Alençon
Mercredi soir, un groupe de 250 députés a adopté l’article phare d’une proposition de loi contre les déserts médicaux visant à restreindre la libre installation des praticiens libéraux. Dans un contexte de pénurie de médecins, l’idée ne séduit pas les intéressés.
Face aux déserts médicaux. Les députés ont fait sauter un tabou mercredi soir avec l’adoption de l’article phare d’une proposition de loi transpartisane. Si le texte est validé dans son ensemble en mai prochain, les praticiens libéraux ne pourront plus s’installer librement.
C’est peut-être le début d’une révolution L'article adopté mercredi soir régulerait l'installation des médecins libéraux ou salariés. Ils devraient solliciter l'aval de l'Agence régionale de santé (ARS) avec un verrou dans les zones les mieux dotées et un feu vert dans les autres territoires. "C'est une logique d'autorisation. On dit à un médecin, vous n'aurez pas d'autorisation à vous installer dans une zone qui est déjà correctement dotée. Mais vous pourrez vous installer partout, ailleurs, là où il y a des besoins, soit 87 % du territoire national" explique Guillaume Garot, député PS de Mayenne est à l'initiative de la proposition de loi depuis 2022.
Dans l’argumentaire du parlementaire, la régulation existe déjà et fonctionne pour d’autres professions de santé : "Les pharmaciens ne s'installent pas là où ils souhaitent, les infirmières, les kinés, les sages-femmes et depuis le 1er janvier, les dentistes. Ce n'est pas la solution magique, mais on a besoin de ce levier-là, car 6 millions de Français qui n'ont pas de médecin traitant. Il y a 8 millions de Français vivent dans un désert médical".
Plus de 250 députés sont cosignataires de cette proposition de loi allant des Républicains jusqu’à la France Insoumise. Chose rare, il y a donc un certain consensus dans l’hémicycle, malgré l'opposition du gouvernement à cette régulation. Les syndicats de médecins eux sont aussi farouchement contre. Une quinzaine d'organisations des principaux représentants des médecins libéraux sont opposée à cette mesure. Dans un communiqué publié jeudi, ils estiment que la fin de la liberté à l’installation médicale constitue "une menace directe pour l'accès aux soins ". "C’est de la démagogie et ça ne va pas résoudre l'accès à un médecin généraliste traitant puisque nous sommes face à une pénurie " dénonce Jean-Christophe Nogert, secrétaire général du syndicat MG France, principal syndicat de généraliste.
Cette idée pourrait aussi "impacter l’attractivité de la profession" et estime Lucas Poitevin président de l’association nationale des étudiants en médecine de France. "Aujourd'hui, les conditions d'exercice sont de plus en plus difficiles. Et donc, si on rajoute après dix ans de cursus, voire plus, des contraintes à l'installation au-delà des contraintes qu'on peut déjà avoir dans notre formation, c'est de nature à rendre moins attractif l'exercice de la médecine".
Pour le syndicat MG France, la lutte contre les déserts médicaux doit passer par des mesures concrètes pour soutenir l’installation de praticiens. "Au XXIe siècle, on ne peut pas travailler tout seul. Il faut travailler en équipe. Avec des infirmiers, avec des kinés, avec des pharmaciens. Il faut prendre les patients en charge en équipe. Et ça nécessite effectivement des locaux, ça nécessite des bâtiments que nous n'avons pas" estime Jean-Christophe Nogert.
Du côté, des patients, la proposition de loi est soutenue par France-Asso- Santé. "Dans l'équité territoriale, il y aura du positif " pense. Catherine Simonin, porte-parole de l’association. "Néanmoins, aujourd'hui. Il n'y a pas de zone surdotée en médecins. Il va falloir peut-être d'adapter notre système de santé à la réalité aujourd'hui, et peut-être réfléchir. À une meilleure organisation des soins avec un décloisonnement ville-hôpital et surtout pour les personnes qui sont atteintes de maladies chroniques" nuance-t-elle.
Mardi, le Premier ministre François Bayrou s'est dit favorable à une forme de "régulation", mais a appelé à bâtir un plan de solution, incluant l'ensemble des acteurs, d'ici la fin du mois L'examen du reste du texte est prévu début à partir du 5 mai. Il contient d’autres mesures comme la suppression de majoration des tarifs pour les patients sans médecin traitant, ou encore le rétablissement d'une obligation de participer à la permanence des soins.
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