La Pologne prendra la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne le 1ᵉʳ janvier 2025. Dans une Union européenne affaiblie, Varsovie veut faire entendre sa voix.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk multiplie les initiatives diplomatiques ces dernières semaines. Encore mercredi avec la signature d’un partenariat stratégique avec la Suède.
La Pologne prendra la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne le 1ᵉʳ janvier prochain. Mais avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, la Pologne craint des conditions de paix défavorable à l’Ukraine et des conséquences pour la sécurité européenne face à la Russie. "Donald Tusk est un Européen convaincu" rappelle Patrick Martin-Genier enseignant à Science Po Paris et spécialiste des questions européennes. Donald Tusk a déjà gouverné la Pologne entre 2007 et 2014 et a ensuite présidé le Conseil européen jusqu’en 2019.
"Le fait que la Pologne soit aux avant-postes dans l'aide à l'Ukraine, qu'elle ait eu un effet d'entraînement vis-à-vis des États baltes et maintenant nordiques fait que la Pologne a un rôle important. Cela représente une sorte de basculement du pouvoir vers l'Est européen" analyse Patrick Martin-Genier. Pour autant, il ne voit pas la Pologne remplacer le moteur européen du couple franco allemand Mais contrairement à Paris et Berlin Varsovie dispose d’un gouvernement fort, issu des législatives d’octobre 2023, avec une participation record. Et cela laisse actuellement plus de marge à la Pologne.
Sur le plan politique et diplomatique, la Pologne s’affirme, mais c’est aussi le cas sur le plan militaire. Le pays est membre de l’OTAN et dès l’annexion de la Crimée par la Russie, les Polonais ont entamé leur réarmement. Il s’est accéléré avec l’invasion de l’Ukraine. Contrairement aux Européens de l’Ouest, en raison de son histoire la Pologne considère beaucoup plus sérieusement la menace russe.
"Les Polonais ont la crainte d’être les prochains attaqués si jamais l’Ukraine tombe" indique Amélie Zima, docteur en sciences politiques, responsable du programme sécurité européenne et transatlantique à l’IFRI. "Donc il faut se prémunir et le problème, c'est que la Pologne a donné énormément de matériel déjà à l'Ukraine. Il y a une nécessité d'une part de renflouer ses stocks et d'autre part de monter en puissance" précise Amélie Zima.
En avril 2022 juste après l’invasion de l’Ukraine, le Parlement polonais a voté la loi sur la défense de la nation. Elle stipule que la Pologne doit dépenser minimum 3 % de son PIB dans la défense. Actuellement, la Pologne a dépassé les 4 % du PIB pour sa défense. La norme OTAN, c’est 2 %. Cette stratégie s’est matérialisée par des achats massifs d’armements avec des commandes auprès des Etats-Unis (des systèmes de défense antimissile Patriot, des avions F35, des blindés). La Pologne se fournit aussi auprès de la Corée du Sud avec pratiquement un millier de chars commandés et des obusiers.
Enfin sur le plan des effectifs, la Pologne s’est fixé des objectifs très ambitieux. "On parle d'une armée à 250 000 hommes. Les chiffres fournis, notamment par l'OTAN indiquent déjà à 216 000 hommes. S'ils maintiennent leur objectif, ce sera la première armée de terre d'Europe" souligne Amélie Zima. A titre de comparaison, en 2023, l'armée de Terre Française comptait 119 766 militaires d'active. Par ailleurs, la Pologne développe aussi une défense territoriale et éduque la population au risque de conflit.
Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que la présidence polonaise de l’UE sera très axée sur la sécurité. "Pas seulement sur les aspects militaires, mais aussi la sécurité alimentaire, la sécurité énergétique ou la sécurité pour l'approvisionnement des médicaments. En Pologne, on estime que l'Union européenne est l'institution adéquate pour traiter de ce genre de questions" explique Amélie Zima.
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