républicain” d’alimenter “le chaos” en France. Pour Arnaud Benedetti “on a l'impression d'avoir un président de la République qui essaye de s'exonérer de ce qui est considéré comme une cascade d'erreurs qu'il a pu commettre et qui ont mené au contexte et à la situation que l'on connaît”. Les partis d’opposition s’en défendent. Sur X, Jean-Luc Mélenchon publie “Il faut traiter la cause du problème. C’est Macron”.

On a l'impression d'avoir un président de la République qui essaye de s'exonérer de ce qui est considéré comme une cascade d'erreurs.

Les Français semblent aussi jeter la pierre au Président. Arnaud Benedetti rappelle les conclusions des sondages. “La réalité, c'est que quand on regarde les études d'opinion, clairement, les français jugent que le premier responsable de cette situation.” Un sondage Ipsos pour le Monde montre que seuls 26% des Français ont confiance dans le Président de la République. La dissolution est toujours mal comprise et vue comme la cause de la motion de censure contre le gouvernement Barnier.

Le Président Macron reçoit désormais les responsables de partis politiques en vue de nommer un nouveau Premier Ministre. Une procédure qui devrait prendre moins de temps que cet été.